Dip trempe dans les controverses

il y a 4 mois - 1 Juillet 2024, lexpress.mu
Dip trempe dans les controverses
Il est le commissaire de police (CP) depuis février 2022. Anil Kumar Dip se trouve actuellement au cœur d’une controverse à la suite d’accusations graves déposées à la Financial Crimes Commission (FCC) concernant l’acquisition de voitures de fonction.

Au départ, il souhaitait redorer le blason de la profession et lutter contre la mafia. Il a démarré son parcours dans la police comme simple constable puis a gravi les échelons de la hiérarchie. Cependant, sa carrière n’a pas été sans histoires et controverses. Il est en effet le premier CP à avoir connu la prison – de l’intérieur – ayant passé une nuit à l’ombre, en 2013, dans le cadre de l’affaire de détournement à la Bramer Bank. Il est aussi le premier CP à contester les pouvoirs constitutionnels du Directeur des poursuites publiques (DPP) devant la Cour suprême. Focus sur «l’homme fort des Casernes centrales»

Marié et père de deux enfants, Anil Kumar Dip, âgé de 64 ans, a succédé à Khemraj Servansing au poste de CP en février 2022 donc. Le nouveau CP avait fait l’objet d’une campagne de dénigrement avant que le mandat de Khemraj Servansing n’arrive à échéance au début de mai 2021. Le nom de Dip était alors déjà cité comme successeur potentiel. Il était le Commanding Officer de la Special Mobile Force (SMF) et également directeur du National Emergency Operations Command. Détenteur d’un BSc et d’un MSc en Police Science and Management de l’université de Portsmouth en Grande-Bretagne, Anil Kumar Dip compte plus de 40 années de service. C’est en 1981, à l’âge de 21 ans, que ce natif de Rose-Belle a rejoint la force policière. Il a débuté sa carrière comme élément de la SMF et quelques années plus tard, il a été promu Cadet Inspector et a travaillé pendant de longues années au quartier général de la police. Il a occupé plusieurs fonctions importantes, telles que Head of Training and Force Training Officer à la Police Training School, Divisional Commander (Metro, Southern & Western Divisions) et assistant commissaire à la Police Training School. Tout au long de sa carrière, il a bénéficié de plusieurs cours de formation à l’étranger, notamment sur le terrorisme, le financement du terrorisme, les crimes, la drogue et le trafic d’enfants.

Affaire Bramer Bank

Comme on le disait plus tôt, Anil Kumar Dip se distingue de ses prédécesseurs : il est le premier CP à avoir été en prison. En 2013, il avait passé une nuit en cellule. Cela, après son arrestation le 4 décembre 2013 dans le cadre d’une enquête sur un détournement allégué de Rs 80 millions au préjudice de la défunte Bramer Bank. Les charges provisoires retenues contre lui ont finalement été rayées, ce qui l’a amené à initier des poursuites contre la police et l’État, réclamant Rs 50 millions de dommages pour arrestation abusive et inculpation subséquente. La police le soupçonnait d’être au courant des transactions impliquant d’importantes sommes d’argent qui se déroulaient sous son toit. Il avait du coup été inculpé de complicité. Il avait été suspendu de ses fonctions mais avait pu réintégrer la police. Le fils du CP, Chandra Prakashsingh Dip, est considéré comme étant le présumé cerveau dans cette affaire de détournement. Il fait d’ail- leurs face à un procès devant la Financial Crimes Division dans cette affaire.

En guerre contre le DPP

Anil Kumar Dip est aussi devenu le premier CP à contester les pouvoirs constitutionnels de Me Rashid Ahmine devant la Cour suprême. Ces contestations trouvent leur origine dans l’affaire Bruneau Laurette, lorsque le DPP avait décidé de ne pas faire appel de la décision du tribunal de Moka d’accorder la liberté conditionnelle à l’activiste-politicien. Par la suite, d’autres décisions du DPP ont été contestées, notamment dans les affaires impliquant le couple Singh et Akil Bissessur, ainsi que Chavan Dabeedin. La querelle entre Dip et le DPP s’est intensifiée autour de la question de savoir si le DPP agissait comme un conseil représentant l’État (representing counsel) ou comme un poursuivant judiciaire (prosecuting counsel). Pour compliquer la situation, le CP a tenté d’engager des avocats privés pour le représenter dans certaines affaires pénales, une démarche rejetée par la justice. Il est également à noter que pour ses affaires en cours, le CP Dip a retenu les services d’avocats privés, incluant ceux qui défendent généralement les cas de la majorité gouvernementale, ainsi qu’un King’s Counsel.

