Ramjeet Gosto mort dans un accident de la route, jeudi matin : Le destin tragique d’un travailleur acharné

il y a 2 années, 7 mois - 7 Février 2022, Le Mauricien
Ramjeet Gosto
Ramjeet Gosto
Kamini, la fille du défunt : « Rien ne me ramènera mon père, mais revoyez votre protocole cyclonique, bon sang ! »

Tragique destin que celui de Ramjeet Gosto, 54 ans, qui a rendu l’âme jeudi matin vers 5h, après la levée de l’alerte cyclonique, lorsque sa mobylette a percuté un arbre qui était tombé sur la route à Pointe-aux-Biches. Il se rendait au dépôt d’autobus de la compagnie Triolet Bus Service (TBS) où il exerçait comme chauffeur depuis 28 ans. Décrit par ses collègues comme un travailleur acharné, Ramjeet Gosto laisse derrière lui son épouse Ouma  et ses deux enfants Akshay et Kamini, qui devront surmonter le deuil tout en sachant que « le pire aurait pu être évité si l’alerte 4  avait été maintenue jusqu’au  lever du soleil, afin de permettre aux autorités compétentes de sécuriser et déblayer les routes », dit Kamini.

Le témoignage de Yogesh Dhurma, un collègue du défunt et  premier arrivé sur le lieu de l’accident, corrobore la thèse selon laquelle le manque de lumière aux abords de la route et les conditions météorologiques extrêmes, ce jour-là, ont fortement diminué la perception visuelle du motocycliste. « Mo ki ti capav perdi lavi moi aussi, si mo ti sorti lakaz avant li pou al travay », dit-il.

5h, jeudi 3 février. Les vents et les pluies du cyclone Batsirai déferlent sur le nord-ouest de l’île. Sous le regard inquiet de son épouse Ouma, Ramjeet Gosto, arborant un pardessus jaune, enfourche sa moto dans l’étroite et sombre rue Carnation à Grande Pointe-aux-Piments pour se rendre au dépôt du TBS à Triolet. Il vient d’apprendre que l’alerte 4 a été levée par la station météorologique de Vacoas. En vertu des procédures, les autobus sont, donc, autorisés à reprendre la route. Hélas, le chauffeur périra sur le coup dans des circonstances troublantes, quelques minutes après, à la route Royale de Pointe-aux-Biches.

Au même moment, Yogesh Dhurma, un receveur de TBS habitant à quelques encablures du domicile de son collègue, s’apprête également à faire le même parcours à moto pour se rendre au dépôt à Triolet « Monn kit lakaz 5h15. Monn roulé e kan monn ariv la route Royale, monn truv enn zafer pa normal. J’ai pu tant bien que mal distinguer un imposant arbre qui s’était effondré au milieu de la route et, plus loin, un homme gisant au sol », nous confie le receveur.

Sauf qu’à ce moment-là, Yogesh Dhurma ne réalise pas encore que son collègue et ami est la victime inconsciente gisant sur la route : « Mo pa ti koné li sa parski à aukain moman, mo pann bouz so lekor. Monn telefone lambilans ek la polis kin vini trente minit après. » S’ensuit le moment où il découvre avec stupeur que la personne accidentée est, en fait, Ramjeet Gosto : « C’est en baissant discrètement la fermeture éclair de son pardessus que j’ai aperçu le logo de TBS sur sa chemise. J’ai été estomaqué de constater que c’était mon ami qui avait malheureusement déjà rendu l’âme. Mes premières pensées ont été pour son épouse Ouma. »

Une heure avant le drame, Ouma Gosto parlait avec son époux. Et puis, deux heures plus tard, il y a eu ce coup de fil d’un proche lui annonçant la terrible nouvelle… Le décès brutal de Ramjeet Gosto frappe son épouse qui devra apprendre à composer avec l’absence de l’homme qui a partagé sa vie pendant 32 ans.
Attentive au témoignage poignant de sa fille

