Accidents mortels: samedi noir sur l’asphalte

il y a 4 années - 6 Octobre 2020, lexpress.mu
Accidents mortels: samedi noir sur l’asphalte
Encore un week-end meurtrier. Quatre personnes ont trouvé la mort sur nos routes en 24 heures, portant le nombre de victimes à 93.

Trois jeunes motocyclistes et un bébé dans une voiture (qui a heurté un cocotier) n'ont pas survécu.

Eau-Bouillie : «Isha notre petite princesse nous a quittés», pleure sa famille
Le village de Ripailles est dans la consternation en ce dimanche 4 octobre. La famille Mothoree pleure leur princesse Isha, qui s'en est allée en emportant leur joie de vivre. Yash, le frère aîné, nous explique qu'ils étaient inséparables et se demande comment il va vivre sans sa sœur, sa complice, son amie et sa confidente. Elle était tout pour lui.

Isha Devi Mothoree, 17 ans, fréquentait le collège Dr Maurice Curé. Elle chérissait le rêve de devenir pilote d'avion. «Cela fait un an qu'elle roule une moto japonaise et elle était très prudente. Nous sommes sortis faire une balade samedi à La Nicoliere. Un ami et moi étions en voiture alors qu'elle roulait tranquillement. Sur le chemin du retour, en arrivant à Eau-Bouillie, elle a dérapé car elle avait mal négocié un virage. C'est mon ami qui a constaté qu'elle était à terre. Elle était consciente mais à l'hôpital, le médecin nous a expliqué que son état était critique. Elle avait une côte cassée et une fracture de la colonne vertébrale.»

Yash n'arrête pas de faire les éloges de sa sœur qui, dit-il, était très intelligente. «Elle avait une seule passion, à part ses études et les leçons particulières, sa moto la rendait heureuse. Elle roulait pour déstresser et je l'accompagnais. Elle m'a tout le temps dit : 'On ne sait pas ce qu'il y a devant. Il faut vivre la vie à fond.'»

La dernière parole qu'elle aurait lancée à Ashley, l'ami de Yash de qui elle était proche : «Pran moto-la to met dan kwin, papa pé asté enn loto pou mwa.» Elle n'a cependant pas pu accomplir son rêve de conduire la voiture que lui aurait promise son père. Le rapport d'autopsie a révélé qu'elle est décédée de multiples blessures.

Bramsthan : le petit Adam St-Pierre parti trop tôt
Le couple St-Pierre, qui habite Arsenal, n'entendra plus le gazouillis de leur petit Adam, deux mois. Il était la joie de la famille depuis sa naissance, toujours souriant et en bonne santé. Il s'en est allé comme un ange dans le ciel. Le bébé est décédé dans un accident de la route aux petites heures, hier. La joyeuse sortie pour se rendre à un mariage le samedi 3 octobre a tourné en tragédie.

Jeffrey St-Pierre, que nous avons rencontré chez le couple à Arsenal, explique comment son frère a été victime d'un accident. «Mon frère aîné Jordan était en compagnie de six autres passagers dans une voiture pour se rendre à un mariage à Mahébourg. En rentrant, il est allé déposer un ami et son épouse à Bramsthan. En route, la voiture qu'il avait empruntée à notre oncle a dérapé et est allée heurter un cocotier sur la route de Bel-Air en direction de Bramsthan. L'accident s'est produit vers deux heures du matin. Mon frère m'a expliqué qu'il n'a pas pu éviter quelque chose sous la roue. L'alcooltest de mon frère s'est révélé négatif.»

Notre interlocuteur ajoute qu'il venait de rentrer chez lui quand la mère du petit Adam l'a appelé. «Je reçois un appel de ma belle-sœur qui paniquait et pleurait au téléphone. Li dir mwa dégazé vini Adam pa bien. Ils étaient à l'hôpital de Flacq. Quand je suis arrivé à l'hôpital, mon neveu avait déjà rendu l'âme. Je pense qu'il était mort sur le coup vu l'impact de la collision.»

Les funérailles du nourrisson n'auront pas lieu de sitôt, explique Jeffrey St-Pierre, car sa belle-sœur doit être opérée à la jambe. «Le couple est admis à l'hôpital de Flacq. Jordan a reçu un choc à l'estomac. Il est toujours sous le choc. Le docteur a préféré le garder afin qu'il récupère.» L'autopsie du petit Adam par le Dr Gungadin a révélé qu'il est décédé de multiples blessures. Une enquête a été initiée par la police de Bel-Air pour déterminer les causes de l'accident.

Émouvant adieu à un fils unique
Les Begué de Kiwi Lane, morcellement Madhoo, Baie-du-Tombeau, sont anéantis. Elena et Jean Clair viennent de perdre leur fils unique, John-Clair, âgé de 25 ans, dans un tragique accident survenu aux petites heures samedi à la rue Macadam presque en face des appartements de la NHDC. Hier matin, ils l'ont mis en terre après un émouvant adieu au cours de la cérémonie funèbre à l'église de St-Malo.

Il est deux heures du matin samedi au domicile des Begué quand ses parents sont informés de l'accident de John-Clair Begué. Il pilotait la Vespa de son père quand il a été percuté de plein fouet par une motocyclette conduite par Kheman Gungadin, 19 ans. Ce dernier, un habitant de la région, n'a pas survécu à ses blessures.

