étaient face à la presse, samedi, à l'issue de deux semaines de travaux de l'enquête judiciaire sur la mort de l'ex-agent du Mouvement socialiste militant (MSM) retrouvé partiellement calciné dans un champ de cannes à Telfair, Moka, le 18 octobre.
Quatre-Bornes : De nouvelles images
«Kouma NSS kone», devait narguer Rama Valayden, que l'équipe a reçu des images CCTV de particuliers, jeudi. Celles-ci sont en cours d'analyse. L'avocat devait ajouter que des habitants de Quatre-Bornes reçoivent depuis, la visite d'éléments de l'ADSU, de la SSU, de la MCIT et de la CID qui tenteraient de les intimider.
Une voiture rouge en cours de modification
Rama Valayden a partagé des photos d'une voiture rouge qui est en train d'être retapée. Pour l'avocat, il est «possible» que des preuves soient en train d'être «manipulées». Rappelons que des débris et de la peinture provenant d'une voiture rouge ont été relevés sur le site où le corps de Kistnen a été retrouvé le 18 octobre.
De quel dossier s'occupait Sarah Boitieux ?
Quant au cas de suicide de Sarah Boitieux, dactylographe au bureau du Premier ministre, il veut savoir pourquoi ses collègues ont été appelés à prendre congé mais surtout de quel dossier s'occupait la jeune fonctionnaire.
Par ailleurs, il a aussi fait état des deux corps retrouvés au Caudan ainsi que du pendu retrouvé sans pieds ni mains et qui, selon Valayden, serait issu du n°8 (Moka-Quartier-Militaire).
Rencontre avec le CP
Le panel a formulé une demande écrite pour une rencontre avec le commissaire de police, Khemraj Servansing, afin de s'entretenir avec lui et lui remettre des documents. Sauf que ce dernier aurait fait savoir qu'il recevrait uniquement Rama Valayden. Ce que rejette catégoriquement l'homme de loi : «Nou enn lekip. Pa rod diviz nou. Si le CP n'accepte toujours pas, alors on ne le rencontrera pas.»
Absence à Moka
Roshi Bhadain a affirmé que le panel d'avocats représentant gratuitement la famille Kistnen ne participera pas à la manifestation pacifique organisée par les partis de l'opposition à savoir le Mouvement militant mauricien, le Parti travailliste et le Parti mauricien social-démocrate à Moka, samedi, pour montrer leur solidarité avec la famille du défunt et s'opposer à toute tentative de «cover-up» (voir ci-dessous).
De son côté, Rama Valayden a fait valoir qu'ils se joindraient aux leaders des partis de l'opposition seulement si ces derniers entament une grève de la faim pour réclamer la démission du ministre Yogida Sawmynaden. «Il n'est pas possible qu'une personne liée à un crime de sang siège toujours au Parlement».
Pillay, Unoop et Peerun dans l'équipe
Rama Valayden a annoncé que le président de l'association des victimes de Sale by Levy, Cangayen Pillay, ainsi que Navin Unoop et Saud Peerun donnent un coup de main à l'équipe. Le premier est le coordonateur du travail de terrain et celui chargé à ses frais de remonter les renseignements collectés jusqu'aux avocats. Navin Unoop est en charge de la Detective Unit. Ce dernier connaît bien La Louise où la dernière trace de Soopramanien Kistnen vivant et descendant d'un autobus ralliant Rose-Hill à Beaux-Songes, a été enregistrée le 16 octobre. À son tour. Quant à Saud Peerun, il fait partie de l'équipe de Legal Researchers.
Aucune récompense offerte
Des posts sur Facebook et sur WhatsApp font état de Rs 20 millions offertes comme récompense pour toute information sur la mort de Soopramanien Kistnen. Nous avons contacté le «Lead Counsel» du panel d'avocats représentant la famille du défunt, Me Rama Valayden. Pour lui, c'est une fausse information car le gouvernement n'a pas encore accédé à sa demande d'offrir une récompense.
Par ailleurs, des Mauriciens établis à l'étranger voudraient lancer un «crowdfunding» qui sera utilisé pour offrir une grosse somme comme récompense à toute personne qui apporterait des informations. «Alors que c'est l'argent qui est en jeu dans ces affaires de meurtres et d'enlèvement, ce sera également l'argent qui pourrait aider à élucider ce mystère», nous dit un Mauricien établi en Europe. Pour lui, il ne faut pas s'attendre que le gouvernement offre une récompense dans cette affaire. «Je m'attends plutôt que le gouvernement offre une forte récompense à ceux qui se tairont», ironise-t-il.
Une enquête judiciaire marquée par le professionnalisme
Au cours de l'enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, on s'attendait certes à voir des avocats comme Rama Valayden et Roshi Bhadain déployer leurs aptitudes pour tirer les vers du nez de représentants expérimentés de la police, tels que le sergent Rostom ou le surintendant Dawon, et d'autres hauts cadres de Mauritius Telecom (MT). Cependant, ce fut aussi l'occasion de découvrir les talents d'enquêteur du représentant du DPP, Me Azam Neerooa, et de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath. Il est vrai que l'on n'a pas l'habitude de voir ces derniers dans ce genre d'audience, notre système de procédure accusatoire et contradictoire (adverserial system) d'inspiration anglo-saxonne les confinant au rôle d'arbitre, surtout en ce qui concerne la magistrate.
