Plus de 3 000 plaisanciers déjà en opération

il y a 1 année, 1 mois - 13 Septembre 2023, lexpress.mu
Plus de 3 000 plaisanciers déjà en opération
Nos petits lagons seront-ils envahis par les bateaux de plaisance ? Les baigneurs, dont des touristes, s’en plaignent déjà.

Les baleines et les dauphins en souffrent également, bien qu’ils ne le disent pas.

En 2016, Xavier-Luc Duval, alors ministre du Tourisme, avait suspendu la délivrance de permis aux nouveaux plaisanciers car, disait-il, le marché était saturé. Pourquoi le gouvernement vient-il de rouvrir «la chasse» aux licences ? Pour rappel, la Mauritius Tourism Authority (MTA) a annoncé, en juillet, qu’elle émettra de nouvelles licences.

Selon Lindsay Morvan, le directeur de la MTA, il existe 3 054 bateaux de plaisance en opération, 1 637 évoluant pour le loisir dans le privé et 1 417 à but commercial. Parmi ces 3 054 bateaux, 1 649 ont le droit de naviguer en dehors du lagon, dont 1 043 pour le privé. Tous ces bateaux ayant un permis «Outside Lagoon» (OL) possèdent deux moteurs. Et peuvent donc aller jusqu’à l’île de La Réunion…

Comment contrôler tout ce trafic, y compris celui des bateaux qui opèrent «Inside Lagoon» (IL), avons-nous demandé à Lindsay Morvan. Il reconnaît que seule la National Coast Guard (NCG) peut le faire, la MTA n’ayant qu’un bateau de surveillance à sa disposition. Et quand on pense que la NCG n’a pas été très efficace, pour dire le moins, concernant le trafic de drogue par exemple (voir l’express du 11 septembre), on a le droit de s’inquiéter. Lindsay Morvan est d’avis qu’en fait, le trafic de drogue inter-îles se fait surtout à bord de bateaux appartenant aux propriétaires privés, et pas des plaisanciers commerciaux. «Quand ce n’est pas un bateau ou même un hors-bord volé.»

Chasse à la baleine et aux dauphins

Et à quand l’installation obligatoire de l’Automatic Identification System (AIS) sur tous ces bateaux pour mieux contrôler leurs déplacements ? Lindsay Morvan répond : «La loi nécessaire à sa mise en application est à l’étude au State Law Office (SLO).» D’ajouter qu’une fois cette loi votée, la surveillance sera plus facile et lorsqu’un bateau éteindra son AIS, il sera contacté par la NCG pour en connaître la raison.

Lindsay Morvan est d’accord avec nous sur un point : il y a parfois trop de bateaux de plaisance qui pourchassent les pauvres baleines et dauphins. Parfois, une vingtaine de ces bateaux s’agglomèrent autour des mammifères, et des nageurs se jettent à l’eau pour les voir de près. «Une réglementation sévère pour mieux contrôler ce genre d’activités est en cours d’élaboration au SLO», nous rassure le directeur de la MTA. Le ballet incessant des bateaux de plaisance ne gênet-il pas les nageurs, pêcheurs… et les poissons ? Et le bruit et l’odeur de mazout n’ont-ils pas remplacé la douce musique des vagues et le parfum d’iode ? «On s’attend à un meilleur contrôle du trafic», positive Lindsay Morvan, qui reconnaît dans la foulée que certains skippers conduisent parfois sous l’effet de l’alcool et de la… drogue. Mais encore une fois, tout dépendra de la compétence et de la bonne volonté de la NCG, dirigée par des Indiens qui semblent plus intéressés pour le moment à surveiller les Chinois dans l’océan Indien (voir l’express d’hier).

Mais pourquoi émettre de nouvelles licences alors que nos lagons sont saturés ? Lindsay Morvan nous explique que c’est une étude commandée à la compagnie espagnole Hiria qui a conclu que, dans 14 lieux d’embarquement, on peut émettre de nouvelles licences. Et pourquoi maintenant, à la veille des élections ? «L’étude devait commencer en 2019, mais en raison du Covid, elle n’a pu être complétée qu’en août 2022. Et depuis, les consultations ont eu lieu et se sont terminées en mars 2023.»

De son côté, Prem Beerbaul, président de l’Association des plaisanciers de Maurice, se dit contre l’émission de nouvelles licences dans un marché déjà saturé. Il nous rappelle que ces licences avaient été octroyées par Paul Bérenger, entre 2003 et 2005, à ceux qui avaient été affectés par l’arrêt de l’extraction de sable. Et que c’est dommage maintenant que des petits copains ou copines qui n’ont pas de problèmes financiers viennent faire de la concurrence à ces anciens extracteurs de sable. À noter que les candidats ont déjà reçu une letter of intent. Ils ont une année pour acheter leur bateau, qui doit être conforme aux exigences de la letter of intent.

«Agréablement surpris»

Alors que des plaisanciers, comme Derek Moutou de Trou-d’Eau-Douce, se plaignent de concurrence déloyale et que d’autres aspirants-plaisanciers attendent leur licence depuis des années, c’est un avocat qui vient d’en obtenir une pour opérer comme plaisancier. Contacté au téléphone, Mᵉ Irvin Collendavelloo nous explique que comme 493 autres Mauriciens, il a fait une demande auprès de la MTA en juillet 2023, cela, après l’annonce de la reprise d’émission de licences pour les bateaux de plaisance. Il nous précise que sa demande est bien pour une activité commerciale et non privée. «J’ai soumis une douzaine de documents à la MTA, fait la queue comme tout le monde…» Cependant, il reconnaît avoir été «agréablement surpris» en apprenant que sa demande avait été approuvée. Et ne pense-t-il pas que, en tant qu’avocat et fils d’un ancien Premier ministre adjoint, cette licence aurait mieux servi à quelqu’un qui l’utiliserait pour nourrir sa famille ? «Je ne peux pas vous dire que j’y ai pensé. Ce serait peut-être mieux de poser la question à la MTA.» Ce que nous avons fait. Lindsay Morvan nous a ainsi fait savoir que 16 licences ont été délivrées à ce jour, y compris à Irvin Collendavelloo, et il y a une possibilité qu’une centaine seront délivrées en tout. «Il a satisfait les critères et la TA ne peut pas l’exclure juste à cause de son nom !» Il nous rappelle qu’un autre avocat de la région détient plusieurs licences de bateaux de plaisance depuis dix ans… Concernant les trois licences délivrées à une compagnie dirigée auparavant par le ministre Vikram Hurdoyal, Lindsay Morvan nous rassure : «La MTA n’a subi aucune pression, tout en expliquant que c’est un ‘Licence Committee’ qui octroie les licences, cela, après les recommandations d’un comité technique.»

Quand les gros mangent les petits

Derek Moutou est un «petit» opérateur dont la base d’opération est au One&Only Le St-Géran. Il ne s’aventure jamais au-delà de sa zone d’opération, nous dit-il, et ne compte donc que sur les clients de l’hôtel. «Parfois, on n’a qu’une seule sortie durant toute une semaine.» Or, il a remarqué qu’un gros opérateur, possédant plusieurs bateaux et faisant d’autres activités nautiques et dont la base d’opération se limite à l’île-aux-Cerfs, vient souvent «braconner» au St-Géran, lui enlevant parfois ses rares clients. Il s’est plaint à la NCG, mais celle-ci ne fait rien. Ce, alors que d’après une récente réglementation, la NCG devrait être mise au courant par tout opérateur de bateau à deux moteurs du départ de sa base. «Et si le bateau s’en va à La Réunion ?» se demande-t-il. La NCG veille-t-elle au grain ?