Dass Mootanah, CEO de Metro Express Ltd : « La question de la rentabilité pas avant mi-2023 »

il y a 3 années - 14 Décembre 2021, Le Mauricien
Dass Mootanah, , CEO de Metro Express Ltd
Dass Mootanah, , CEO de Metro Express Ltd
41 mois après sa nomination à la tête de la compagnie Metro Express ltd (MEL), Dass Mootanah évoque dans cet entretien son bilan, deux ans après l’inauguration de la ligne entre Rose-Hill et Port-Louis.

Malgré les préjudices financiers subis par la compagnie suite à l’arrêt des opérations pendant les deux confinements, il se félicite que plus de 5 millions de passagers ont voyagé par le métro jusqu’à présent. « La rentabilité du projet ne sera pas d’actualité avant mi- 2023 », soutient toutefois Dass Mootanah, qui vise les 60 000 passagers quotidiennement lorsque la ligne Port-Louis-Curepipe sera opérationnelle en décembre 2022 pour atteindre son objectif. 

41 mois se sont écoulés depuis que vous avez été propulsé à la tête de MEL et cela fera deux ans le 22 décembre qu’ont démarré les opérations du métro entre Rose-Hill et Port-Louis. Quel bilan pouvez-vous tirer ?

C’est par le biais d’un appel international que j’ai été sélectionné pour prendre les manettes de la compagnie en juillet 2018, après avoir dirigé durant deux ans la Road Development Authority (RDA). Le challenge était énorme et il fallait avoir les épaules solides pour mener ce projet colossal à bon port, car cela implique l’émergence d’une nouvelle industrie. Ayant cumulé plus de 27 années d’expérience dans le domaine des trains, du transport et des autoroutes à Londres, notamment pour les Jeux Olympiques de 2012, et à Sydney en Australie, je n’entrais pas en terrain inconnu. Il fallait juste que je mette en pratique tout ce que j’ai appris à l’extérieur. Ma première fonction a consisté à orchestrer l’interface réseau des utilités publiques qui est la clé pour la réussite ou l’échec d’un projet d’une telle envergure. Grâce au soutien des gens du métier, cette étape a été couronnée de succès. Mes satisfactions sont multiples. En très peu de temps, MEL a réussi à recruter plus de 200 employés, dont des ingénieurs, des directeurs de projets, des gens de la maintenance, qui se sont très vite adaptés aux exigences que requiert cette nouvelle industrie. Mon objectif est d’autonomiser les jeunes. Je suis sur la bonne voie. Quant au bilan en termes de fréquentation, les chiffres sont là pour attester le fait que les Mauriciens ont compris la nécessité à une alternative aux modes de transport en commun existants. Malgré les deux confinements, MEL a enregistré cinq millions de passagers au 31 octobre cette année.

Vous avez néanmoins été confronté à des aléas et des difficultés durant vos deux ans et demi de mandat…

Outre les préjudices financiers qu’on a subis avec l’arrêt des opérations pendant les deux confinements, l’acquisition des terrains empiétant sur le tracé a contrarié nos plans lors de la phase 1, car nous avions un délai précis pour la livraison. Du coup, nous avons accumulé du retard, mais rendons à César ce qui est à César : le constructeur indien Larsen & Toubro (L&T) a abattu un travail colossal pour faire en sorte de respecter la date butoir pour le lancement de l’opération commerciale. Il fallait aussi convaincre les citoyens lésés par les travaux du bien-fondé de l’implémentation de ce nouveau mode de transport. Avant même le début des travaux, nous avions eu à accorder nos violons pour répondre aux innombrables questions de l’opposition qui faisait feu de tout bois au Parlement.

On peut également parler de l’échec de l’implémentation des navettes sur le tracé Port-Louis/Rose-Hill. Quelles sont les pistes d’amélioration à ce sujet ?

Il n’est nullement mon intention de faire porter le chapeau au ministère de tutelle qui avait échafaudé le projet des navettes en marge du lancement du métro en 2019. Ça n’a pas fonctionné pour plusieurs raisons. Les compagnies d’autobus, qui étaient en proie à l’inquiétude avec l’arrivée de la concurrence, voulaient très vite faire partie intégrante du projet en proposant leurs services de navettes. Sauf que, compte tenu de l’état lamentable et la dimension insuffisante des rues dans des quartiers des villes sœurs et ailleurs, les gros autobus low-floor déployés par les opérateurs étaient dans l’incapacité de sillonner ces régions. Nous avons retenu les leçons et travaillons actuellement sur une nouvelle stratégie qui consiste à identifier les secteurs propices à accueillir les navettes. Encore faut-il que les rues concernées fassent l’objet de réfection et d’un entretien régulier. Un projet pilote a été lancé récemment dans les régions de Quatre-Bornes grâce à un accord avec la NLTA qui a fourni un service de mini-van. Aussi, la construction des Urban Terminals facilitera le passage des voyageurs d’un mode de transport à un autre. Les services de navettes ne donc seront pas abandonnés, c’est clair.

