Light Rail Transit à Maurice : Le Métro Qui Traïne...

il y a 12 années, 5 mois - 31 Mai 2012, The Défi Media Group
Light Rail Transit à Maurice : Le Métro Qui Traïne...
Depuis plus de 30 ans, le métro léger a été au centre de nombreux débats. Lors du discours-programme 2012-2015, la création d’un Mass Transit System avait été évoquée et le gouvernement a donné son feu vert pour le projet de Light Rail Transit (LRT).

Cela, suite à l’étude du rapport soumis par les experts singapouriens. Un Due Diligence Committee a même été mis sur pied. La première phase de ce projet devrait débuter en 2013. Mythe ou réalité. Le point.

Le métro léger est dorénavant sur les rails… Depuis quelques semaines, une unité de Mass Rapid Transit a été mise en place sous la houlette de Kaushik Reesaul. Cela, suite au rapport soumis par des experts singapouriens sur Mass Rapid Transit qui a été présenté lors du Conseil des ministres, le vendredi 27 avril dernier. Ainsi, le dossier du métro léger avalisé, les procédures ont été enclenchées.

L’unité de Mass Rapid Transit détient environ trois semaines pour soumettre un rapport sur les implications financières du projet métro léger. Après plus de 30 ans d’attente, le projet verra-t-il jour ? « Sans aucun doute, tout se passera très vite. Nous avons quelques semaines pour soumettre notre rapport et ensuite les choses prendront plus d’ampleur.

Le gouvernement a même établi comme objectif d’ouvrir le chantier en 2013», indique Kaushik Reesaul, président de l’unité Mass Rapid Transit Unit.

Ce projet a été remis sur les rails après la visite du Premier ministre au Singapour en septembre 2010. Ce dernier a été impressionné par le système singapourien, soit la Singapore Mass Rapid Transit Corporation, un accord a ainsi été conclu avec la Singapore Corporation of Entreprise (SCE) pour une implantation similaire à Maurice.

Après le rapport, il faudra étudier le côté technique en sus de l'alignement des axes de ce moyen de transport. Des modifications seront apportées aux tracés établis si besoin est. Toutefois, ce n’est qu’après la visite des experts singapouriens que le projet sera plus concret.

Le projet métro léger ne fait pas que des heureux. Certains sont sceptiques face à ce mode de transport. Pooranen Sungeelee en fait partie. Ce dernier, ancien ingénieur de la Compagnie nationale de transport (CNT), est l’un des premiers à avoir travaillé sur le dossier du LRT. Il estime que ce projet qui a fait poireauter les Mauriciens ne sera pas bénéfique au pays. « Pendant plus de trois décennies, ce projet a été mis au placard. Aujourd’hui, sur un coup de tête, le gouvernement décide d’aller de l’avant. On ne réalise pas qu’au lieu d'améliorer la situation actuelle, le métro léger causera davantage de répercussions à plusieurs niveaux», déclare notre interlocuteur. Si Maurice a pu atteindre le sommet du développement et se faire un renom international, c’est grâce à beaucoup de sacrifices et de projets louables, soutient Pooranen Sungeelee.

Or, dit-il, le projet de LRT n’en est point un. Il avance également que «c’est la classe ouvrière qui est principalement concernée. Il ne faudrait pas que le gouvernement impose ce projet de LRT au détriment de ces personnes. Dans cette optique, il faut qu’il y ait un débat national à ce sujet pour peser le pour et le contre. Non pas aller de l’avant avec ce projet tête baissée », souligne-t-il.

Combien coûtera le projet ?

Afin de mettre fin aux problèmes d’embouteillage sur nos routes, le gouvernement a décidé d’aller de l’avant avec le tant attendu projet de métro léger. Mais à quel prix ? D’ailleurs, dans ce sillage, un Due Diligence Committee a été mis en place avec le but d’examiner les implications financières de Light Rail Transit.

Une fois le rapport soumis, et après qu’il aura été décidé par les experts singapouriens quel système est mieux adapté au pays, un appel d’offres pour ce projet sera lancé. Ce sera un projet en partenariat avec le secteur privé, sous le concept Public Private Partnership (PPP). Selon des renseignements, le coût du projet métro léger est estimé à quelque Rs 25 milliards.

Réseau de 25 km

Le ministre des Infrastructures publiques Anil Bachoo estime que le modèle mauricien du Light Rail Transit System qui desservira Port-Louis et Curepipe comprendra un réseau de 25 km de voie, et 13 stations, desservies par des ‘feeder buses’. La durée d’un trajet sera de 32 minutes, et les rames seront climatisées.

Le réseau routier

Il est prévu que ce projet sera mis en place en 2013. Le Conseil des ministres a pris note du progrès du projet métro léger qui sera, dans un premier temps, lancé de Curepipe à Port-Louis comme une alternative du transport public. Ce, en ligne de la National Transport Strategy et du programme de décongestion.

Il se peut aussi que le tracé Curepipe/Port-Louis soit quelque peu modifié. Après que le rapport du Due Diligence Committee aura été soumis, des experts singapouriens viendront à Maurice pour se pencher sur les alignements et proposer plusieurs tracés. Ce sera du ressort du gouvernement de décider ce qui sera mieux pour le pays.

