À la séance parlementaire du 11 mai, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, annonce un prêt de Rs 374,8 millions accordé à l’organisme, en réponse au député Adil Ameer Meea, sur les prêts aux institutions gouvernementales et aux compagnies privées dont l’État est actionnaire.
Sollicité, le député du MMM fait ressortir que la situation financière de MEL n’est pas très bonne. «La société n’a pas atteint son objectif. Le Covid-19 n’a pas aidé à améliorer la situation non plus alors qu’elle n’était déjà pas bonne avant la pandémie.» Le député mauve explique qu’il viendra bientôt avec une question parlementaire sur le bilan, la situation financière et la viabilité du projet.
Retard
Dans une précédente édition, en juillet 2020, la cellule de communication de MEL avait affirmé ceci : «Ce n’est que quand la phase 2 sera complétée qu’on pourra commencer à couvrir les frais d’opération. La phase 2, qui reliera Quatre-Bornes à Port-Louis, sera lancée en avril 2021. Ce trajet va nous permettre d’augmenter nos revenus, avec le nombre de passagers supplémentaires que nous allons accueillir».
Sauf que la phase 2A, qui relie Rose-Hill-Quatre-Bornes, a pris du retard pour finalement être lancée en juin (voir plus loin). Alors qu’il n’y a aucune visibilité sur la fin des travaux pour la phase 2B, qui connectera Quatre-Bornes et Curepipe.
Même Alan Ganoo, ministre du Transport et du métro, l’avait concédé en juillet 2020, lors d’une visite du chantier à Curepipe. «(…) Pour la phase Quatre-Bornes–Curepipe, nous ne pouvons donner de date. Avant le Covid-19, on disait fin 2022, mais pour le moment, on ne peut rien dire.»
A quoi servira ce prêt de Rs 374,8 millions ?
L’express a adressé une série de questions à MEL pour connaître sa santé financière. Vu que ce n’est pas la première fois que le gouvernement y injecte de l’argent, combien d’argent MEL a-t-elle obtenu jusqu’ici pour ses opérations ? À quoi serviront les Rs 374,8 millions de prêts du gouvernement ? Quel est le montant des arrérages de MEL ? Quel est son budget d’opération ?
Combien d’employés ont été recrutés jusqu’ici ? Combien d’autres compte-t-elle recruter à l’avenir ? Quel est son plan pour faire face aux pertes de revenus subies dues au Covid-19 ? Va-t-elle réduire la masse salariale, le nombre d’employés ou encore geler les recrutements pour alléger les dépenses ?
Dans la réponse envoyée par Beatrice Bauda, Marketing and Communication Officer, aucun chiffre n’est mentionné. «Nous ne sommes pas au courant de cette annonce du ministre des Finances (NdlR, le prêt de Rs 374,8 millions). Par ailleurs, MEL est une compagnie privée, appartenant à l’État et il est normal que le gouvernement, qui est notre unique actionnaire, nous accorde son soutien. Comme vous le savez, le projet Metro Express est un projet national qui est toujours en phase d’implémentation, et comme prévu, le gouvernement nous donne son soutien jusqu’à ce que nous soyons en full operation sur tous les 26 kilomètres, après l’achèvement de la Phase 2.»
Par ailleurs, ajoute-t-elle, «l’aide du gouvernement est destinée à nos dépenses, telles que la gestion quotidienne de nos opérations, la maintenance, les dépenses courantes, entre autres. La sécurité et la santé sont essentielles dans le domaine où nous opérons non seulement pour notre personnel mais aussi pour nos passagers. Conscients de tout cela, comme start-up, nous formons notre personnel pour répondre aux besoins du public».
Mode de transport adopté
Le locataire de SICOM Tower à Ébène s’enorgueillit d’être une start-up qui a non seulement pu relever le défi de compléter la phase une, de Rose-Hill à Port-Louis, en moins de deux ans mais aussi de recruter et de former le personnel nécessaire «en temps record pour relever l’autre défi majeur de start of operations en janvier 2020».
Selon la porte-parole de MEL, les opérations marchent très bien et les gens ont adopté ce nouveau mode de transport en peu de temps malgré le Covid et le confinement deux fois en un an. «Metro Express a pu prouver que le projet est un succès phénoménal. Donc nous ne sommes pas du tout, alors là, vraiment pas du tout, dans le rouge ! Bien sûr, le confinement, avec les mesures sanitaires imposées par le gouvernement, nos opérations ont été affectées comme beaucoup de secteurs.