Porsche & co

Le CP fait désormais face à de graves accusations concernant l’acquisition de voitures de fonction, selon une lettre de dénonciation adressée à la FCC, au Premier ministre ainsi qu’aux salles de rédaction. Le corbeau allègue dans cette missive qu’«Anil Kumar Dip utilise trois voitures de fonction neuves, d’une valeur totale de Rs 22 870 880 et financées par l’argent des contribuables, pour ses proches et lui-même». L’auteur de la lettre fait valoir qu’il s’agit d’un délit eu égard à l’article 22 de la FCC Act de 2023, qui concerne l’abus de pouvoir, plus précisément, de «public official using his office for gratification». Selon cette lettre, le CP a droit à une voiture de fonction, dans la limite de la valeur maximale prescrite, pour un usage officiel et privé, ainsi qu’à une allocation mensuelle pour le carburant et une indemnité pour chauffeur ou aux services d’un chauffeur.

En résumé, Dip aurait utilisé l’argent des contribuables pour acheter deux voitures de luxe pour sa fille et son fils. Prix de la Porsche Macan et de la BMW X6 ? Rs 16 920 880… Si le principal intéressé n’a pas répondu aux allégations pour l’heure, du côté de la cellule de communication de la police, on explique qu’on ne souhaite pas commenter l’affaire, délicate. 

Good Governance et Fonds Publics : l’histoire d’amour Revisited des Dip avec les grosses cylindrées

  • Après le détournement des fonds de Rs 80 M à la Bramer Bank, des proches du CP Dip au volant des Porsche Macan et BMW Model X6 M appartenant à la police
  • La FCC, acculée à ouvrir une Preliminary Investigation ciblant le CP Dip avec des allégations explosives d’abus d’autorité, soit les sections 22 et 43 de la Financial Crimes Commission Act

Chassez le naturel, il revient au galop. C’est ce qui semble être de nouveau le cas pour le clan familial du commissaire de police, Anil Kumar Dip, avec la décision imposée à la nouvelle Financial Crimes Commission, qui a succédé à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC). Accusant réception en même temps que la presse et des personnalités au plus haut niveau, notamment le Premier ministre, Pravind Jugnauth, le Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Me Rashid Ahmine, le directeur général de la  Mauritius Revenue Authority, et le secrétaire financier en poste, le directeur général de la Financial Crimes Commission, Navin Beekarry, n’a eu d’autre option que de déclarer qu’une preliminary investigation a été initiée à l’encontre du commissaire de police, Anil Kumar Dip. Si le besoin se fait sentir subséquemment, une further investigation sous les dispositions de la Financial Crimes Commission Act sera enclenchée. Ce nouvel épisode porte sur l’histoire d’amour des proches du commissaire de police, principalement son fils, Chandra Praskashsingh Dip, avec les grosses cylindrées.

Contrairement au précédent où le fils du commissaire de police se retrouve sur le banc des accusés de la Financial Crimes Division de la Cour intermédiaire dans une sinistre affaire de détournement de fonds de Rs 80 millions au préjudice de l’ex-Bramer Banking Corporation Limited pour financer l’achat de voitures de luxe, dans le dernier scandale en date, des grosses cylindrées du police car pool, et non pas des moindres, soit une Porsche Macan ou encore une BMW Model X6 ou encore une Range Rover Velar, sont à la disposition à titre privé des membres de la famille du CP Dip.

Le price tag de ces trois grosses cylindrées, devant logiquement faire partie du car pool officiel des Casernes centrales pour des besoins officiels de l’État, est de l’ordre de Rs 22 870 880. En tout cas, c’est ce qu’indique la correspondance de dénonciations adressée à la Financial Crimes Commission. Sur la base des informations communiquées, le whistleblower se présente comme étant bel et bien dans le secret des dieux, soit A Man From Inside. Notamment à en voir les détails divulgués puisque l’auteur de ces dénonciations va jusqu’à réclamer des sanctions contre le commissaire de police sous le Criminal Code pour vol de carburant en utilisant des fonds publics.

En marge des premières demandes pour que le CP Anil Kumar Dip se retire de ce poste, dont la tenure of office est garantie sous la Constitution, la Financial Crimes Commissiion, sous les directives de Navin Beekarry, devra se pencher sur les éléments fournis dans la lettre de dénonciation contre un des highest paid civil servants, soit Rs 163 250 par mois sous le PRB Salary Code 14000120 et pouvant prétendre à l’usage d’une voiture officielle ou encore « he can also opt for a payment of a monthy car allowance in lieu of official car. »

En guise de scene setting, le lanceur d’alerte avance que sous la recommandation 40 du rapport du Pay Research Bureau, Anil Kumar Dip se qualifie pour des facilités duty free à l’acquisition d’une voiture d’une capacité de 2 250 cc et renouvelables tous les sept ans.

