Metro Express: «Je suis prête à mourir pour faire entendre ma voix», affirme Gessiyka Frivet

il y a 6 années, 8 mois - 31 Juillet 2017, lexpress.mu
Gessiyka Frivet
Gessiyka Frivet
À la veille de l’annonce du nom du concepteur choisi pour le Metro Express, les employés du transport sont toujours dans le flou total.

Ils craignent pour leur emploi et réclament une réunion d'explication avec le ministre Nando Bodha. Les employés de la United Bus Service sont passés à la vitesse supérieure. Une grève est même envisagée. Une «grande gueule» a été choisie comme porte-parole. Et elle a des choses à dire.

Vous avez lancé un ultimatum au gouvernement et menacé de faire grève. Vous croyez sérieusement qu'on va vous écouter ?

Le gouvernement nous écoute déjà. Nando Bodha a réagi après notre réunion de mobilisation. Le ministre nous a assuré que nos emplois n'étaient pas menacés. Mais nous voulons que cette promesse soit traduite en écrit. Nous n'avons rien contre le projet Metro Express. Mais nous voulons être sûrs que nos conditions de travail et nos salaires resteront les mêmes.

Donc, malgré la garantie du ministre, vos collègues et vous n'êtes toujours pas rassurés ?

Non. Pourquoi. Ces mêmes personnes, pendant la campagne électorale, avaient déclaré qu'il n'y aurait pas de métro. La population, ainsi que les travailleurs du transport, y ont cru. Mais, aujourd'hui, c'est ce même gouvernement qui change de direction, qui vient dire que le Metro Express est un bon projet. Voilà pourquoi nous voulons une garantie par écrit.

Est-ce qu'une grève générale des transports en commun est envisageable ?

Nous ne souhaitons pas en arriver là. Nous ne voulons pas nous battre contre le gouvernement ou créer du désordre dans le pays. Nous souhaitons que le ministre organise une table ronde. Nous ne lui avons pas demandé de faire des déclarations dans les journaux ou à la radio. Nous souhaitons seulement entamer des discussions. Nous n'avons pas eu ce que nous avons réclamé. Du coup, nous campons sur notre position.

Les employés de la CNT accepteront-ils de se joindre à vous ?

Pour le moment, il n'y a que nous et nous assumons nos responsabilités. Mais ce qui arrivera après la grève, c'est le gouvernement qui en prend l'entière responsabilité, surtout le ministre Bodha. Le front commun regroupe cinq compagnies de transport. Si les autres ne veulent pas nous suivre, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous avons 1 500 membres à la United Bus Service (UBS).

Et le public dans tout ça ? Devra-t-il payer les pots cassés ?

Je ne le souhaite pas. Mais si les travailleurs du transport entament une grève, ce ne sera pas bon pour le pays. Une rencontre avec le ministre serait souhaitable dans les plus brefs délais. Nando Bodha a dit qu'il attend la signature de l'accord avant de nous rencontrer. Comment peut-il faire une telle chose ? Il ne peut pas signer et par la suite venir nous expliquer comment il compte nous intégrer dans le projet. Car nous n'aurons plus le choix. Il doit nous rencontrer avant de signer.

Pensez-vous vraiment que nous allons voir le Metro Express avant l'an 3000 ?

Seul Dieu le sait. Chaque gouvernement vient avec son projet de développement. Nous ne sommes pas contre le progrès, mais nous devons nous préparer. Il faut être sur ses gardes. Nous serons là pour soutenir les travailleurs du transport.

Que préconisez-vous pour réduire la congestion routière ?

Le Metro Express ne viendra pas stopper les embouteillages. Au contraire, avec le tracé, il y en aura plus. Il y a plusieurs autres options. À titre d'exemple, un échangeur à hauteur de Pont-Fer ou même un bus lane.

Le «bus lane» est-il justement une solution ?