Week-End a rencontré la famille endeuillée, vendredi, après les obsèques. Face à la soudaineté avec laquelle l’irrémédiable s’est produit, les plus sincères condoléances ne suffisent pas et Ouma Gosto peine à mettre des mots sur ce qu’elle
ressent : « Il est bouleversant de réaliser qu’on n’a pas eu le temps de dire adieu à l’être cher. Mo pa le krwar ! C’était un époux et un papa formidables ! »  Submergée par l’émotion, la veuve n’en dira pas plus, mais sera attentive au témoignage poignant de sa fille Kamini qui se remémore les jalons importants de la vie passée auprés de son père avec lequel elle était très proche : l’entrée à l’école, les fous rires, les vacances ensemble à l’étranger, les valeurs transmises, tous ces gestes et toutes ces émotions que son père lui a légués. « La fin tragique d’un papa-gâteau, d’un travailleur acharné et d’un homme pieux qui croquait la vie à belles dents. J’étais très proche de lui. Depuis toute petite, mo ti
tou lé tan suiv li partou kouma mo sorti lekol. Mais ce que je retiens par-dessus tout, c’est le fait qu’il s’est évertué à nous inculquer la discipline et le respect de l’autre. »

Au sentiment d’impuissance face à cette mort violente, s’ajoutent la colère et l’incompréhension face au protocole de la météo relatif à l’enlèvement de l’alerte cyclonique. « Comment peut-on autoriser les gens de sortir alors que la pluie et des vents violents ébranlaient le pays et qu’il faisait noir ? Rien ne me ramènera mon père, mais revoyez votre protocole, bon sang, afin qu’une autre famille n’ait pas à souffrir d’une mort aussi soudaine ! », dit Kamini Gosto.

La  grande capacité d’empathie de Ramjeet Gosto lui a également permis d’exercer une influence positive sur ceux qu’il a côtoyés au TBS, en laissant une brèche d’accessibilité. Venu apporter un soutien moral à la famille, le receveur Yogesh Dhurma dresse le portrait d’ « un homme qui était un excellent employé compte tenu de son dévouement et son humanisme.

Tou passazer ki rant dan bis kone zot pu a laise e an sekirite. Il conseillait beaucoup les jeunes chauffeurs et receveurs à bien des égards. C’était un gentleman comme on en trouve peu de nos jours. »  Photo à l’appui, le receveur maintient que « bien évidemment que le manque de lumière, les conditions cycloniques et la chaussée impraticable ont joué un rôle prépondérant dans le drame avec le champ visuel grandement réduit.  L’obscurité englobant l’espace où l’arbre s’est effondré, il était difficile de discerner ce qui se passait. La station météorologique doit assumer les conséquences et revoir le protocole très vite. »

Des syndicalistes tirent à boulets rouges sur la station météorologique

De nombreux syndicalistes montent au créneau pour dénoncer l’ « implication » de la station météorologique de Vacoas dans l’accident mortel de Ramjeet Gosto. Le président par intérim de la Union of Bus Industry Workers (UBIW), Saleem Bacsou s’insurge contre la décision « trop hâtive » des autorités. « Une colère généralisée a gagné les travailleurs du transport quant au manque de considération des autorités envers les travailleurs des transports en commun », dit-il

« Meteo finn tro pressé pou tir klass ek pa finn asiré ki larout pratikab. Ce drame aurait pu être évité », fait ressortir Saleem Bacsou, avant d’ajouter que « nou ankoler ki enn koleg finn perdi lavi kan li ti pé vinn travay gramatin dan nwar. Nou ankoler ki enn fami an dey ek finn perdi zot gagn-pain. » La UBIW réclame une rencontre d’urgence avec le ministre du Transport, Alan Ganoo, « afin de revoir les conditions difficiles et dangereuses dans lesquelles nous travaillons. »

Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions, dénonce la façon dont opère la station météorologique. Selon lui, il faut un système de rétrogradation avant la levée totale de l’alerte cyclonique.
Même son de cloche du côté de  Radhakrishna Sadien, président de la State & Other Employees Federation : «  Une levée brusque d’une alerte cyclonique peut mettre en péril la vie de la population. La preuve avec le décès de l’employé de la TBS. Un véritable drame ! »