Hausse des accidents : Les motocyclistes casquent

il y a 9 mois - 22 Juillet 2024, lexpress.mu
Hausse des accidents : Les motocyclistes casquent
Les statistiques sont sans appel: les usagers de deux-roues sont les plus vulnérables sur nos routes.

Les motocyclistes et les cyclistes reprĂ©sentent une proportion alarmante des victimes d’accidents de la route, avec plus de la moitiĂ© des dĂ©cĂšs attribuĂ©s Ă  ces catĂ©gories. Selon les derniĂšres donnĂ©es fournies par Statistics Mauritius, les motocyclistes sont les plus touchĂ©s. Pas moins de 30 dĂ©cĂšs sont Ă  dĂ©plorer parmi les utilisateurs de deux-roues depuis le dĂ©but de l’annĂ©e, soit 47 % du total des victimes, un chiffre en augmentation de 10 cas par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Pour Barlen Munusami, ex-sergent de la Traffic Branch, ce constat navrant souligne un problĂšme de sĂ©curitĂ© routiĂšre criant, nĂ©cessitant une action urgente. «Il faut amender la loi pour ne plus octroyer de learners aux aspirants motocyclistes qui n’ont mĂȘme pas passĂ© un test oral !»

Selon Barlen Munusami, la vulnĂ©rabilitĂ© des motocyclistes s’explique par plusieurs facteurs. Depuis 2018, dit-il, un changement important a eu lieu dans le processus d’obtention du permis de conduire, ou plutĂŽt de piloter, pour les motocyclistes. Avant cette date, il Ă©tait obligatoire de passer un test oral et pratique pour obtenir le learner. Aujourd’hui, il est possible d’obtenir ce permis d’apprentissage sans avoir passĂ© ces Ă©preuves. «Bien que le permis d’apprentissage ne donne pas le droit de circuler sur les routes, de nombreux motocyclistes le font nĂ©anmoins. Le manque de prĂ©sence policiĂšre rend difficile le contrĂŽle de tous les motocyclistes, et ainsi, beaucoup roulent dans l’illĂ©galitĂ©. Cette situation est prĂ©occupante car ces pilotes n’ont souvent qu’une connaissance minimale du code de la route et manquent d’expĂ©rience pratique. Cette lacune dans le processus de formation des motocyclistes est une faiblesse majeure de notre systĂšme», souligne notre interlocuteur. L’ex-sergent estime qu’il est urgent de revoir la lĂ©gislation afin de ne plus dĂ©livrer de permis d’apprentissage Ă  ceux qui n’ont pas passĂ© les tests oraux et pratiques.

Cascades et slaloms

Par ailleurs, contrairement aux vĂ©hicules Ă  quatre roues, les motos n’ont pas de carrosserie pour protĂ©ger les pilotes. Cette absence de protection, combinĂ©e Ă  la nĂ©cessitĂ© de maintenir un Ă©quilibre constant, rend les motocyclistes particuliĂšrement exposĂ©s aux risques, notamment lorsqu’ils sont dĂ©passĂ©s par des vĂ©hicules plus grands comme les autobus ou les camions. Barlen Munusami explique que la maĂźtrise de la conduite d’une moto est par ailleurs cruciale pour Ă©viter les accidents. Les comportements Ă  risque, tels que le slalom entre les vĂ©hicules ou le dĂ©passement par la gauche pour Ă©viter les embouteillages, augmentent considĂ©rablement le danger. «La loi ne prĂ©cise pas le type de casque que les motocyclistes doivent utiliser, ce qui conduit certains Ă  en choisir de qualitĂ© infĂ©rieure, offrant ainsi une protection insuffisante. De nombreux motocyclistes victimes d’accidents subissent des fractures crĂąniennes fatales en raison de cette dĂ©faillance. De plus, les vĂ©hicules Ă  deux roues sont souvent peu visibles dans les angles morts en raison de leur taille. Les motocyclistes doivent ĂȘtre conscients de leur vulnĂ©rabilitĂ© accrue et Ă©viter de jouer les cascadeurs pour certains», fait-il valoir.