Du côté du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), bien que ses représentants soient des procureurs, l'enquête préalable est souvent conduite par la police. Avec des résultats que l'on sait. Justement, le peu d'expérience de nos magistrats et représentants du parquet dans ce genre de procédure inquisitoire utilisée normalement dans les juridictions d'Europe de l'Ouest ne les a pas empêchés de démontrer une maîtrise de cette procédure qui ferait pâlir d'envie un juge d'instruction français.
Alors que l'on craignait que la magistrate Mungroo-Jugurnath laisse faire les avocats, elle a démontré un talent d'enquêteur qui étonne. Bien souvent, elle est intervenue non seulement pour faire respecter la procédure mais aussi pour poser des questions techniques comme quand elle demande au représentant de Safe City pourquoi Quatre-Bornes, une ville très active n'est pas considérée comme prioritaire pour l'opération des caméras le plus tôt possible. Devant les hésitations du policier, elle lui demandera d'aller rechercher des images de caméras privées.
Mais c'est surtout dans l'interrogatoire du médecin légiste Ananda Sunnassee que la magistrate démontrera sa maîtrise de sujets... scientifiques. Ainsi, elle a tenu à savoir si la toxicité de la dose de péthidine injectée à Kistnen dépend de la constitution physique de la personne. Elle a demandé également et fort pertinemment si Kistnen aurait pu réagir quand il brûlait avec cette dose de péthidine dans l'organisme.
La magistrate a de plus eu l'occasion d'exercer son autorité quand, par exemple, le bouillant Roshi Bhadain se mettait en colère devant les non-réponses de certains témoins. Posément mais fermement, sans pour autant offusquer l'avocat, la magistrate est intervenue pour le calmer en montrant de la compassion même envers des témoins qui se montraient économes avec la vérité. Cette compassion s'étendait aussi aux greffiers qui avaient parfois du mal à transcrire les échanges. Elle arrêtait parfois tout pour demander aux avocats et témoins de répéter lentement leurs propos, quand elle ne dictait pas tout en traduisant en anglais des questions et réponses formulées en créole. Ceux qui avaient des réserves sur sa détermination ont vite changé d'avis quand elle a ordonné la convocation de certaines personnes et en émettant de son propre gré des motions comme celle exigeant de la STC qu'elle produise tous les documents relatifs aux contrats d'achat depuis un an.
Capacité de travail
Pour tous ceux qui assistent à cette enquête judiciaire, c'est la capacité de travail de la magistrate qui surprend. Avant de commencer les auditions de l'enquête judiciaire, elle expédie les affaires courantes, notamment des demandes de liberté conditionnelle. Les policiers accompagnant les prévenus sont tous unanimes : avec cette magistrate, pas de temps perdu, ni d'hésitation, les décisions sont prises en quelques minutes. Ensuite, l'enquête judicaire commence tambour battant et la pause-déjeuner ne sera annoncée que lorsqu'on aura terminé avec les questions d'un avocat au témoin.
Bien que la séance se termine normalement vers 15 heures, la magistrate insistera pour que les interrogatoires soient terminés pour lever la séance qui peut même aller jusqu'à 16 heures. Durant cette enquête, la magistrate bien que faisant régner l'ordre ne se montrera pas sévère outre mesure quand des membres du public exprimeront leur étonnement devant les réponses de certains témoins avant que le policier en faction ne demande le silence. Le rire du public sera même parfois partagé par la magistrate mais discrètement. Un des greffiers nous dira que c'est un plaisir de travailler avec elle. Elle ne se montre jamais brusque mais plutôt compréhensive. Les policiers sont du même avis. La magistrate est si rapide qu'une fois on l'a vu apparaître en cour avant même que l'huissier ne l'annonce. Elle est aussitôt rentrée dans son bureau pour attendre l'annonce, mais non sans faire un sourire.
Quant au représentant du DPP, Azam Neerooa, ancien magistrat lui-même, il est apprécié pour ses tactiques d'interrogatoire qui commencent parfois de très loin, prenant le témoin de court à la fin, ce dernier ne pouvant fuir la question posée. Cet avocat a même été couvert d'éloges par les avocats de la famille Kistnen et celui de Koomadha Sawmynaden surtout quand il a su faire dire au médecin légiste que Kistnen n'aurait jamais pu prendre du péthidine, allumer un incendie, le circonscrire pour ensuite s'allonger dans le feu ambiant. Bien que ce soit un sujet sérieux et même triste, ces questions ont provoqué l'hilarité du public et même du médecin. Ou encore quand il demandera au médecin si Kistnen, drogué à la péthidine, aurait pu s'envoler pour venir atterrir à Telfair.
La magistrate Divya Mungroo-Jugurnath et l'avocat Azam Neerooa se sont montrés si audacieux et indépendants que l'impression dégagée est que la vérité éclatera à la fin, même si l'affaire concernerait des personnalités puissantes. Me Rama Valayden s'est dit si satisfait de la conduite de cette enquête judiciaire et de la performance du bureau du DPP et de la magistrate qu'il a exprimé le vœu que l'on ait recours un peu plus souvent à cette procédure et pourquoi ne pas installer de façon pérenne le système de juge d'instruction pour les affaires graves.