Toute la complexité entourant le financement et la rentabilité d’un tel projet relève de deux choses : les dépenses d’investissement et celles liées aux opérations. De fait, la question est de savoir dans quel délai MEL entend prospérer et faire du profit…

Nous avons réajusté nos prévisions. Il nous faut être réalistes et attendre que l’opération commerciale démarre entre Port-Louis et Curepipe en décembre 2022. L’objectif étant d’accueillir 60 000 passagers quotidiennement. Nous sommes actuellement à une fréquentation d’environ 8 000 voyageurs pour le tracé Port-Louis-Quatre-Bornes. La rentabilité du projet ne sera donc pas d’actualité avant mi-2023, d’autant que la pandémie est venue jouer les trouble-fête. Obviously, we will have to make profit, but the success for us is to make people love the metro and add value to society. Nous disposons d’une enveloppe de Rs 60 millions pour embellir les paysages longeant le tracé. Voyez comment l’Ebene Recreational Park suscite l’engouement des joggers et des férus de balades en famille. Ce n’est pas uniquement une question d’argent.

Reste que certains économistes estiment que la gratuité du transport pour les personnes âgées et l’alignement du coût du ticket du métro sur celui de l’autobus compromet davantage la rentabilité du projet. Doit-on s’attendre à une augmentation du coût du ticket du métro dans un proche avenir ?

L’augmentation des tickets d’autobus et du métro incombe au gouvernement. À l’instar des opérateurs d’autobus, MEL doit également recevoir des subsides pour la gratuité des tickets pour les étudiants et les personnes âgées. Nous n’avons obtenu qu’une partie de la somme pour l’instant. La rentabilité d’un tel projet requiert également une bonne stratégie en termes de non-fare revenue. Nous avons d’ailleurs déjà implémenté avec brio des panneaux publicitaires électroniques sur tout le tracé qui rapportent gros à la compagnie. À cela s’ajoute l’acquisition prochaine de bâtiments commerciaux et l’exploitation des Urban Terminals.

Évoquons la phase 2B du projet. Vous avez soutenu, lors d’une visite à Sadally lundi, que dans quelques mois, l’opération commerciale débutera sur le tracé Quatre-Bornes-Phœnix. C’est un événement qui n’était pas prévu au départ…

Encore une fois, grâce à la dynamique de MEL et de L&T, les choses sont allées très vite sur cette partie du tracé. Du pain béni dans l’optique de parvenir à rentabiliser le projet dans un délai convenable. Les rames du métro parcourront donc la route Saint-Jean et Trianon pour s’arrêter à Phœnix avant juin 2022.

L’extension du projet vers Côte D’Or, le Sud et le Nord de l’île est un autre dossier important. Où en est la réflexion sur ces futures lignes ?

Des études de faisabilité sont en cours pour étendre le tracé vers Saint-Pierre et Côte-D’Or, qui ouvrira la voie à l’arrivée du projet dans l’Est de l’île. Au même titre que l’extension vers La Vigie et le Sud. Quant au projet métro vers le Nord, nous attendons l’aval de l’Unesco pour la construction d’une ligne de chemin de fer autour de l’Aapravasi Ghat.

Sauf que vous n’êtes pas sans savoir que l’Unesco demeure intransigeante en ce qu’il s’agit de protéger les sites classés au Patrimoine mondial. L’extension du métro vers l’Aapravasi Ghat et le Nord du pays n’est-elle pas définitivement compromise ?

Pas nécessairement. Un rapport que nous a fait parvenir à l’Unesco souligne que le métro fait partie d’une grande attention en faveur du développement durable de l’environnement et des facilités de déplacement vers le site historique. Cette remarque devrait à mon avis jouer en notre faveur. Je suis confiant.

Projetons-nous à 10 ou 20 ans dans l’avenir. Où en sera l’industrie ferroviaire à Maurice ?

Il y aura toujours un marché pour le métro et la nouvelle technologie sera au centre du développement. Compte tenu de l’engouement que suscite ce nouveau mode de transport et des vœux du Premier ministre, tout porte à croire que la ligne de chemin de fer sera étendue vers tout le pays dans 10, 15 voire 20 ans. Un master plan est déjà en préparation en prévision de cet objectif. Il prendrait en compte les régions de Flic-en-Flac, Rivière-Noire et Tamarin notamment. MEL veut également s’inspirer du réseau The Mass Transit Railway (MTR) de Hong Kong, qui a ouvert des antennes à travers le monde, comme à Melbourne, Londres et en Afrique. Nous avons récemment accueilli des dirigeants seychellois qui ont été conquis par le travail abattu par MEL. Pourquoi ne pas offrir notre expertise et nos services à d’autres pays africains ?