Des voies préliminaires seront même établies dans le Nord et Sud le pour que dans le futur, il puisse y avoir d’éventuelles extensions. Le projet s’étale sur trois phases. La première concerne la ligne entre la capitale et Curepipe, la seconde, Port-Louis vers le Nord, et la troisième, Curepipe vers le Sud. Ainsi, il est également question de desservir le Nord et le Sud.

Premier métro léger en Afrique

Le premier métro léger en Afrique a été mis en service à Tunis. C’était en 1985. Les travaux avaient débuté en 1980. La capitale de la Tunisie possède un réseau de métro léger comprenant cinq lignes outre 47 stations. En 2006, c’était le seul réseau de métro léger d’Afrique et du monde arabe.

Impliquer davantage les syndicats du transport

Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress (MLC), auquel est affilié le secteur du transport commun, avoue ne pas être contre la modernisation au niveau de la structure du pays. « Avec la congestion routière, le métro aidera énormément les usagers de la route. Comme nous voulons faire de Maurice une île touristique, c’est un système de transport qui consolidera davantage l’image du pays. Il faudrait néanmoins impliquer davantage les syndicats du transport pour leur apport pour l’amélioration de ce système », est d’avis notre interlocuteur.

Il ne va pas de main morte pour dire que des milliards de roupies seront dépensées pour que ce projet voie le jour. La population sera ainsi endettée, y compris la classe des travailleurs. Il faudrait donc plus de sécurité d’emploi.

Cela dit, le métro, étant un alternatif du mode de transport, engendrera des pertes d’emploi pour ceux exerçant dans le domaine du transport en commun. Même si certains travailleurs du transport peuvent intégrer le système du métro léger, il y aura bon nombre de chauffeurs et de receveurs qui sont âgés de plus de 50 ans, qui ne pourront pas recommencer une carrière dans un nouveau secteur. « Avec le monde qui évolue à une vitesse vertigineuse, il faut aller avec cette vague. Mais en même temps cela ne doit pas être au détriment des travailleurs. Il faut que le ministère engage des discussions tripartites pour plus de transparence. D’autant plus que ce n’est pas garanti que le modèle de Light Rail Transit, copié du Singapour, s’adaptera au contexte local », estime-t-il.

L’emploi de 6 840 chauffeurs de taxi menacé

Du côté de l’Union of Taxi Proprietors, pour le président Raffick Bahadoor, on ne va pas mettre les bâtons dans les roues du gouvernement en ce qu’il s’agit de ce projet de LRT. Ce projet ne devrait pas pour autant pénaliser les chauffeurs de taxi. Ce côté social ne doit pas être négligé dans la mesure où il y a quelque 6 840 chauffeurs qui sont concernés. Selon notre interlocuteur, il ne faudrait pas que le gouvernement mette en péril l’emploi de ces hommes de par ce projet qui doit encore être fiable et viable pour le pays.

Cependant, il avance qu’à ce jour, les chauffeurs de taxi sont toujours dans le flou. « Il faut tout d’abord connaître la forme du projet LRT avant de se prononcer à ce sujet. Prendre connaissance du trajet que couvrira le métro léger. À ce jour, nous avons appris que le métro devrait relier Curepipe à Port Louis et qu’au fur et à mesure, le LRT sera lancé dans le Nord et le Sud. Ce qui n’est pas très clair pour l’instant. Il est essentiel de savoir comment le métro va fonctionnera », souligne Raffick Bahadoor.

Micro-trottoir

Ben Khaled, 47 ans, banquier, habitant Grand-Baie

« L’introduction du métro léger est un projet louable. Il faut dire que le service du transport n’est pas très développé à Maurice, contraire­ment à la France. Ici, non seulement les autobus laissent à désirer mais il y a la pollution provenant des autobus et voitures. Le métro est donc une solution formidable. Ce sera aussi une économie de temps pour la classe ouvrière. »

Anusha Sunarain, 21 ans, étudiante, habitant Providence

« À ce jour, on entend des bribes ici et là concernant ce projet. Néanmoins, on ne sait pas encore si les Mauriciens s’adapteront à ce mode de transport. Avec le gros problème d’embouteillage, en particulier dans les villes, on espère que le métro aidera à décongestionner les routes. Mais il faut prendre en compte que jadis il y avait des trains qui sillonnaient l’île, ce qui a hélas été un fiasco. »

Jean Luc Rancier, 22 ans, directeur d’entreprise, habitant Pamplemousses

« Je pense que ce projet sera efficace et rapide. Cependant, il y a des facteurs à prendre en considération. Par exemple, si le projet de Light Rail Transit cadre avec le projet de Maurice île Durable. L’essentiel est de tout bien canaliser en mettant en avant les attentes de la population. De plus, il faudrait savoir à quel prix ce nouveau système aiderait à résoudre le problème d’embouteillage. Quels seront les surcoûts sur la population. »

Isabelle Kwan, 21 ans, étudiante, habitant Port-Louis

« Indéniablement, le métro est un moyen de transport très rapide. Ce qui aidera à économiser du temps. Toutefois, on ne sait rien encore des prix. Et quels seront les trajets du Light Rail Transit. Mais c’est sûr que, dans un premier temps, surtout par curiosité, nombreux sont ceux qui opteront pour le métro léger. »