Donc, nous pensons que pour relancer l’économie, il est extrêmement important que nous nous concentrions sur l’innovation, l’adaptabilité avec le new normal et la philosophie de continuous improvement, maximiser l’efficacité en général. D’ailleurs, même pendant la période d’incertitude (le Covid et le confinement), nous avons su innover et trouver des solutions aux problèmes rencontrés et relever les défis. Nous allons donc continuer sur cette même voie.»
De plus, ajoute-t-elle, «tout comme d’autres observateurs, nous sommes d’avis que dans cette situation de crise, il est nécessaire de travailler ensemble. Il faut des personnes compétentes, des leaders et des personnes qui travaillent collaborativement tout en générant le team work. Par ailleurs, nous devons tirer des leçons du passé afin de mieux nous adapter pour l’avenir.»
Budget 2020-2021
Le Budget 2020-21 indique en outre qu’un prêt de Rs 380 millions a été accordé à l’organisme pour l’année financière. Sous la section décaissement des prêts, un montant de Rs 220 millions a également été injecté.
En effet, lors des débats sur le Supplementary Appropriation Bill 2020-2021, le 23 juin, Alan Ganoo avait indiqué que le budget supplémentaire de Rs 220 millions, qui a été voté en faveur de son ministère, sera surtout utilisé pour payer les salaires des employés de MEL, l’assurance, les feeder buses, la location des bureaux et les campagnes publicitaires, entre autres.
Pour les travaux annexes, Rs 179,9 millions ont été déboursées pour l’année financière 2020-21 contre Rs 44,5 millions en 2019-2020. Pour la supervision du métro, les dépenses cumulatives à juin 2019 jusqu’à 2020-21 s’élèvent à Rs 723,2 millions. Pour 2021-2022, Rs 99,8 millions sont prévues pour les dépenses cumulatives ; Rs 222 millions pour des pièces de rechange pour les trams.
Les dépenses cumulatives pour les opérations à juin 2019 jusqu’à 2020-21 s’élèvent à Rs 403,4 millions. Pour 2021- 22, Rs 23 millions sont prévues. Le coût du projet du parc d’Ébène est de Rs 114 millions. Les dépenses cumulatives à juin 2019 jusqu’à 2020-21 s’élèvent à Rs 108,9 millions. Rs 5,14 millions sont prévues pour l’année 2021- 22. Pour le consultancy de la réalisation du parc récréatif, les dépenses cumulatives à juin 2019 jusqu’à 2020-21 s’élèvent à Rs 11,1 millions pour un projet de Rs 110, 2 millions. Finalement, les travaux du parc auront coûté Rs 102,8 millions.
Comme à Singapour
Face aux dépenses, comment rendre le métro rentable ? Interrogé, Osman Mahomed, député du Parti travailliste, affirme qu’il faut s’inspirer du système de transport en commun à Singapour, qui a su mettre en place des mesures d’accompagnement pour obliger la population à voyager dans les trains, navettes et trams.
«Si les gestionnaires du système de transport ne prennent pas les décisions qu’il faut, le gouvernement va tout le temps accorder des subventions. Maurice doit apprendre des autres pays.» Selon lui, cela requiert des décisions courageuses car le couloir de Port-Louis-Curepipe est le plus «peuplé».
Idem pour Rose-Hill-Port-Louis. Il faudrait donc inciter les gens à adopter ce mode de transport. Le député identifie trois mesures : l’introduction d’un péage à l’entrée de Port-Louis, la hausse du prix du parking et une taxe sur les voitures.
Rose-Hill-Quatre-Bornes lancé en juin
L’équipe d’opération et de maintenance de MEL effectue des «trial runs» entre 10 heures et 15 heures, sur la phase 2A, entre Rose-Hill et Quatre-Bornes, indique-t-on du côté de MEL. Ces tests sont nécessaires pour vérifier tous les systèmes en marge du lancement du service passager prévu en juin. En ce qui concerne les travaux, les gares de Belle-Rose et Quatre-Bornes sont quasi prêtes.
Il ne reste qu’à installer la toiture et le système de billetterie, entre autre. Après la phase 2A, il ne restera plus que la 2B, entre Quatre-Bornes et Curepipe. Cependant, cette phase risque d’accumuler encore plus de retard, à cause d’un litige, qui peine à être résolu, avec des propriétaires dans la région de Floréal.
Ticket de métro plus cher ?
Depuis sa mise en opération en janvier 2020 le prix du ticket du métro est calqué sur celui du bus. À titre d’exemple, de Rose-Hill à Port-Louis, il faut débourser Rs 30 alors que de Rose-Hill à Beau-Bassin, le trajet coûte Rs 20. À la question de savoir si une hausse du ticket pour augmenter les revenus est toujours d’actualité, Beatrice Bauda répondra que le ministère du Transport et du métro léger et le «Fare Review Committee» se penchent actuellement sur ce dossier.