La direction des services d'incendie aspire à réduire le temps d'intervention dans les sinistres. Mais pour rendre cela possible, disent les pompiers, il faudrait leur donner les équipements nécessaires et régler les problèmes techniques.
Ramener le temps d'intervention de 12 à 5 minutes. Soit, réduire de sept minutes le temps que prennent les équipes de secours lorsqu'ils quittent la caserne pour arriver sur le lieu de leur intervention. C'est un projet sur lequel travaille la direction du Mauritius Fire and Rescue Service (MFRS). Si cette nouvelle mesure devrait être dans l'avantage de la population, les sapeurs-pompiers déplorent des lacunes qui rendent cette tâche très difficile, voire impossible.
«Comment réaliser cet objectif alors qu'on nous donne de vieux véhicules à conduire ? Des véhicules qui ont plusieurs problèmes techniques. Bisin rod dimounn pou pous masinn la dan sertin ka. Ou encore, arrivé sur place, bisin tap tap la pomp la pou delo sorti. Ça nous est déjà arrivé d'avoir un camion dont la pompe ne travaille pas. On a dû remplir l'eau avec seaux pour circonscrire l'incendie», nous confie-t-on. Sollicité, Ashraf Buxoo, président de la GSEA Fire-Fighter Cadre, dit accueillir favorablement cette nouvelle mesure car les interventions doivent être rapides.
Mais il faut avoir les moyens pour atteindre cet objectif. «Certes, on a des camions mais ceux-ci ne sont pas en bon état. La durée de vie des camions utilisés par le MFRS ne doit pas excéder cinq ans. Mais ce n'est pas le cas», dit Ashraf Buxoo. Son homologue de la Fire-Fighters Union, Rishi Gooriah, renchérit que «certains camions sont opérationnels depuis 20 ans. Leur road-worthiness laisse à désirer. Sans compter qu'on attend toujours les 20 camions qui devaient nous être livrés grâce à une ligne de crédit avec l'Inde.»
Cela dit, il n'y a pas que le manque de véhicules appropriés pour pouvoir réussir cette mission. Ashraf Buxoo propose que des motards soient mis à la disposition des sapeurs-pompiers car, souvent, ils peinent à arriver à destination dans les 12 minutes suivant leur départ de la caserne. «Surtout en raison des embouteillages aux heures de pointe. Certains chauffeurs ne font pas de la place pour que nos véhicules puissent passer. Il faut une campagne de sensibilisation en ce sens», dit-il. Rishi Gooriah réclame, pour sa part, l'ouverture d'autres casernes de pompiers. «Par exemple, que ce soit de la caserne de Triolet ou de celle de Piton, on ne peut pas arriver à Grand-Gaube en 12 minutes. Comment peut-on s'attendre à pouvoir réaliser cet exploit en cinq minutes ? Il doit y avoir une caserne à Goodlands, par exemple, pour pouvoir arriver en cinq minutes», dit-il. Sollicitée, la direction du MFRS nous a laissé entendre qu'il communiquera sur le projet en temps voulu. Par ailleurs, plusieurs autres sujets interpellent les sapeurs-pompiers.
Manque d'effectifs
Il y a environ deux semaines, quatre sapeurs-pompiers issus des 11 casernes ont été transférés à la Fire Safety Division (FSD), département du MFRS chargé de la prévention des incendies, pour s'atteler à fournir le fire certificate aux bâtiments de l'État. Après deux mois, un autre groupe de 44 sapeurs-pompiers prendra le relais, ainsi de suite. Tout en reconnaissant l'importance d'octroyer ce précieux sésame aux bâtiments concernés, Ashraf Buxoo estime que le nombre de soldats de feu réquisitionnés est élevé. Surtout en cette période de l'année où il y a souvent des calamités naturelles et qu'on a besoin de beaucoup d'effectifs dans ces opérations. «Sans compter le pèlerinage de la fête du Maha Shivaratree ou encore les répétitions pour la parade traditionnelle des célébrations de la fête de l'Indépendance. On aurait pu ne prendre que deux officiers par caserne. Les opérations n'auraient pas été perturbées», dit-il.
