Peau Neuve pour la B104 : Les Chamarellois reprennent une vie normale

il y a 2 années, 1 mois - 27 Septembre 2022, Le Mauricien
Peau Neuve pour la B104 : Les Chamarellois reprennent une vie normale
Fermée à la circulation depuis 21 mois, la route B104 reliant Chamarel à Case Noyale est rouverte dans les deux sens.

Les travaux de stabilisation et de réalignement entrepris par la Road Development Authority (RDA) sont complétés. Ce qui permet aux Chamarellois de rejoindre Case Noyale et la région de Rivière-Noire plus facilement, sans aucune déviation. Ce qui marque la fin de plus d’une année et demie de galère avec cette longue déviation vers Baie-du-Cap et, enfin, une reprise à la vie normale.

En ce lundi matin, une partie de la route B104 reliant Chamarel à Case Noyale est toujours en chantier. Sur une voie sinueuse mais récemment élargie, des ouvriers étrangers, perchés à une dizaine de mètres du sol et installés sur une poutre métallique, les pieds se balançant dans le vide, exécutent les derniers travaux. Ils sont tous munis de casque de chantier, portent une combinaison orange, un masque et des bottes noires. La pente abrupte qui borde cette route remise à neuf est recouverte d’un filet de protection contre les éboulements et les instabilités rocheuses.

21 mois se sont écoulés depuis le premier coup de pioche, le 8 janvier 2021. La route d’une longueur d’environ 1,4 km avait été fortement dégradée. Selon la RDA, elle se caractérisait par une étroite chaussée d’une largeur moyenne de 5,8 m, mais se rétrécissant jusqu’à 4,8 m par endroits. Réputée trop étroite, cette route représentait de sérieux risques pour la sécurité des usagers avec ses virages dangereux, les déblais de montagne abrupts, les fréquentes chutes de pierres provenant des pentes verticales et les ravins profonds. Aujourd’hui, le tronçon concerné par les travaux d’élargissement et de stabilisation est déjà praticable et permet une circulation simultanée dans les deux sens. Le contrat pour la construction et l’élargissement de la route existante avait été alloué à Sinohydro Corporation Ltd pour un montant d’environ Rs 367,8 M.

Prajesh Sicharam, Communication and Public Relations Officer à la RDA, affirme que 98% des travaux ont été complétés à ce jour. Selon lui, il ne resterait plus que l’audit de sécurité routière, road safety audit, avant l’inauguration.

Plus loin sur les hauteurs de Chamarel, la fin des travaux a redonné le sourire aux habitants. La route fermée à la circulation avait de lourdes conséquences pour ces villageois isolés et éloignés des supermarchés, pharmacies et autres facilités. Une situation qui leur rappelle les deux confinements et restrictions sanitaires imposées pour contenir l’épidémie de Covid-19. Pour faire face à cette fermeture, une diversion vers Choisy et Baie-du-Cap permettait de rejoindre les autres régions de Rivière-Noire. Après de longs mois, la route est à nouveau ouverte aux automobilistes qui pourront ainsi éviter la longue déviation.

Des journées qui s’écourtent
Toutefois, cette voie – largement utilisée par les habitants de la région ainsi que par des visiteurs et touristes en raison de certaines attractions (la Terre des Sept Souleurs, la Rhumerie, la Réserve d’Ebony, le Curious Corner) et autres restaurants traditionnels chamarellois – était toujours inaccessible aux autobus en ce lundi. Caterina L’intelligent, 34 ans, gérante de One Love Snack, attend avec impatience que ces restrictions soient levées. Comme nombre d’habitants, son quotidien était compliqué depuis que la route a été barrée. « Nous devions emprunter un autre itinéraire. Une perte de temps non négligeable pour ceux qui doivent se rendre au supermarché de la Gaulette ou, plus loin, au London Way de Rivière-Noire, lorsque nous n’avons pas ce que nous recherchons. Les journées s’écourtent à cause de cette déviation de deux heures. Pareil pour mon mari qui est employé au District Council de Bambous », déplore cette mère de deux jeunes enfants.
L’interdiction de la circulation n’a, en revanche, pas affecté ceux qui empruntent d’habitude la route menant à Mare aux Vacoas. À l’instar de l’une des voisines du couple L’intelligent, qui se rend à Trianon tous les jours avec son mari pour vendre leurs spécialités chamarelloises : maïs grillé, manioc et arouille. Celle-ci utilise une méthode de cuisson ancestrale dont elle seule a le secret.

