Les chauffeurs de taxi sont de nouveau sur les routes. S’ils sont moins nombreux et moins visibles, et aussi moins flamboyants qu’avant la crise, tous respectent à la lettre les mesures sanitaires imposées et les nouvelles conditions d’opérations. « Nous respectons les règles sanitaires, mais la clientèle a fondu », disent-ils, désemparés face à cette pénurie criarde de clients. D’autant qu’ils savent que la situation ne retournera pas à la normale de sitôt. Sans compter qu’ils sont limités en termes de nombre de passagers par véhicule et que, disent-ils, « les Mauriciens ont peur de voyager ».
Depuis le 15 mai, les chauffeurs de taxi peuvent à nouveau opérer, bien que sous des conditions strictes. Ainsi, ils ne peuvent transporter que trois passagers par trajet. Quant au port du masque, il est obligatoire. Des mesures que les opérateurs du secteur disent respecter à la lettre, mais avec une certaine amertume néanmoins. « Il faut faire avec… C’est pour le bien de tout le monde », lance l’un d’eux, la mine défaite. Il faut dire que la reprise ne se passe pas dans les meilleures conditions. Eux dont les revenus allaient jusqu’à Rs 5 000 par jour doivent aujourd’hui se contenter « d’à peine Rs 800 ».
Ce qui les inquiète davantage, c’est que ces mesures sont là pour durer. Aussi les chauffeurs de taxi disent craindre pour les jours à venir. Sans compter que leur Work Access Permit ne leur donne l’autorisation d’opérer que du lundi au samedi. « Le dimanche, même si nous avons des appels, nous ne pouvons pas travailler. » Durant ces deux mois de confinement, poursuivent nos interlocuteurs, le secteur était « presque au point mort ». Aussi, depuis vendredi dernier, ils tentent « tant bien que mal » d’avoir un maximum de courses afin de joindre les deux bouts.
Selven Samy, qui fait partie d’une association regroupant 23 chauffeurs de taxi de la région de Cassis, effectue le trajet Cassis/Port-Louis/Cassis en mode “taxi train”. Selon lui, le travail a changé. « Nous respectons les règlements et ne transportons que trois passagers par trajet, mais le travail n’est plus pareil. La reprise totale des activités ne sera pas pour tout de suite. Pourtant, nous avons conservé le tarif de Rs 25 par personne et par trajet. Nous acceptons aussi de gagner moins. Mais ce n’est toujours pas pareil », explique-t-il.
« Politique de deux poids, deux mesures »
Ghirish Singh, qui opère sur la route Rose-Hill/Mont-Roches, est du même avis. Il faut remarquer que, malgré les mesures mises en place, les gens ont peur de voyager en taxi. « Lavi inn vinn byen difisil. Dimounn pa le voyaze. Depi vandredi pe gaygn zis Rs 600 par zour. Lorla bizin tir kass lesans. Nou pe aplik mem tarif me la osi dimounn pran taxi zis dan bann ka urzan », dit-il. Ce chauffeur de taxi dit par ailleurs déplorer que « certains chauffeurs de véhicules de l’État transportent, eux, plus de trois passagers », ce qu’il estime être « une politique de deux poids, deux mesures ». Il poursuit : « Le gouvernement doit trouver un moyen pour venir en aide aux chauffeurs de taxi, car à ce rythme-là, c’est sûr que nous allons continuer à accuser le coup, et nous avons des dettes à rembourser auprès d’institutions financières et des familles à nourrir. »
Malgré l’aide gouvernementale aux “self-employed” pour les mois de mars et avril, la crise se fait particulièrement ressentir pour eux, en dépit de la reprise. Selon eux, « les Mauriciens ne sont pas prêts encore à voyager en taxi » et « cela prendra du temps avant qu’il y ait un retour à la normale ».
Même constat du côté des taxis d’hôtels, qui sont à l’arrêt depuis mars. Malgré le déconfinement partiel, ils ne sont toujours pas en opération. Les activités touristiques étant elles aussi stoppées, leur situation pourrait perdurer encore plusieurs mois. « Déjà, avec l’annulation de certains vols début mars, disent-ils, l’activité des taxis tournait au ralenti. Mais avec la fermeture des hôtels, c’est l’arrêt total. »
Yashpal Murrakhan, président de la Federation of Hotels Taxi Association, rappelle : « Les taxis d’hôtels dépendent entièrement de la clientèle des établissements hôteliers. Ils ne peuvent opérer ailleurs. Tant que les frontières ne s’ouvrent pas et les hôtels ne recommencent pas à accueillir des touristes, nous resterons donc sans travail. » La reprise, estime-t-il, « ne sera pas de sitôt ». Il explique : « Même si les hôtels rouvrent leurs portes, encore faut-il que les étrangers viennent à Maurice pour que nous ayons une clientèle et puissions assurer notre gagne-pain. Il y a encore des jours sombres qui nous attendent. »
Le président de l’association a cependant fait parvenir quelques propositions au ministre du Transport, Alan Ganoo, afin qu’une attention particulière soit portée aux chauffeurs de taxi d’hôtels. Il suggère notamment une Support Living Allowance et demande de revoir les modalités de repaiement des prêts sur leurs véhicules, « du moins jusqu’à ce que la situation revienne à la normale », dit-il.
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