Les motocyclistes et les cyclistes représentent une proportion alarmante des victimes d’accidents de la route, avec plus de la moitié des décès attribués à ces catégories. Selon les dernières données fournies par Statistics Mauritius, les motocyclistes sont les plus touchés. Pas moins de 30 décès sont à déplorer parmi les utilisateurs de deux-roues depuis le début de l’année, soit 47 % du total des victimes, un chiffre en augmentation de 10 cas par rapport à l’année précédente. Pour Barlen Munusami, ex-sergent de la Traffic Branch, ce constat navrant souligne un problème de sécurité routière criant, nécessitant une action urgente. «Il faut amender la loi pour ne plus octroyer de learners aux aspirants motocyclistes qui n’ont même pas passé un test oral !»
Selon Barlen Munusami, la vulnérabilité des motocyclistes s’explique par plusieurs facteurs. Depuis 2018, dit-il, un changement important a eu lieu dans le processus d’obtention du permis de conduire, ou plutôt de piloter, pour les motocyclistes. Avant cette date, il était obligatoire de passer un test oral et pratique pour obtenir le learner. Aujourd’hui, il est possible d’obtenir ce permis d’apprentissage sans avoir passé ces épreuves. «Bien que le permis d’apprentissage ne donne pas le droit de circuler sur les routes, de nombreux motocyclistes le font néanmoins. Le manque de présence policière rend difficile le contrôle de tous les motocyclistes, et ainsi, beaucoup roulent dans l’illégalité. Cette situation est préoccupante car ces pilotes n’ont souvent qu’une connaissance minimale du code de la route et manquent d’expérience pratique. Cette lacune dans le processus de formation des motocyclistes est une faiblesse majeure de notre système», souligne notre interlocuteur. L’ex-sergent estime qu’il est urgent de revoir la législation afin de ne plus délivrer de permis d’apprentissage à ceux qui n’ont pas passé les tests oraux et pratiques.
Cascades et slaloms
Par ailleurs, contrairement aux véhicules à quatre roues, les motos n’ont pas de carrosserie pour protéger les pilotes. Cette absence de protection, combinée à la nécessité de maintenir un équilibre constant, rend les motocyclistes particulièrement exposés aux risques, notamment lorsqu’ils sont dépassés par des véhicules plus grands comme les autobus ou les camions. Barlen Munusami explique que la maîtrise de la conduite d’une moto est par ailleurs cruciale pour éviter les accidents. Les comportements à risque, tels que le slalom entre les véhicules ou le dépassement par la gauche pour éviter les embouteillages, augmentent considérablement le danger. «La loi ne précise pas le type de casque que les motocyclistes doivent utiliser, ce qui conduit certains à en choisir de qualité inférieure, offrant ainsi une protection insuffisante. De nombreux motocyclistes victimes d’accidents subissent des fractures crâniennes fatales en raison de cette défaillance. De plus, les véhicules à deux roues sont souvent peu visibles dans les angles morts en raison de leur taille. Les motocyclistes doivent être conscients de leur vulnérabilité accrue et éviter de jouer les cascadeurs pour certains», fait-il valoir.
Moteurs modifiés
Pour assurer leur sécurité, les motocyclistes doivent adopter des comportements prudents et respecter les règles de la route. Avant de prendre le guidon, il est essentiel de vérifier le bon fonctionnement de sa moto ou de son cyclomoteur, notamment les phares et les freins. Or, l’ex-sergent déplore que beaucoup de motocyclistes modifient leurs moteurs afin de participer aux rallyes, ce qui cause des problèmes par la suite. Les motocyclistes, dit-il, doivent également être conscients des risques auxquels ils sont exposés : manque de visibilité, état dégradé des routes, distraction des conducteurs, négligence des autres usagers, collisions aux intersections et accidents à grande vitesse. Pour améliorer la sécurité routière, Barlen Munusami est d’avis qu’il est impératif que les motocyclistes reçoivent une formation adéquate et que les conducteurs de tous types de véhicules fassent preuve de respect et de prudence. Il n’a de cesse de le répéter :la sensibilisation et l’éducation sur les pratiques de conduite sécuritaires ainsi que le respect strict du code de la route sont essentiels pour réduire le nombre de victimes et garantir une circulation plus sûre pour tous. «Il faut aussi revoir la loi afin de ne plus donner de learners à ceux qui n’ont reçu aucune formation», réitère-t-il. Notre interlocuteur évoque aussi l’importance d’avoir les moto-écoles, un projet annoncé depuis 2016…
Moto-écoles sur le banc de touche
Justement. En 2016, le ministre des Infrastructures publiques et du Transport de l’époque, Nando Bodha, avait annoncé de nouvelles mesures afin de renforcer la sécurité des deux-roues. Celles-ci impliquaient notamment l’ouverture de six à sept moto-écoles et un nouveau système pour l’attribution du permis de conduire pour ces véhicules.
De nos jours, lorsqu’ un aspirant motocycliste obtient son learner, il est autorisé à piloter n’importe quelle cylindrée, peu importe son nombre d’années d’expérience. Des modifications devaient être apportées à cette loi, selon l’ex-ministre. Nando Bodha avait annoncé l’établissement de quatre nouveaux types de permis. Ainsi, les motocyclistes âgés de 15 ans n’auraient pu alors conduire que des motos de moins de 50cc. Après trois ans d’expérience acquise, soit à 18 ans, ils auraient alors eu droit à un permis leur permettant de passer à la catégorie de 50 à 125cc. Après trois années supplémentaires, ils auraient pu acquérir une 125-300cc et, par la suite, des cylindrées de 300cc et plus.
Six à sept moto-écoles devaient ainsi être ouvertes, comprenant une quarantaine de moniteurs homologués par le ministère du Transport. Mais ce projet a été abandonné en dépit d’une hausse d’accidents impliquant les deux-roues. Nando Bodha rappelle par ailleurs que son projet n’a pas été accepté parce qu’il impliquait des subventions de l’État pour les leçons de conduite, soit Rs 10 000 par candidat, alors qu’Alan Ganoo, ministre du Transport actuel, évoque un nouveau projet de moto-école à Forest-Side.
Coût de l’essence…
Le marché des deux-roues connaît une dynamique conséquente ces dernières années, révélant une préférence croissante des consommateurs pour ces véhicules adaptés aux déplacements en milieu urbain densément peuplé. Selon les données de la National Land Transport Authority, entre 2011 et janvier 2024, le nombre total de motos enregistrées a atteint 117 298. Ce chiffre témoigne d’une légère augmentation par rapport à l’année précédente, où 116 786 motos avaient été immatriculées en 2023. Le mois de janvier 2024 a particulièrement illustré cette tendance, avec l’enregistrement de 556 nouvelles motocyclettes et cyclomoteurs. Cette hausse continue d’immatriculations est en grande partie attribuable à la congestion routière croissante et à l’augmentation des coûts de l’essence. En conséquence, de plus en plus de personnes choisissent les motos et scooters comme alternative pratique pour leurs trajets quotidiens. Cette évolution souligne l’attrait grandissant des deux-roues en tant que solution de mobilité efficace, capable de répondre aux défis du transport urbain moderne.
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