Moteurs modifiés

Pour assurer leur sĂ©curitĂ©, les motocyclistes doivent adopter des comportements prudents et respecter les rĂšgles de la route. Avant de prendre le guidon, il est essentiel de vĂ©rifier le bon fonctionnement de sa moto ou de son cyclomoteur, notamment les phares et les freins. Or, l’ex-sergent dĂ©plore que beaucoup de motocyclistes modifient leurs moteurs afin de participer aux rallyes, ce qui cause des problĂšmes par la suite. Les motocyclistes, dit-il, doivent Ă©galement ĂȘtre conscients des risques auxquels ils sont exposĂ©s : manque de visibilitĂ©, Ă©tat dĂ©gradĂ© des routes, distraction des conducteurs, nĂ©gligence des autres usagers, collisions aux intersections et accidents Ă  grande vitesse. Pour amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© routiĂšre, Barlen Munusami est d’avis qu’il est impĂ©ratif que les motocyclistes reçoivent une formation adĂ©quate et que les conducteurs de tous types de vĂ©hicules fassent preuve de respect et de prudence. Il n’a de cesse de le rĂ©pĂ©ter :la sensibilisation et l’éducation sur les pratiques de conduite sĂ©curitaires ainsi que le respect strict du code de la route sont essentiels pour rĂ©duire le nombre de victimes et garantir une circulation plus sĂ»re pour tous. «Il faut aussi revoir la loi afin de ne plus donner de learners Ă  ceux qui n’ont reçu aucune formation», rĂ©itĂšre-t-il. Notre interlocuteur Ă©voque aussi l’importance d’avoir les moto-Ă©coles, un projet annoncĂ© depuis 2016


Moto-écoles sur le banc de touche

Justement. En 2016, le ministre des Infrastructures publiques et du Transport de l’époque, Nando Bodha, avait annoncĂ© de nouvelles mesures afin de renforcer la sĂ©curitĂ© des deux-roues. Celles-ci impliquaient notamment l’ouverture de six Ă  sept moto-Ă©coles et un nouveau systĂšme pour l’attribution du permis de conduire pour ces vĂ©hicules.

De nos jours, lorsqu’ un aspirant motocycliste obtient son learner, il est autorisĂ© Ă  piloter n’importe quelle cylindrĂ©e, peu importe son nombre d’annĂ©es d’expĂ©rience. Des modifications devaient ĂȘtre apportĂ©es Ă  cette loi, selon l’ex-ministre. Nando Bodha avait annoncĂ© l’établissement de quatre nouveaux types de permis. Ainsi, les motocyclistes ĂągĂ©s de 15 ans n’auraient pu alors conduire que des motos de moins de 50cc. AprĂšs trois ans d’expĂ©rience acquise, soit Ă  18 ans, ils auraient alors eu droit Ă  un permis leur permettant de passer Ă  la catĂ©gorie de 50 Ă  125cc. AprĂšs trois annĂ©es supplĂ©mentaires, ils auraient pu acquĂ©rir une 125-300cc et, par la suite, des cylindrĂ©es de 300cc et plus.

Six Ă  sept moto-Ă©coles devaient ainsi ĂȘtre ouvertes, comprenant une quarantaine de moniteurs homologuĂ©s par le ministĂšre du Transport. Mais ce projet a Ă©tĂ© abandonnĂ© en dĂ©pit d’une hausse d’accidents impliquant les deux-roues. Nando Bodha rappelle par ailleurs que son projet n’a pas Ă©tĂ© acceptĂ© parce qu’il impliquait des subventions de l’État pour les leçons de conduite, soit Rs 10 000 par candidat, alors qu’Alan Ganoo, ministre du Transport actuel, Ă©voque un nouveau projet de moto-Ă©cole Ă  Forest-Side.

CoĂ»t de l’essence


Le marchĂ© des deux-roues connaĂźt une dynamique consĂ©quente ces derniĂšres annĂ©es, rĂ©vĂ©lant une prĂ©fĂ©rence croissante des consommateurs pour ces vĂ©hicules adaptĂ©s aux dĂ©placements en milieu urbain densĂ©ment peuplĂ©. Selon les donnĂ©es de la National Land Transport Authority, entre 2011 et janvier 2024, le nombre total de motos enregistrĂ©es a atteint 117 298. Ce chiffre tĂ©moigne d’une lĂ©gĂšre augmentation par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, oĂč 116 786 motos avaient Ă©tĂ© immatriculĂ©es en 2023. Le mois de janvier 2024 a particuliĂšrement illustrĂ© cette tendance, avec l’enregistrement de 556 nouvelles motocyclettes et cyclomoteurs. Cette hausse continue d’immatriculations est en grande partie attribuable Ă  la congestion routiĂšre croissante et Ă  l’augmentation des coĂ»ts de l’essence. En consĂ©quence, de plus en plus de personnes choisissent les motos et scooters comme alternative pratique pour leurs trajets quotidiens. Cette Ă©volution souligne l’attrait grandissant des deux-roues en tant que solution de mobilitĂ© efficace, capable de rĂ©pondre aux dĂ©fis du transport urbain moderne.