C'est une des plus judicieuses à mon sens. Nous pouvons, d'ailleurs, le démontrer au gouvernement. Que les autorités nous accordent une demi-journée pendant les heures de pointe pour que nous leur expliquions le fonctionnement du bus lane. Je vous garantis que le bus arrivera à Port-Louis plus vite que le Metro Express.

Qu'en est-il de l'état pitoyable de certains autobus ?

Une personne en bonne santé peut tomber à n'importe quel moment. Les structures en métal aussi s'abîment au fil du temps. Il faut savoir que, par moments, des passagers entrent dans le bus, déchirent les coussins. Les étudiants écrivent sur les dossiers. Aussi, quand on travaille dans des endroits où il fait très chaud, les bus sont vite endommagés. Heureusement que nous avons la section workshop qui s'occupe des véhicules. Les employés font de leur mieux pour garder les bus à bord desquels ils travaillent propres. Toutefois, les passagers aussi ont leur rôle à jouer.

Nando Bodha dit que le métro et le bus seront complémentaires. Que lui répondez-vous ?

Qu'il nous explique comment. Tous les jours, il y a 200 bus de la UBS qui circulent sur les routes. Quand il y a école, il y en a 260. Qu'adviendra-t-il de ces bus ? Venez avec vos experts nous expliquer comment vous comptez nous intégrer au système.

Pourquoi les employés de la UBS ont-ils choisi une femme pour être leur porte-parole ? Vous êtes une grande gueule ?

Je suis la première femme syndicaliste chez UBS. Et, aujourd'hui, il y en a trois. Je suis la secrétaire de l'Association des travailleurs des transports et autobus et oui, j'ai une grande gueule. Je n'ai pas peur et c'est pour cela que je suis leur porte-parole.

Quelles sont les autres causes que vous défendez ?

On se bat pour de meilleurs salaires, avec le National Remuneration Board. Nous nous battons contre le patron, surtout quand il y a le board disciplinaire. Nous sommes là pour défendre les employés.

Jusqu'où êtes-vous prête à aller pour faire entendre votre voix ?

Je suis prête à mourir. Nous nous battrons pour remporter la victoire.

La direction de UBS vous soutient-elle dans votre démarche ? Ou vous envoie-t-elle à l'abattoir ?

Nous émettons nos revendications indépendamment de la direction. Nous actions syndicales et revendications se font à l'heure du déjeuner. Et cela ne concerne pas la compagnie. Nous avons eu une discussion avec la direction en ce qui concerne le Metro Express. Elle essaie de nous rassurer, mais ne peut rien nous garantir en ce qui concerne les conditions de travail. C'est ça, notre combat.

Vous vous voyez où dans dix ans ? Dans le métro ?

Je me vois évoluer dans un meilleur système de transport en commun, où la sécurité des employés est garantie. Nous pensons qu'avec le Metro Express, 40 % à 45 % des travailleurs se retrouveront au chômage. Le directeur de la compagnie nous a informés que ses revenus allaient diminuer de 40 % avec l'arrivée du Metro Express. Ce sont les receveurs, les chauffeurs, les mécaniciens – bref, toute la chaîne de production – qui seront affectés. Le Metro Express nous passera sur le corps...

Gessiyka Frivet a rejoint la compagnie UBS il y a 14 ans. Cela fait quatre ans qu'elle a rejoint le syndicat. Âgée de 39 ans, elle est maman de trois enfants et grand-mère. Gessiyka affirme que ce n'est pas facile de travailler parmi les hommes. Mais elle a su se faire respecter et a même été choisie pour être leur porte-parole. Gessiyka Frivet était receveuse d'autobus avant d'être promue, il y a un an, au poste de «Duty Starter». Elle est la première femme à occuper ce poste, qui consiste à organiser le travail des chauffeurs et des receveurs. Parfois, elle est aussi «Traffic Officer». Même si le salaire est décent, la syndicaliste avoue qu'elle doit faire des heures supplémentaires pour joindre les deux bouts.