La beauté des laides - Suzuki X90 : inutile, désagréable, mais tellement fiable

il y a 4 années - 19 Décembre 2020, caradisiac
La beauté des laides - Suzuki X90 : inutile, désagréable, mais tellement fiable
Le 4x4 coupé-cabriolet-targa n'aura marqué ni l'histoire de l'automobile ni les finances de sa marque, les clients l'ayant largement boudé.

Après tout, un crossover n'est qu'un mélange des genres. Et s'il fallait une synthèse malencontreuse de ce type d'exercice, le Suzuki X90 serait tout désigné. Coupé, cabriolet, 4x4, roadster : il est tout cela à la fois. Sauf que pas grand monde n'a réellement besoin d'un tel cocktail. On nous rétorquera que nombre d'objets parfaitement inutiles ont du succès, mais pas lui. Il n'en a jamais eu au cours de sa très courte carrière de deux ans. Peut-être car il lui manquait un tout petit ingrédient pour arriver au firmament : une cohérence esthétique.

Mais revenons au début des années quatre-vingt-dix. Une époque où Suzuki a le nez creux et s'aperçoit, à juste titre, que les consommateurs, surtout américains, commencent à apprécier les petits tout-terrain des villes. Le japonais dispose bien d'un Jimny ex-Samouraï, mais celui-ci est en service depuis 1981 et il est un tantinet rustique. Alors comment proposer une auto plus confortable, au look fun et jeune ? Une voiture urbaine et estivale qui puisse séduire les populations plutôt aisées et friandes de jouets, de Malibu à Palavas-les-Flots ?

Un succès piège au salon de Tokyo 1993
L'idée du mélange des genres germe alors du côté de Hamamatsu, le siège japonais du constructeur. Mais certains cadres sont réticents en découvrant le prototype. Ils réclament l'avis du public. Ce sera chose faite. À la fin de l'année 93 se déroule, comme tous les mois de novembre, le salon de Tokyo. L'engin trône au centre du stand Suzuki sous la forme d'un concept-car. Le succès est immédiat, la foule en redemande. Les commentaires, retranscrits par les sondeurs maison qui interrogent les visiteurs sont enthousiastes. Les cadres réticents sont douchés et la décision de produire le X90 est prise.

Le public a toujours raison, certes. mais le visiteur enthousiaste des salons n'est pas forcément celui qui achète en concessions. Suzuki va l'apprendre à ses dépens en 1996, lors du lancement de sa drôle d'auto. Les journalistes qui essaient l'auto font la moue et les acheteurs ne se précipitent pas du tout. C'est que l'auto n'a que deux uniques places. Derrière les sièges avant, le peu d'espace sert à une seule chose : ranger les deux parties du toit qui s'enlève façon Porsche 911 Targa. Bien sûr, il y a un coffre, sauf qu'il n'embarque que 237 litres. Et qu'est-ce que ces deux leviers de vitesses ? La clientèle ciblée se le demande et n'est pas vraiment adepte de la boîte courte des franchisseurs.

Un Vitara revisité
Ce double levier n'existe à bord du X90 que pour une seule raison : toute la partie mécanique de l'engin est héritée du Vitara, qui dispose lui aussi de deux leviers et d'une boîte courte. Du coup, le drôle de cabriolet tout-terrain se voit affublé de cette double peine, qui lui permet d'évoluer dans des conditions extrèmes, mais qui n'est pas indispensable pour affronter les trottoirs, puisque c'est surtout à cet usage qu'il est destiné. Il dispose également du moteur du Vitara : un 1.6 16S essence de 95 ch. C'est d'ailleurs le seul et unique bloc qui aura les faveurs du drôle d'engin. Un tel équipage ne pouvait donc logiquement remplir les conditions indispensables à une voiture plaisir : le plaisir, justement. Car si un Vitara de cette époque-là possédait beaucoup de qualités, sa vélocité et la rigueur de son châssis sur route n'étaient pas ses points les plus forts.

Résultat des courses : c'est une catastrophe internationale. Même les Américains, pourtant adeptes d'autos inutiles, n'en achèteront guère plus de 7 000 durant toute la vie de la voiture. Une vie très courte d'ailleurs, car les dirigeants de Suzuki comprennent vite l'étendue du désastre et arrêtent les chaînes de fabrication un peu plus d'un an après le début de la mise en production de ce X90, en 1997. Mais l'engin n'a pas dit son dernier mot et les stocks d'invendus sont si impressionnants que l'auto sera encore au catalogue, sur certains marchés, jusqu'en 1999. La voiture aura même droit, en France, à une série limitée "Philippe Cousteau". Mais, en dépit de l'intervention du fils du commandant au bonnet rouge, l'auto s'est échouée au cimetière marin des bides de l'automobile.

Il faut sauver le soldat X90
13 ans après la fin du règne très court de ce Suzuki X90, il n'est toujours pas sorti du purgatoire des ratés de l'histoire, à l'inverse d'une Renault Avantime qui s'est très mal vendue de son vivant avant de devenir culte et de voir ses prix monter sur le marché de la collection, moins de 10 ans après la fin de sa commercialisation. Mais le X90 n'a pas eu cette chance, du moins pas pour le moment. Mais qui peut prédire l'avenir ? Pourtant, le 4x4-coupé-cabriolet maudit aurait déjà pu connaître une seconde carrière au panthéon du kitch, grâce à Redbull. Le fabricant de soda l'a en effet exhumé pour le transformer en voiture de promotion avec une canette fixée sur son coffre.

Malgré cette valeureuse tentative, pas le moindre collectionneur ne s'est pour le moment aventuré à tenter de spéculer sur l'engin. C'est d'autant plus incompréhensible que des engins d'autres marques, comme Jaguar, Rolls-Royce ou Ferrari, trouvent grâce à leurs yeux. Ils ont certes quelques longueur d'avance en terme de design et de puissance. Mais pour le critère de fiabilité, le X90, comme l'ensemble des modèles de la gamme Suzuki, leur dame largement le pion. En plus, les autos de Maranello elles aussi n'ont que deux places. Des autos rouges qui ne sont pas toutes découvrables et ne sont jamais capables de crapahuter hors des sentiers battus. Autant de domaines où le Suzuki X90 marque aussi des points. Mais en vain.