Accident mortel à Pailles – Tragédie: Quatre vies brisées

il y a 4 années, 1 mois - 6 Novembre 2020, lexpress.mu
Accident mortel à Pailles – Tragédie: Quatre vies brisées
Jeudi noir pour l’île Maurice, hier.

Un grave accident survenu à hauteur de Pailles, où un autobus transportant environ 75 travailleurs bangladais a percuté un arrêt d'autobus faisant quatre morts et plusieurs blessés. Ce qui porte le bilan des accidents à 111 morts depuis le début de l'année.

La route a encore frappé à Pailles hier matin, causant un embouteillage monstre sur l'autoroute. Un autobus Koushal Travel transportant des travailleurs bangladais à leur site de travail a percuté un abribus vers 7 heures. Quatre morts – Abdur Razzack, Sonchoy Das, Islam Farook et Rakib Molla – et 64 blessés. Ces ouvriers étrangers employés par le groupe Hyvec avaient quitté leur dortoir à Trianon pour un chantier à Port-Louis. Le véhicule était conduit par Nishal Goorapah, un habitant de Nouvelle-Decouverte.

La police, le SAMU, les pompiers et la Special Mobile Force sont vite arrivés sur les lieux. Les blessés ont été dirigés vers l'hôpital A. G. Jeetoo, à Port-Louis, où le personnel a été réorganisé. Le directeur de l'hôpital, le Dr Ismet Nawoor, a expliqué que les services de routine ont été suspendus momentanément et les opérations non-urgentes renvoyées pour l'après-midi afin de prendre en charge les blessés. L'état de l'un d'eux inspire de vives inquiétudes.

Le chauffeur est encore en état de choc. Grièvement blessé à la jambe, Nishal Goorapah, 41 ans, a subi une délicate intervention chirurgicale et se retrouve dans le plâtre. Selon ses proches, il est aussi blessé à la tête et devra subir d'autres examens médicaux. Il n'a pas encore donné sa version des faits à la police mais il devra le faire dès qu'il sera rétabli.

Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, qui s'est déplacé à l'hôpital, a assuré que le gouvernement se chargerait du rapatriement des ouvriers décédés dans les plus brefs délais. Il a indiqué que la sœur de l'un d'eux souhaite participer au rapatriement de son frère pour ensuite revenir travailler à Maurice. Le leader de l'opposition, Arvin Boolell, et d'autres parlementaires étaient aussi présents à l'hôpital. Rezina Ahmed, haut-commissaire du Bangladesh, a aussi fait le déplacement.

L'autopsie pratiquée par le médecin légiste a attribué le décès des victimes à de multiples blessures. L'enquête est placée sous la supervision de l'assistant commissaire de police Mohunlall Madhow, Divisional Commander de Port-Louis Sud. Le véhicule sera examiné par les experts de la police et des officiers du ministère du Transport public.

L'express s'est entretenu avec RK Din Islam, 25 ans, le meilleur ami de Molla MD Rakib, une des victimes. Les deux jeunes Bangladais se sont liés d'amitié à Maurice. «On était très proches. On allait se promener ensemble. Il aimait plaisanter», confie-t-il, tout en nous montrant des photos de leurs bons moments passés ensemble, à la plage notamment. Selon ses dires, ils sont venus à Maurice il y a quatre ans. «Plus précisément, avec une semaine de différence. On travaillait ensemble jusqu'à récemment. Il y a trois mois, il a été transféré sur le site de Pailles alors que je suis toujours basé à Trianon. Il quittait le dortoir une heure plus tôt que moi. Il se levait à 5 heures pour prendre son petit-déjeuner et se préparer pour le boulot», raconte RK Din Islam. Hier matin, il prenait son petit-déjeuner lorsqu'il a appris pour l'accident. «J'ai accouru à l'hôpital», dit-il.

Un témoin: «l'autobus roulait vite, de la fumée émanait du véhicule»

Un témoin, qui a parlé au chauffeur de l'autobus, raconte qu'il était à moto et qu'il a vu l'autobus qui roulait à vive allure. «Il y avait de la fumée qui sortait de l'autobus devant. Je me suis arrêté à sa hauteur à Trianon et je lui ai dit que de la fumée émanait de son véhicule», raconte le motocycliste. Le chauffeur lui aurait répondu : «Korek sa», avant de poursuivre sa route.

Dominique René, Hr manager Hyvec Group: «nous sommes encore sous le choc»

Dès qu'il a appris la terrible nouvelle, Dominique René, HR manager de la société de construction Hyvec Group, s'est rendu à l'hôpital. «Nous sommes toujours sous le choc. Nous nous occuperons des démarches administratives et nous laissons la police faire son travail», déclare-t-il. Il explique que la compagnie travaille avec Koushal Travel depuis environ un an. Le chauffeur a l'habitude de déposer les employés et la compagnie n'a jamais eu de souci avec le transporteur.

Le propriétaire de l'autobus: «l'autobus n'avait aucun problème technique»

Il est arrivé sur les lieux de l'accident dès qu'il a appris la nouvelle. Attristé par ce drame, le propriétaire de l'autobus dit que le véhicule n'avait aucun problème technique et qu'il ne comprend pas ce qui a pu se passer. Son autobus n'a jamais été impliqué dans un accident auparavant et il n'a jamais eu de problème avec son chauffeur.

Syndicalistes : Le ministère doit assumer ses responsabilités
La mort de ces travailleurs étrangers attriste les syndicalistes qui les côtoient. Pour Fayzal Ally Beegun, Jane Ragoo et Reeaz Chuttoo, le ministre du Travail doit être plus présent auprès d'eux.

Cette situation a comme un air de déjà-vu pour Fayzal Ally Beegun qui se remémore le grave accident de 2011 à St-Julien-d'Hotman. «À l'époque, il y avait déjà un débat sur les causes de l'accident et ce que dirait l'enquête. Mais après, on n'a plus rien entendu.» Il espère que le ministère va prendre ses responsabilités. «Déjà, les normes ont-elles été respectées ? Comment expliquer le nombre de travailleurs dans ce bus ? Autant de questions et aucune réponse.» Le syndicaliste confie que les travailleurs légèrement blessés en ont profité pour parler de leurs conditions de vie. «Ils disent ne pas avoir d'eau potable tous les jours et doivent utiliser l'eau des rivières. Ils ont aussi parlé de l'état de leur dortoir.»

Même constat de Reeaz Chuttoo. Certains travailleurs de cette compagnie se sont déjà plaints auprès du CTSP. «Ils ont parlé de maltraitance, problème de salaire, pressions de la direction et même menaces de déportation. Mais ils ont peur de dénoncer ces faits auprès du ministère du Travail.» Les travailleurs étrangers ne seraient pas toujours traités avec le respect qui leur est dû. «Nous avons eu un cas mercredi où une compagnie chinoise utilisait des règles anticonstitutionnelles en séquestrant leurs travailleurs, les empêchant de sortir de leur dortoir.»

Fayzal Ally Beegun lance un appel au ministre Soodesh Callichurn pour que les familles endeuillées soient compensées. «Que la compagnie et le ministère aident ces familles.» Reeaz Chuttoo espère, lui, que le ministère va ouvrir un comptoir dédié aux travailleurs étrangers.