John-Clair Begué devait s'envoler pour l'Angleterre le vendredi 6 novembre pour rejoindre son épouse Chloé, née en Angleterre de parents mauriciens. D'ailleurs, son billet d'avion avait été acheté la veille de cet accident. Les deux jeunes se sont fiancés en Angleterre le 22 décembre 2019 avant de se marier civilement le 8 janvier suivant. Le mariage religieux devait se faire en mai 2021. Chloé Begué, très abattue après avoir appris la nouvelle, s'est exprimée sur les ondes d'une radio privée et explique être perdue. «Je l'aimais tant. Que vais-je faire sans lui ?»

Le père et la mère de John-Clair arrivaient difficilement à contenir leurs émotions devant sa dépouille installée dans le salon de leur maison. Jean-Clair, un entrepreneur de 58 ans, raconte que son fils était un enfant «gâté», qui ne manquait de rien. Après l'école du gouvernement SergeCoutet à Baie-du-Tombeau il avait arrê- té sa scolarisation. Après quelques années de cours dans une institution privée de la capitale, il avait pris de l'emploi chez IBL Ltd dans le département livraison.

Peu de temps après, il s'était intéres- sé au secteur de l'événementiel, dont il a fait son métier jusqu'à sa mort. John-Clair avait une passion pour la musique et avait beaucoup d'amis. Il aimait également le foot et sa préférence était pour l'équipe de Paris St-Germain. Le jour du drame, il avait confié à son père qu'il allait acheter des grillades à la NHDC. D'ailleurs, raconte son père, ses amis étaient en voi- ture derrière lui lorsqu'il a été fauché par l'autre motocyclette. Selon des témoignages que ses amis ont recueillis sur place, la victime de la motocyclette et un autre motocycliste étaient engagés dans un rallye quand l'accident s'est produit.

L'autopsie sur les deux corps a été pratiquée par le Dr Prem Chamane, Principal Police Medical Officer. La cause du décès de John-Clair Begué a été attribuée à une rupture du foie et celle de Kheman Gungadin à une fracture du crâne.

Il laisse des notes inachevées
Il avait 25 ans et une longue carrière artistique dans sa manière d'être, sa générosité et sa simplicité. Très apprécié par ses amis artistes, dont Bigg Frankii, Warren Permal et Baron, qui étaient présents aux funérailles de John-Clair Begué et l'ont accompagné au cimetière de Roche-Bois sur les notes de la chanson Molo. Tout le monde parlait de lui comme d'un garçon au grand cœur toujours prêt à aider et à mettre de l'ambiance. Il évoluait dans l'univers musical et son départ n'a pas laissé indifférent. Bigg Frankii s'est exprimé sur les réseaux sociaux en postant une vidéo de John-Clair Begué effectuant quelques pas de danse. «Bro tonn dans enn dernié ti dans pou nou. Zis to pou mank nou. Répoz an pé mo frer. Tonn aksepté pous to biyé avion zis pou mo lanif. Kontan twa for mo frer.» Pour lui rendre un hommage symbolique, Bigg Frankii a chanté ses chansons préférées à son concert New Generation Tour au Caudan Arts Centre, samedi soir. Concert suivi en Live sur Facebook ayant atteint 2 000 vues et des commentaires démontrant que John-Clair était très apprécié et évoquant la passion du jeune homme qui aimait faire des lives de tous les concerts de Bigg Frankii. Alain Ramanisum s'est aussi exprimé en affichant sur Facebook une photo avec John-Clair Begué. Warren Permal, présent à l'enterrement, explique que le jeune aimait le dernier tube de Bigg Frankii. «Li ti mari fan santé Molo Molo

Un rescapé met en garde contre la vitesse...
25 ans a vu la mort en face en décembre 2019 quand il est entré en collision avec une autre moto. Bilan : l'autre protagoniste, un septuagé- naire, est mort sur le coup. Jean-Luc a passé plus d'un mois dans le coma à l'hôpital SSRN, à Pamplemousses, et ses proches ont cru que c'était la fin. Il s'en est sorti. Et aujourd'hui, il ne pense pas toucher à une moto de sitôt. «Ce jour-là, je roulais sur une route un peu glissante. J'ai vu juste une lumière s'approchant de moi et après, c'était le noir», relate-t-il. Il ne se souvient plus de l'accident. «Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai vu mon copain qui me regardait en pleurant.»

Jean-Luc est un féru de moto mais cet accident l'a mené à une grosse remise en question. «Quand j'y pense, j'ai eu beaucoup de chance. L'autre victime est morte sur le coup. J'aurais pu perdre tout ce que j'avais et surtout accabler mes parents...» C'est le regard rempli d'émotions qu'il se dit attristé devant la hausse des accidents de moto. «Vites seryé mé pa déklar tro konpran parski kan to trouv lamor dé pré, difé mem sa», explique-t-il. Il dit être au courant des courses de moto qui se font mais il ne veut plus y penser. «Avan mo ti anvi al testé ek gété sipa mo konpran zafer-la, mé la non. Mo tourn zorey.» Jean-Luc conseille aux jeunes de ne pas «swiv manier». «Si vous aimez vraiment la moto et la maîtrisez vraiment après un passage dans une moto-école, vous pouvez choisir ce moyen de locomotion. Mais sinon, ne vous hasardez pas.»