Production De Biodiesel : Des Voitures Qui Roulent au “Fatak”

11 years, 2 months ago - 29 January 2013, Le Mauricien
Production De Biodiesel : Des Voitures Qui Roulent au “Fatak”
Équilibre, société d’investissement à dynamique écologique, propose une option vers une île Maurice plus verte. La production du biodiesel, grâce à un partenariat avec Alphakat et St Aubin notamment, devrait se concrétiser d’ici fin 2013. Une présentation a eu lieu mardi à l’Université de Maurice.

On l’a souvent répété, on ne peut plus produire autant de pétrole qu’on le voudrait. Sortir de ce modèle n’est cependant pas évident, malgré les innovations technologiques. Le docteur Christian Koch, inventeur d’une turbine à production de biodiesel, s’est déjà exprimé à ce sujet dans les colonnes du Mauricien en début de semaine, parlant de « mauvaise volonté » ou encore de « mainmise de certains lobbies tentaculaires ». Comment contourner la pieuvre ?

« Proposer des solutions aux petits pays », a-t-il affirmé hier lors d’une présentation à l’Université de Maurice. « C’est alors que les plus grands pays se diront que cela fonctionne vraiment ». C’est dans cet esprit que la société d’investissement Équilibre, dont le directeur est Laurent de Morelos, s’est associée avec Alphakat. Une première unité de démonstration de fabrication de biodiesel sera installée avec le concours des ingénieurs allemands et mauriciens de l’UoM sur les terres de St Aubin, où sera d’ailleurs cultivée la biomasse nécessaire au projet.

Intégration

« Le but d’Équilibre est de produire du fuel de manière efficace dans les coûts, sans causer de dommages à l’environnement, sans bousculer le contexte actuel, avec un soin des données socio-économiques », explique Laurent de Morelos. L’écologie n’est pas qu’une question de « non-pollution » ou de « préservation ». La solution du docteur Koch (voir plus loin) permet non seulement d’utiliser de la bagasse cannière comme biomasse mais également l’arundo dorax, communément appelé fatak et qui pousse en abondance à Maurice. Le biodiesel à Maurice est un projet concret qui pourrait en outre « nous purger de nos bus polluants ». Le biodiesel, grâce à l’effet d’un catalyseur, est véritablement vert de la production à la combustion, soit de l’ordre de zéro émission.

À terme, Équilibre vise à produire plus de 37 000 000 de litres de diesel par an, ce qui couvrirait 15 % des besoins du pays. Les différentes phases sont expliquées ci-dessous. Les détails sont communiqués par Robin Virahsawmy, directeur marketing d’Équilibre.

  • Phase 1 : la construction d’une unité de démonstration à St-Aubin. Le rendement sera de 150 litres de biodiesel par heure. Il est prévu que l’unité soit assemblée d’ici fin juin. Équilibre et Alphakat espèrent d’ici fin 2013 avoir produit plus de 1 million de litres de biodiesel. Ce projet, qui a vu le jour il y a trois ans maintenant, a jusqu’à l’heure engrangé plus de 3 millions d’euros.
  • Phase 2 : d’ici juillet 2014, Équilibre et Alphakat espèrent lancer une plus grosse unité. D’ici là, le projet devrait avoir engrangé plus de 8 M d’euros et produire plus de 9 millions de litres pour 2014.
  • Phase 3 : extension de l’unité industrielle. Avec la vente de biodiesel et l’extension du partenariat, le développement devrait atteindre son rythme de croisière d’ici 2015 ; soit une capacité de 37 millions de litre produits par an pour un investissement total de 26 M d’euros.

Quels bénéfices ? Le but de toute société – quelle soit respectueuse de l’environnement ou pas – reste le profit. Et le prix du biodiesel d’Équilibre compte être annexé au prix mondial et vendu à la State Trading Corporation. Mais une nette réduction de coûts devrait permettre une marge confortable tout en évitant à Maurice de dépendre du hedging. « Malgré les fluctuations mondiales, notre biodiesel devrait suivre une courbe plus facile à modeler dans le long terme. Si le prix mondial du diesel passe de Rs 24 à Rs 30 le litre, nous allons vendre notre biodiesel à moins que Rs 30 ».

La présentation du projet a eu lieu à la faculté d’ingénierie en présence du ministre de l’Environnement et du Développement durable Dev Virahsawmy, de scientifiques de l’UoM, d’élèves et de parties prenantes telles que Khalil Elahee et Osman Mohammed.

TECHNIQUE : « révolutionnaire »

Sans trop de rigueur scientifique, voilà le fil conducteur de la pensée du docteur Christian Koch. La problématique d’origine est la suivante : comment produire du fuel à partir de matières organiques ? Il faudra revenir à la base : comment la nature s’y prend-elle pour former son pétrole ? Pour simplement, il s’agit de la décomposition, de la sédimentation et hydrogénation de produits organiques – végétaux, animaux, notamment – dans le sous-sol terrestre pendant des millions d’années (à l’échelle des temps géologiques). La mission de Christian Koch était donc d’accélérer ce procédé…

Sauf que ce n’est pas aussi facile à dire qu’à faire. Hydrogéniser demande un effort de combustion qui peut être aussi polluant – ou plus polluant – que le forage même. Ce qui n’est pas toujours viable. La première innovation de Christian Koch est la suivante : d’avoir développé un système d’hydrogénation sans pression à basse température, un « procédé vert ».

Deuxième innovation : le développement d’un agent catalyseur spécial afin de réduire à zéro émission de CO2 les effets de combustion de notre biodiesel.

Autres innovations proposées par Alphakat, une « révolution » selon le scientifique : le développement de turbines et de systèmes à composantes pour faciliter l’usage industriel de l’invention. Le projet pilote, qui sera implanté à St-Aubin, se constitue d’une unité qui pourra produire jusqu’à 150 litres de biodiesel par heure. La biomasse utilisée sera l’arundo dorax, ou fatak, ou la bagasse. L’équivalence est d’environ trois kilos de bagasse pour 1 litre de biodiesel.

Le potentiel de rendement est de plus de 12 millions de litres de biodiesel pour chaque 1 000 hectares de terre cultivée. Selon une simulation de Christian Koch, une parcelle de 11 % du Brésil peut produire 8 milliards de tonnes de cannes à sucre et produire 2 milliards de tonnes de biodiesel, soit plus de la moitié de la production mondiale d’huile lourde.