Rapport confidentiel – Des manquements dans le dossier du pétrolier Betamax

il y a 12 années, 9 mois - 29 Juin 2011
Rapport confidentiel – Des manquements dans le dossier du pétrolier Betamax
Un rapport ultraconfidentiel d’Insight Forensics Ltd, livré en février 2011 à la nouvelle direction de la State Trading Corporation (STC), révèle une multitude de maldonnes et de mauvaises pratiques sur plusieurs dossiers.

Le Défi Quotidien, qui s’est procuré une copie du dossier, traite, dans cette seconde partie, de l’achat du pétrolier Betamax.

Le 12 janvier 2009, Betamax et la STC signent un Contract of Affreight­ment (COA). Dans une grande urgence et dans le dos du State Law Office (SLO). Par ce biais, Betamax (qui a pour actionnaires Betonix à hauteur de 85% et le singapourien Executive Ship Management) est assurée, à compter d’août 2010, du transport de produits pétroliers pour une durée de 15 ans vers Maurice.

Dans son rapport, Insight Foren­sics Ltd mentionne plusieurs zones d’ombre inquiétantes dans cette affaire. Inquiétudes aussi autour du danger que comporte l’utilisation d’un seul pétrolier pour transporter divers types de carburant à la fois. 

Showkutally Soodhun en avait fait état au Parlement le 24 mai 2011. C’était quelques jours avant qu’il ne perde son portefeuille de ministre du Commerce, responsable de la STC.

Selon ce contrat, Betonix et Execu­tive Ship Management (ESM) doivent financer en totalité l’achat et la gestion d’un pétrolier à double coque, sans implication de l’Etat. Pourtant, en première instance, le Conseil d’administration de la STC avait décidé qu’elle aiderait au financement du navire, qui a d’ailleurs livré sa première cargaison le 28 mai 2011. L’Etat a toutefois rejeté cette proposition. Pendant les négociations entre la direction de la STC, le Conseil d’administration de la STC est maintenu dans le flou. 

C’est d’ailleurs ce qu’il dénoncera le 31 juillet 2009. « Il est surprenant de noter que (…) le COA et d’autres documents ont été adressés aux membres du Board de la STC, tard dans la nuit du 20 août 2009, pour approbation le lendemain », écrivent les enquêteurs d’Insight Forensics Ltd. Aucune décision ne sera prise le 21 août. 

Le 29 septembre, le comité interministériel sur la question propose que la STC sollicite les services de BDO DCDM pour évaluer le COA proposé par Betamax. Chose faite le 27 octobre 2009. BDO DCDM conclut que l’offre de Betamax est plus compétitive que les frais de transport que paie la STC. Dans un second rapport, BDO DCDM indique que le coût total du projet, dont la construction du pétrolier, coûtera environ USD 65 998 000 (environ Rs 2 milliards).

Lorsque ce rapport sera soumis, les choses se précipiteront de manière étrange. « Les événements qui ont eu lieu le 27 novembre 2009, après la réception du rapport de BDO DCDM le 26 novembre 2009, sont révélateurs », écrit Insight Forensics Ltd dans son document confidentiel. « Le board de la STC s’est rencontré à 11 heures suite aux instructions du ministère du Business, des entreprises et des coopératives pour approuver le COA avec Betamax. » Le feu vert est donc donné. Le Conseil d’administration de la STC approuve. Le même jour, le COA et l’Implementation Agreement sont signés entre la STC et Betamax et entre l’Etat et Betamax.

Le contrat entre la STC et Betamax a été signé presque tout de suite après la réunion du Board. « Cela donne l’impression que les représentants de Betamax et Mr Phoolchand de la STC attendaient derrière la porte du boardroom pour signer le contrat. Il apparaît que le contrat a été fait dans la hâte pour tenir le SLO à l’écart, alors qu’il n’avait pas encore émis son avis sur plusieurs points », écrivent les rédacteurs du rapport.

D’ailleurs, le 8 janvier 2010, le SLO écrit qu’il « n’était pas au courant que le contrat avait été signé en novembre 2009 ». Dans une correspondance, le Solicitor-General écrit : « Je pensais que les discussions avec le propriétaire s’étaient achevées sans succès ou qu’ils étaient encore en cours ».

Dans un rapport technique, Bent Nielsen, d’Albis Shipping, conclut que «les chances de retard dans le chargement et le déchargement avec tous ces divers types de carburants à bord sont immenses et les risques de contamination encore plus grandes.» De plus le nouveau pétrolier ne pourrait que transporter 60 000 tonnes métriques par voyage, ce qui n’est pas assez pour assurer le besoin en pétrole pour le pays.