
Brutalisé, entaillé, profondément marqué, il vit depuis dans un état de choc post-traumatique. «Je ne dors plus. Ce que j’ai vécu, je ne le souhaite à personne», confie-t-il avec émotion.
Tout s’est joué en quelques minutes, un dimanche matin ordinaire. «Vers 6 h 55, un individu est entré dans ma cabine. En temps normal, les passagers viennent à la fenêtre pour me poser des questions. Mais cet homme est arrivé par un petit chemin caché, entre les arbres. Il semblait déterminé.»
À ce moment-là, deux autres employés – un chauffeur et un receveur – se trouvaient aussi dans la cabine, à l’abri du regard du visiteur. «Il ne les avait pas vus au départ. Il s’est approché et m’a demandé pourquoi aucun bus n’était parti pour Port-Louis à 6 h 45. Je lui ai expliqué que le bus était bel et bien parti et qu’il avait embarqué des passagers juste devant moi.»
Mais la conversation a rapidement dégénéré. «Il s’est mis à crier, à proférer des insultes. J’ai voulu calmer la situation en lui demandant de vérifier dans le log-book. C’est là qu’il a frappé dans le livre, puis m’a donné un coup de poing en pleine joue. Je suis tombé sur ma table, sonné. Il a alors sorti une arme tranchante et a tenté de m’atteindre à la gorge. J’ai juste senti une brûlure sur ma joue… Il a manqué de peu une de mes veines.»
Heureusement, ses collègues sont intervenus pour maîtriser l’agresseur. Mais la peur, elle, s’est déjà installée. «J’ai immédiatement essayé d’appeler la police. J’ai composé le 133, le 148, puis le 999. Seule la dernière ligne a répondu, en me disant qu’ils allaient envoyer quelqu’un. Mais j’ai attendu plus de trente minutes. Pendant ce temps, mon sang coulait et l’agresseur a pris la fuite.»
Ce n’est qu’après l’intervention de la CNT qu’Anil a été transporté à l’hôpital Victoria. «Là-bas, j’ai dû faire une déposition à la station de police avant d’obtenir le formulaire 58 pour recevoir les soins.»
Aujourd’hui, il dénonce la lenteur de l’enquête. «Depuis, j’appelle régulièrement pour savoir où ça en est. Personne ne me répond. Si le suspect avait été arrêté, on m’aurait au moins convoqué pour l’identifier. Mais rien. Pourtant, il y a des caméras Safe City à proximité… Comment peut-on laisser un agresseur circuler librement alors qu’on a toutes ces technologies ?»
Ce père de famille craint désormais pour sa sécurité et celle de ses collègues. «Je travaille dans le transport public depuis des années. On est au service du public, on essaie de faire notre travail du mieux qu’on peut. Mais face à des comportements violents comme celui-là, on se sent abandonnés.»
Anil lance un appel au ministre du Transport, Osman Mahomed : «Aujourd’hui, c’est moi. Demain, ce sera peut-être un autre collègue. Il faut agir. Nous avons besoin de plus de sécurité, surtout sur le terrain. Les autorités doivent réagir plus vite et sévir contre ce genre d’agression.»
En attendant, Anil panse ses plaies physiques et morales. Sa question reste sans réponse : que comptent faire les autorités pour que cela ne se reproduise pas ?
*prénom modifié.