Dans ce petit village du Sud-Est, le temps, c'est de l'argent. Donc, pas question d'en perdre sur les routes. La solution : effectuer la traversée en bateau pour rejoindre le rivage à Grande-Rivière-Sud- Est (GRSE). Celle-ci prend à peine une dizaine de minutes. Pradeep Kumar Kissoon, qui habite Deux-Frères, est à la barre du bateau-taxi. Ce dernier a plusieurs centaines de milles nautiques au compteur.
La mer, c'est «toute ma vie», dit fièrement le capitaine, qui répond au doux surnom de Natt. Quinze ans qu'il navigue, contre vents et marées, pour emmener ses passagers à bon port, à Deux-Frères ou GRSE. Ses clients sont des écoliers, collégiens, employés de l'hôtel Anahita, entre autres. Mais attention, ces passagers ne sont pas seulement des Mauriciens. Il transporte également des touristes qui vont à la découverte du pays. Natt se fait un point d'honneur de faciliter la vie de tous ceux qui le sollicitent.
À 58 ans, le vieux loup de mer est réglé comme une horloge. Ses journées débutent à 6 heures et se terminent à 18 heures. Une fois arrivé au lieu d'embarquement, il nettoie le bateau et vérifie que tous les équipements de sauvetage sont bien installés. Natt précise que le bateau ne lui appartient pas. «Sé enn tender ki nou éna ek gouvernman. Bann-la pey propriéter bato-la ek lerla li donn-mwa kas. Par mwa, mo gagn Rs 6 000», raconte-t-il.
Le capitaine a ses habitudes. Pas question de prendre la mer sans avoir consulté la météo. Il veille au grain pour ce qui est des caprices du temps. «Kan létanpa bon, lerla nou pa al travay. Nou al kot buro coast guard poumet enn lantré ki nou pa pou travay, parski fodé pa nou pran risk», explique-t-il, la mine sérieuse. D'ailleurs, n'est pas capitaine de bateau-taxi qui veut.
Il faut avoir une bonne notion de navigation, ainsi qu'une licence professionnelle qui montre que quelqu'un peut manoeuvrer un bateau. Natt souligne qu'il a pris des cours avant d'obtenir la sienne. Étape importante de sa formation : quoi faire ou non en cas de mauvais temps. C'est après avoir obtenu sa licence qu'il a commencé à travailler sur le bateau. Et, en cumulant les milles nautiques, il a pris du galon.
Avant cela, celui qui est marié à Chandrawtee Kissoon, 56 ans et jardinière à l'hôtel Anahita, a fait la traversée du désert, cumulant de petits boulots. «Mo ti pé koup kann, fer mason», dit-il. Être skipper de bateau-taxi est sa planche de salut. Aujourd'hui, à la veille de la retraite, Natt se dit prêt à passer le gouvernail à son fils Ashish, âgé de 23 ans. De ses trois garçons, c'est lui qui a le pied marin. Le jeune homme maîtrise déjà les rudiments du métier, assurantla traversée avec son père. Ce métier a-t-il de l'avenir ?
D'emblée, Natt affirme que «le métier ne va jamais disparaître». Toutefois, ajoute-t-il, il y a des gens qui ternissent l'image de notre profession. «Éna bann droger ki kokin touris. Avan pa ti éna sa dan landrwa. On n'est pas du même bord», déplore Natt. Malgré cette «galère», le vieux capitaine prend toujours du plaisir à faire la traversée de Deux-Frères à GRSE, et vice versa.
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