À la route Ste Anne, d’autres perpétuent cet héritage entretenu à travers les générations. Comme Rico L’intelligent et son épouse, forts de la réputation de leur restaurant Le Barbizon gagnée depuis deux décennies, grâce à leurs spécialités chamarelloises. L’établissement accueille ce midi-là une vingtaine de couverts.

Ici, on propose le plat du jour : poisson ou poulet servi généreusement avec cinq variétés de légumes. Et en option, du sanglier acheté à la Rhumerie. Cette cuisine parfumée, simple et généreuse, se distingue par l’originalité de ses saveurs. Au Barbizon, la déviation ne semble pas avoir eu de conséquences sur la clientèle. « Beaucoup empruntaient déjà la route de Mare aux Vacoas, dont les touristes venant des hôtels du Nord », nous dit l’ancien président du Conseil de District de Rivière-Noire. En revanche, il se dit remonté contre l’abus de certains chauffeurs et tours opérateurs qui continuent d’empocher des commissions en recommandant aux touristes certains restaurants. « Ils empochent jusqu’à Rs 300 à Rs 400 par client. Cette pratique dépénalise les autres restaurants », déplore-t-il. Tout en ajoutant que cela n’affecte pas son restaurant, déjà recommandé gratuitement par des guides touristiques tels que le Guide du Routard, Géo, le Petit Futé et Islanders, entre autres.

Le charme d’un mode de vie simple
En dégustant les plats typiques du Barbizon ou en se promenant dans les rues, le visiteur observe que la beauté de Chamarel va au-delà de ses attractions touristiques. Le village séduit par son charme et son mode de vie simple. À deux pas du restaurant, un autre homme perpétue un héritage culturel entretenu de père en fils. Il s’agit de la confection de panneaux à base de feuilles de ravenale, l’arbre du voyageur. Utilisées jadis par des familles modestes dans la construction de cases traditionnelles, les feuilles servent aujourd’hui à embellir, épurer une pièce, habiller un plafond. Comme au Barbizon. « Ces panneaux de feuilles séchées aident à conserver la fraîcheur de la pièce », nous dit Rico L’intelligent. C’est un petit artisan, David Désiré, 37 ans, qui les a réalisés. Avec sa forme en éventail, l’arbre du voyageur est une parfaite plante ornementale qui insuffle un vent de nature dans une déco. Imposant et majestueux, il décore aussi les jardins.

Ses feuilles, séchées, ont également de nombreux atouts. « Les feuilles sont utilisées dans l’ornementation, par exemple, pour la toiture, le plafond ou encore pour la décoration extérieure, les clôtures… », explique David Désiré qui a grandi à Chamarel et dont le processus de création témoigne d’un savoir-faire ancestral où la technologie n’avait pas encore remplacé la main de l’homme. Cette homme travaille depuis des années avec le ravenale qui se développe sur les hauteurs de Chamarel. Le processus de création commence par la récolte de cette plante. Muni d’un couteau, l’homme parcourt les bois à sa recherche. « Une fois la semaine, je me rends dans les bois pour récupérer une vingtaine de feuilles de ravenale », dit-il. Si elles ne sont pas toujours faciles à trouver, il doit alors s’enliser plus profondément dans la forêt. « Je vais les chercher très loin, parfois, et c’est là que cela devient un gros travail physique car je dois, après, les porter sur ma tête jusqu’à chez moi », dit-il.

Une fois la collecte des feuilles de ravenale faite, vient l’étape de la coupe, avant de les assembler avec minutie grâce à des techniques anciennes. Quand les panneaux sont réalisés, l’artisan les vend à une quincaillerie pour le prix de Rs 300 l’unité et recommande à sa clientèle de les vernir pour obtenir une belle finition.

À part l’arbre du voyageur – son nom vient du fait que le voyageur peut se désaltérer de cette eau retenue à la base de ses feuilles – connu pour emmagasiner énormément d’eau durant la saison des pluies, la flore de Chamarel séduit par une grande variété de plantes. Certaines procurent une ombre dense par un feuillage généreux, un vert frais et lumineux. Comme cette longue allée bordée d’arbres menant à la grotte de la Vierge Marie et qui libère une aura apaisante propice à la méditation et au ressourcement. L’occasion d’une pause si cela vous branche avant de poursuivre la balade et de découvrir d’autres travaux qui ont permis de voir le jour. Comme ce petit pont qui enjambe l’ancienne route. Des aménagements que peuvent, désormais, apprécier les conducteurs qui vont en direction de Mare aux Vacoas ou Baie-du-Cap.