Politically embarrassing

La preliminary investigation de la Financial Crimes Commission devra élucider les zones d’ombre suivantes :

  • depuis sa nomination en tant que commissaire de police, Anil Kumar Dip a bénéficié de l’usage d’une série de voitures officielles avec le proviso que « Mr Dip has to bear the costs of routine maintenance in addition to providing shelter for the car ». À ce jour, une Range Rover Velar d’une valeur de Rs 5 950 000 est mise à la disposition du CP Dip pour ses déplacements officiels et privés.
  • Le whistleblower allègue que « Mr Dip caused everyone to believe that he made acquisition of a brand new car on his own name for the private use for hs family ». La Porsche Macan, immatriculée KD 452, d’une valeur de Rs 6 430 000, est utilisée par la fille du CP Dip, propriétaire d’une pharmacie à Quatre-Bornes avec le trajet Rose-Belle/Quatre-Bornes/Rose-Belle tous les jours.
  • « Instead the car (Porsche Macan) is not registered on Mr Dip name, but instead of the Mauritius Police Force. This car ought to have been purchased by and registered under the name of Mr Dip for private use as per the PRB report », note la lettre de dénonciations.
  • En janvier de cette année, une autre grosse cylindrée, soit une BMW Model X6 M, d’une valeur de Rs 10 490 000, est mise à la disposition de la famille Dip. Cette voiture, attribuée à Chandra Prakashsingh Dip, porte la plaque d’immatriculation 8452 au lieu de 451 JN 24. « This car is being used by Mr Dip’s son Chandra Prakash (Chundun), a businessman who has several criminal cases pending in Court », s’insurge le whistleblower.

Les factures d’essence de ces bolides sont à la charge de la force policière. « Mr Dip is causing all three cars to be refuelled using different Police Indent Forms at Engen fuel pump stations. Dedicated police officers are performing these tasks for Mr Dip. They have recently been promoted. These officers include those in charge of Transport Guard Room and his drivers », affirme-t-il encore.

Toutefois, avant de s’engager sur le fond de cette enquête, qui pourrait s’avérer des plus politically embarrassing en cette période de campagne électorale, et d’identifier des infractions sous les sections 22 et 43 de la Financial Crimes Commission Act ou encore du Crmiminal Code pour le délit de larceny of petrol, les limiers de la FCC se rendront au QG de la National Land Transport Authority pour vérifier le statut de ces bolides, notamment la Porsche Macan et la BMW Model X6 M, et aux Casernes centrales pour les factures de ranpli tank dans les stations de service Engen.

Après cette étape, les premières séances d’interrogatoires under warning devront intervenir, même si depuis mardi dernier, quand ces dénonciations en règle ont surgi sur la place publique, les Poice Headquarters préfèrent se murer dans un silence assourdissant…

Les Rs 80 M détournées de Bramer de septembre 2011

Le procès pour blanchiment, instruit par le DPP, à l’encontre du fils du CP avec 13 voitures de luxe saisies, traîne toujours devant la Cour

Chandra Prakash Dip, le fils de l’actuel commissaire de police, n’est pas un inconnu dans le monde des voitures de luxe. En effet, depuis septembre 2011, il est sous le coup d’une enquête pénale, réclamée par l’ex-Bramer Banking Corporation Limited, pour le détournement, avec la complicité d’autres individus, de Rs 80 millions. Au début de l’année dernière, le Directeur des Poursuites Publiques, prenant le relais de l’Independent Commission Against Corruption, a saisi la Financial Crimes Division de la Cour intermédiaire avec un procès au criminel contre le fils du CP Dip pour le blanchiment de Rs 25 millions de ces Rs 80 millions.

Mais en dépit de la détermination de la Cour de contrer l’adage à l’effet que « justice delayed is justice denied », ce procès traîne toujours pour des raisons diverses. Avec l’enquête initiée depuis septembre 2011, qui a vu le CP Dip et son épouse être placées en détention provisoire, tout un réseau de voitures, financées par les fonds détournés, avait été démantelé.

Dès le début, douze voitures haut de gamme, dont une Subaru Impreza ou encore une Nissan 350Z, ont été saisies par la police, démontrant que le fils du CP entretient une véritable histoire d’amour avec les voitures de luxe. Et le dernier épisode avec les voitures faisant partie du car pool de la police en atteste. Et en dépit de tout.

Mais le cas du détournement de Rs 80 millions de l’ex-Bramer Banking Corporation Ltd n’était pas le premier coup de Chandra Prakashsingh Dip. Auparavant, il avait réussi un dry run avec la Barclays comme victime. Au bout d’un procès au criminel, le fils du CP Dip avait écopé d’une peine de prison ferme d’une année.

Mais en décembre 2022, le Père Noël, sous le déguisement du président de la République et sur recommandation de la Commission de Pourvoi en Grâce, avait commué la peine de prison ferme d’une année en une simple amende de Rs 100 000…