Si le leader du Mouvement militant mauricien, Paul Bérenger, a nuancé son opposition farouche au projet tout récemment, il n’en demeure pas moins que des têtes pensantes de son parti estiment que les consultants singapouriens sont d’un optimisme injustifié en prenant pour acquis le fait que les automobilistes préféreront le métro à leurs véhicules personnels.
Quant aux nombreux rapports qui ont été pondus sur la question, ils se contredisent tous, certains préconisant plutôt la création d’un Bus Way, et d’autres le métro léger. L’ancien secrétaire financier Ali Mansoor était contre cette idée également, ayant une préférence pour le Bus Way, plus économique et offrant aussi plus de possibilités.
Pour projeter la lumière sur d’autres options viables, l’express s’est tourné vers l’urbaniste Vasant Jogoo. Au dire de ce dernier, si l’actuel projet de métro léger n’est pas souhaitable, c’est qu’il n’est pas accompagné d’un programme d’aménagement du territoire plus vaste.
«Ce n’est pas comme si le métro léger pouvait exister comme un projet en soi, explique l’urbaniste. C’est un mode de transport qui doit s’intégrer à d’autres éléments autour de lui.» Ce manque de planification présuppose qu’il faut s’attendre à des couacs, poursuit notre interlocuteur.
Mais tout cela aurait pu être évité, selon Vasant Jogoo. Ce dernier propose des options qu’il estime moins coûteuses et plus efficaces :
Transfert du centre administratif
S’il y a tant de véhicules qui veulent entrer dans Port-Louis, c’est que la capitale est le centre administratif du pays. Une solution possible aurait été de déplacer celui-ci. «La solution Highlands est toujours valable, même si on identifie un autre endroit», explique Vasant Jogoo. Une telle décision résoudrait le problème de congestion, et du coup rendrait caduc le projet de métro léger.
Créer un centre-ville résidentiel
Si on n’est pas tenté par l’idée de déplacer la capitale administrative, on peut aussi faire l’inverse : faire habiter les professionnels qui y travaillent en plein centre-ville. «Avec une bonne planification, on peut facilement avoir un centre-ville mêlant commerces et appartements capables d’accueillir 100 000 personnes», explique Vasant Jogoo.
Un tel modèle de mixed use development attirerait les jeunes professionnels si le cadre s’y prête. «Au lieu de passer une heure dans le bus, ils pourraient marcher dix minutes pour arriver au bureau», résume l’urbaniste.
Des bus sur le tracé du métro léger
Plutôt que la rigidité du métro léger, on pourrait opter pour des autobus semi-low floor qui circuleraient sur le tracé du métro. Ce serait un système de Bus Way où aucun autre véhicule n’aurait le droit de circuler. «Avec de bons autobus à Rs 3-4 millions, on pourrait acheter un millier d’autobus pour une fraction du coût du métro léger», explique notre urbaniste.
«On pourrait inverser le flux à souhait également.» Ainsi, du matin jusqu’à midi, les autobus feraient le trajet Curepipe-Port-Louis. L’après-midi, ce serait l’inverse. Cette solution présente l’avantage d’avoir une ligne toute tracée déjà en place si, à l’avenir, le projet de métro léger se révélait une nécessité.