L'État va-t-il trop vite ? Le projet est-il viable ? Réponses avec Jarett Walker, un expert américain en matière de transport en commun.
No1. La vitesse et le coût du trajet
Ce qui détermine la réussite d'un projet de transport en commun, ce sont surtout la vitesse et la fiabilité de la technologie, estime Jarett Walker. Ce dernier explique qu'il a déjà visité Maurice et que les craintes des habitants face au Metro Express sont compréhensibles. Cependant, «ce mode de transport est utilisé de façon efficace à travers le monde».
Mais il est important de comprendre que la solution à la congestion routière est «un bon transport en commun couplé à un bon système de tarification». Pour le coût, il ne faut pas uniquement prendre en considération le prix du billet. Ce qui importe réellement, c'est le coût total du trajet, c'est-à-dire, du domicile du passager à son lieu de destination, en comptant les frais de stationnement, par exemple. «Il faut que ce coût-là soit moins cher pour le passager qui utilise sa voiture jusqu'à Port-Louis, par exemple.»
No2. Le confort
Entre aussi en considération dans le choix d'un mode de transport alternatif : le confort lors du trajet, durant lequel le passager peut surfer sur Internet, à titre d'exemple. «Dans le cas de Maurice, je souhaite sincèrement qu'une comparaison poussée avec le Bus Rapid Transit a été dûment faite», relève l'expert américain. Avec cette option, la personne a l'avantage de passer d'un autobus à un autre pour aller à des destinations variées. En revanche, dans le cas d'un métro léger, la personne est contrainte de changer de véhicule.
No3. Ne pas améliorer le confort du conducteur
Pour Jarett Walker, ce genre de projet est un franc succès dans les cas où conduire est difficile et/ou coûte cher. Des projets en parallèle, à l'instar de l'amélioration des infrastructures, conçus pour améliorer la conduite risquent de compromettre le succès du projet. «Je sais que votre ministre a fait comprendre que les différentes formes de transport seront complémentaires au Metro Express. Mais en réalité, cela ne se passe pas souvent comme prévu. Est-ce que le gouvernement mauricien sera prêt à sacrifier les développements en parallèle pour le succès du Metro Express ?»
No4. Des stations modernes
L'un des défis majeurs sera l'aménagement territorial, plus particulièrement autour des stations du Metro Express. «Il y aura la tentation d'aménager des aires de stationnement autour des stations pour que les personnes ne s'orientent pas vers les autobus», prévient Jarett Walker. Mais, selon lui, ce n'est pas la meilleure chose à faire. «Les stations doivent être là où des développements majeurs sont prévus. Ce sera un fiasco si les stations se trouvent dans les régions où la densité de développement est trop faible pour générer des passagers.»
Afcons VS Larsen & Toubro, qui décrochera le contrat ?
Le délai pour la soumission des offres pour le projet du Metro Express a été étendu au 16 mai. Pour l'heure, deux compagnies indiennes sont en lice pour décrocher ce contrat : Afcons Ltd et Larsen & Toubro.
Afcons Ltd
La société qui fait partie du groupe Shapoorji Pallonji est considérée comme le second plus grand groupe d'ingénierie et de construction de la Grande péninsule. Afcons Ltd n'en est pas à sa première offre au gouvernement mauricien.
Le 28 juillet 2014, la compagnie soumet deux propositions au gouvernement de Navin Ramgoolam et au consultant Singapore Cooperation Enterprise pour le projet de métro léger au coût de Rs 24,8 milliards. Les autres soumissionnaires se sont retirés alors que le concurrent direct du groupe indien – la China State Construction Engineering Company – a été éliminé, étant sur la liste des sociétés bannies par la Banque mondiale. Autres projets qui ont intéressé Afcons Ltd : la cybertour et, en 2009, la construction d'une jetée aux Salines. À l'époque, on associait la société au projet Neo Town de Patel Realty. Mais ce projet est resté au stade des travaux d'infrastructures avant que le bail de 99 ans ne lui soit enlevé.
En Inde, l'expertise d'Afcons Ltd a été sollicitée pour la réalisation du Barakhamba Underground Station, New Delhi, le Vallarpadam Rail Bridge, Kochi, ainsi que d'autres projets d'infrastructures routiers, notamment l'échangeur de Ghazipur, New Delhi, et le Jammu – Udhampur Highway Project.
Larsen & Toubro
Cette société qui évolue dans des secteurs clés, notamment l'hydrocarbure, les infrastructures ou encore l'énergie, compte des clients dans plus de 30 pays au monde. Un des projets les plus récents et prestigieux de Larsen & Toubro est le Monorail Project de Mumbai. La société a aussi construit un large éventail d'autoroutes dans les régions urbaines et rurales, soit plus de 13 500 km de routes et de nombreux ponts. Parmi les réalisations de Larsen & Toubro, l'on compte le pont Yamuna de 554 m de long, qui fait partie du Metro Rail Transit System de New Delhi, une voie sans ballast pour le métro de Chennai, la gare de métro de Delhi, le tunnel à Ratnagiri pour le chemin de fer de Konkan. Ou encore les six voies du Mumbai-Pune Expressway, la route de Kandala-Lonavala, un projet de 80 km sur la route de Bihar-Jharkhand et 40 km sur la voie express du Jaipur- Kishangarh à Rajasthan.
Qui est Jarett Walker ?
L'Américain Jarett Walker, originaire de Portland, est un consultant international en matière de conception du transport en commun. Depuis 1991, il a mené plusieurs projets majeurs de l'envergure du Metro Express en Amérique du Nord, Nouvelle-Zélande ou encore Australie. Il travaille actuellement sur la conception d'un réseau de bus reliant San Jose et Silicon Valley. Il est consultant, depuis 2005, à Translink, qui gère le réseau de transports à Vancouver, Canada.
Depuis 2009, il est également l'auteur du blog HumanTransit.org où il offre des conseils sur la planification des transports en commun. Approché par l'express, Jarrett Walker a accepté d'évoquer le projet Metro Express tel qu'envisagé par le gouvernement.