Rose-Belle, l'enfant pauvre
Manque d'effectifs et de camions, mais aussi pas d'autorisation pour obtenir un congé (local leave). «On a dû solliciter un senior advisor du ministère des Collectivités locales pour qu'on accorde un congé à un soldat du feu afin que ce dernier puisse participer aux célébrations du mariage de sa sœur», souligne Ashraf Buxoo.
Uniformes
C'est en tenue civile que des soldats du feu se rendent au travail. T-shirt, tracksuit et chaussures de tennis qui leur appartiennent. Ce sont particulièrement ceux recrutés en 2019, qui n'ont jamais reçu d'uniforme. «Cela, alors que le port de l'uniforme est obligatoire au sein d'une force disciplinaire. Et dans le cas de ceux qui en ont reçu, ces uniformes sont bas de gamme», affirme Ashraf Buxoo. Sans compter qu'il n'y a pas d'uniformité dans les uniformes, notamment en ce qui concerne les épaulettes. «Sur certains, on a inscrit GFS (NdlR : l'ancienne appellation était Government Fire Services) alors que sur d'autres, on a mis MFRS. Officiellement, on est connu comme le MFRS», fait-il valoir.
Paiement du «time-off»
Contrairement à leurs confrères de la police, de la prison ou encore des services de santé, les sapeurs-pompiers ne bénéficient pas du paiement pour les heures de travail effectuées les jours fériés. «On aurait pu nous payer une partie et remettre l'autre à une prochaine fois», propose Rishi Gooriah. Pour sa part, Ashraf Buxoo a écrit au ministre des Finances, Renganaden Padayachy, pour réclamer une réunion urgente à ce sujet.
«Divisional Officer»
Douze ans se sont écoulés depuis la dernière promotion au poste de divisional officer. En effet, suivant l'introduction du poste de senior station officer entre les postes de station officer et divisional officer, le scheme of duties de ce dernier tarde à être défini. Ashraf Buxoo et Rishi Gooriah réclament sa finalisation afin que l'exercice de promotion puisse se faire.
Examens
Pour accéder au poste de station officer, un sapeur-pompier doit prendre part à des examens organisés par l'Institution of Fire Engineers (IFE) basée en Grande-Bretagne. Les sapeurs-pompiers devaient apprendre que cette année, ces examens seront organisés localement. «C'est la pratique quand il y a un manque, et actuellement une vingtaine d'officiers sont requis. Le syllabus pour ces examens a déjà été circulé sauf que les manuels requis ne sont pas tous disponibles dans les casernes, ni vendus localement, d'ailleurs. Et nos notations ne nous seront pas communiquées. On apprendra seulement si on a réussi à ces épreuves ou pas», soutient Rishi Gooriah. Ce qui sème des doutes dans la tête des aspirants station officers. «Il n'y aura pas de transparence. Il pourrait avoir du favoritisme. Cela aurait été mieux que ces examens soient menés par l'IFE d'autant plus qu'on paie de notre poche et des notes nous sont envoyés en ligne», explique-t-on.
Fire Service Band
Une poignée de ceux qui suivent des cours auprès du conservatoire François Mitterand à Quatre-Bornes, en vue de la mise sur pied de la Fire Service Band, ont cessé les cours. Raison : les frais de transport ne leur sont pas remboursés alors qu'ils sortent de loin. Dans le cas de ceux qui s'y rendent alors qu'ils ne sont pas en service, au lieu de leur permettre d'accumuler ces cinq heures passées au conservatoire, celles-ci sont déduites de leurs heures de travail.
Caserne de Port-Louis
La caserne de Port-Louis menaçant de s'effondrer à tout moment, c'est dans un autre bâtiment situé dans la même cour que les effectifs concernés ont été appelés à s'installer. Il s'agit d'un bâtiment qui, auparavant, servait de quartier général aux hauts gradés. Ces prétendants locataires ont refait les lieux et ont demandé au management d'installer des climatiseurs. En vain. On leur a donné de vieux coolers pour refroidir les lieux. Ils ont ramené les lockers qu'ils avaient installés dans ce bâtiment «ki pe tini lor esafodaz» et se sont, de nouveau, installés dans leur ancienne caserne.