C’est un phénomène qui prend de l’ampleur depuis quelque temps : des pierres et des pneus disposés au beau milieu de la routes. L’objectif des auteurs de ces basses manœuvres vise à contraindre les conducteurs à se ranger sur le côté pour les dépouiller de leurs biens. D’aucuns imputent la faute à de jeunes délinquants en mal de sensations fortes.
Leur rayon d’action qui se situait principalement dans les faubourgs de la capitale s’étend désormais à d’autres régions de l’île, à l’instar de Pointe-du-Diable, Réduit, Poste de Flacq et Nouvelle-France sur l’autoroute M2 où trois véhicules ont heurté, mercredi aux petites heures du matin, des roches dissimulées dans des boîtes en carton. Les dommages sont considérables : pneus crevés, amortisseurs et châssis endommagés. Photos à l’appui, les victimes se sont confiées à Week-End dans l’optique d’alerter l’opinion publique sur ces « actes criminels. »
Il ne l’avait pas vu venir. « Je revenais de l’aéroport en compagnie d’un proche à 1h du matin lorsque ma voiture a heurté une boîte dans un virage sur l’autoroute M2 à Nouvelle-France. J’ai découvert par la suite qu’elle contenait une grosse pierre. J’ai pris la décision de m’arrêter un peu plus loin sous peine de me faire attaquer », raconte Kavinash Bunjhoo, un habitant de Pœnix, qui ne décolère pas après son accident. « Il y avait plusieurs pierres éparpillées sur l’autoroute ce jour-là. Notons que cette zone est dépourvue de cameras de Safe City. Il faut remédier à cette situation. » Les deux occupants sont sortis sains et saufs de cet accident, sauf que la voiture a été sérieusement endommagée, au même titre que deux autres véhicules qui faisaient le même trajet. « Un pneu crevé et mon châssis brisé. Mais je ne suis pas le seul. J’ai vu d’autres conducteurs se plaindre au poste de police de Nouvelle-France pour les préjudices subis », soutient Kavinash Bunjhoo.
Cet employé d’une compagnie d’assurance a souhaité médiatiser sa mésaventure pour conscientiser la population et la police sur ces actes ciblant les usagers de la route la nuit et aux petites heures du matin et qui deviennent récurrents dans des zones sombres et dépourvues de caméra de surveillance. Au-delà des risques d’accidents mortels et des dégâts considérables causés aux voitures, Kavinash Bunjhoo souligne que « accident ou pas, mieux vaut continuer sa route pour ne pas être la cible de ces individus qui placent des pneus et des pierres sur les routes pour s’attaquer aux personnes qui conduisent seules la nuit. » Certes, les Casernes centrales ont recensé très peu d’attaques de ce genre ces deux dernières années, mais elles appellent à la vigilance, dans la mesure où le nombre de plaintes pour des véhicules endommagés après être entrés en collision avec des pierres ou des pneus monte en flèche.
La voiture de Kavinash Bunjhoo n’est pas la seule à avoir été endommagée par des pierres à Nouvelle-France. Un employé de la Mauritius Revenue Authority (MRA), basé à l’aéroport, a également eu le malheur de heurter une pierre, grosse comme un ballon de football, à quelques mètres d’un rond-point, la semaine dernière. Il faisait nuit. Accompagné de deux collègues, il n’a pu que constater les dégâts : son châssis a été sérieusement endommagé.
« Ils se cachent sur un terrain en friche »
D’autres témoignages relayés sur la toile attestent la thèse selon laquelle les routes de Nouvelle-France constituent le terrain de chasse privilégié des auteurs de ces basses besognes. « Il pleuvait des cordes ce 15 octobre vers 20h. La visibilité était très faible au moment où je roulais en direction de Midlands, lorsque j’ai percuté de plein fouet le pneu d’un camion que je n’ai aperçu qu’au dernier moment. Mo loto inn endomaze kot bofor, radiater ek fog light », soutient Preetam Parbhudayal. C’est un moindre mal, puisqu’il aurait pu y laisser sa vie. « Je peux remercier Dieu d’être sorti indemne de cet accident, car les choses auraient pu se passer autrement si je roulais à vive allure et si j’avais décidé de me rabattre sur l’autre voie où un véhicule était lancé à grande vitesse », souligne notre interlocuteur.
Ce type d’incident survient également dans d’autres régions. On s’est procuré les images de pneus de camions disposés entre la rue Camp Poorun et la rue Allée Mangue à Poste-de-Flacq. « Les habitants du village et les automobilistes qui empruntent fréquemment cette zone ont été choqués de voir ça, car ils craignent désormais pour leur sécurité. Qui sont les auteurs de ces délits ? Des témoins ont aperçu des jeunes errant autour. Ils se cachent non loin sur un terrain en friche en espérant tomber sur un conducteur vulnérable qui descend de sa voiture », relate un habitant du village.
La police est sur le qui-vive à Pointe-du-Diable, où un groupe de jeunes adolescents se sent pousser des ailes, à en croire des habitants de ce village situé entre Anse de Petit-Sable et Anse Bambous. Catherine Appanah, son époux et son oncle en ont fait l’amère expérience le mois dernier. La première nommée tenait son fils de deux ans dans les bras sur le siège arrière de la voiture de son époux lorsqu’elle s’est rendu compte que son oncle qui conduisait une autre voiture derrière avait heurté une grosse pierre. Il était 22h. Le cœur battant à rompre, Catherine Appanah implore son mari d’être prudent, car elle a eu vent que des délinquants sévissent souvent dans cette zone sombre et inhabitée de la route B28.
« J’ai suivi mon intuition »
En outre, la jeune maman se rend vite compte que d’autres pierres ont été placées sur une centaine de mètres sur cette route étroite qui longe une montagne. « On se dirigeait vers Bambou-Virieux où résident mes parents. J’ai suivi mon intuition en demandant aux membres de ma famille de faire attention, car j’ai déjà été témoin de sa bann kalite ross-la dans d’autres régions. Des collègues qui habitent la région m’ont également parlé d’un groupe d’individus qui fer move travay laba. Par chance, lors de l’accident, d’autres véhicules circulaient sur la route. Ce qui aurait pu, selon moi, décourager les supposés malfrats », confie Catherine Appanah.
Pour faire face à ce fléau, des patrouilles en continu sillonnent l’autoroute, mais rien d’anormal n’a été noté pour l’heure, soutient Shiva Coothen, du Police Press Office. « Nous avons pris note des témoignages des victimes et je leur donne l’assurance que les forces de l’ordre prennent ces affaires très au sérieux. »