Travaux de sécurisation stoppés sur le flanc de la montagne : La déviation prolongée perturbe les habitants de Souillac

il y a 2 années, 11 mois - 18 Janvier 2022, Le Mauricien
Souillac Baie du Cap road
Souillac Baie du Cap road
Ils s’estiment délaissés par les ministres « jackpot » de la circonscription N°13

Cinq mois. C’est le temps pour lequel ils devaient prendre leur mal en patience. Et bon gré mal gré, ils l’ont fait, car ils n’avaient pas d’autre choix : les travaux de construction d’un mur de soutènement sur le flanc de la montagne pour éviter les éboulements et autres glissements de terrain étaient plus que nécessaires pour garantir la sécurité des habitants de la région et usagers de la route.

L’épisode de pluies diluviennes survenues mi-2021 ont d’ailleurs forcé les autorités à agir. Mais la patience des habitants de Souillac et autres villages avoisinants est mise à rude épreuve. Surtout que cinq mois après, alors qu’il était prévu que les travaux seraient complétés en décembre, le calvaire continue, avec le prolongement de la déviation de la route principale. Cela, alors que les travaux ont été stoppés depuis deux mois.

Si le littoral du sud est réputé comme un littoral à attraction touristique importante surtout au niveau du village de Souillac, du Batelage, empreints d’histoire, y accéder et rouler sur la route en direction de Surinam, Riambel, Baie-du-Cap est devenu un vrai calvaire pour les usagers de la route et les habitants de la localité. Pour cause, la déviation de la route occasionnée par des travaux de construction d’un mur de soutènement sur le flanc de la montagne visant à éviter les glissements de terrain et les éboulis. En effet, cette falaise, qui borde la route du sud est fragilisée par des phénomènes d’érosion qui peuvent conduire à la chute des rochers.

Si pour sécuriser les voies des dispositifs (grillage pendu, boulon d’ancrage) ont été installés, alors que ces travaux, pour le compte de la Road Development Authority, confiés à la compagnie General Construction et démarrés en juillet dernier devaient être complétés au mois de décembre, il reste à ce jour encore la moitié des travaux à faire. Et les habitants de la localité perdent patience. Surtout face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés en raison de la déviation de la route. « À cause de la déviation, nous perdons quinze à vingt minutes à chaque fois que nous faisons ce trajet entre Souillac et Surinam. Et encore, aux heures de pointe, c’est pire. Des fois, on reste 30 minutes à attendre que le trafic se débloque », indique un habitant de la localité. « Ti dir nou desam pou fini, me desam mem bann zouvrie pa’nn travay. Ek larout-la inn rest koumsa mem », s’insurge un autre habitant.

Risques pour les usagers

La colère à Souillac est palpable auprès de nombreux habitants qui déplorent la lenteur des travaux entrepris par la RDA. « Comment se fait-il que d’un coup, les travaux ont été stoppés? » se demandent-ils. Saida, qui habite Souillac depuis 50 ans, fait ressortir que la déviation établie depuis le début des travaux en juillet dernier est un grand risque que les autorités font prendre aux usagers de la route ainsi qu’aux habitants. « Ce shortcut n’est pas adapté. La rue Defoches est un chemin étroit pas adapté pour le public transport », souligne cette habitante qui se demande ce qui se passera si jamais il y avait un problème sur la route de déviation.

« Qu’arrivera-il si ces gros véhicules tels les camions chargés de canne ou de diesel utilisent cette route et tombent en panne ? » demande-t-elle. Et de s’inquiéter surtout s’il y a une urgence, un malade dans la région. Elle se souvient encore de l’épisode, il y a deux ans, où en raison des éboulis sur la route du sud, le pays était coupé en deux et qu’il a fallu utiliser une autre route pour transporter un malade de Surinam à l’hôpital de Rose-Belle. « Il a fallu passer par Bassin Blanc et revenir vers Rose-Belle et entre-temps le malade a rendu l’âme. Que se passera-t-il s’il y a une panne et en même temps une urgence ou un convoi de prisonniers qui doit passer en Cour de Souillac ? » s’interroge-t-elle ?

2h15 d’attente pour un trajet de 2 minutes

Yousouf Ackbarally, écrivain habitant de la localité et chauffeur de taxi, abonde dans le même sens. D’ailleurs, il témoigne que « cette route est devenue une boule de nerfs. » Récemment, au début de mois de décembre, il a fait une expérience qui donne à réfléchir sur les risques que cette déviation, supposément temporaire, comporte, dit-il. Alors qu’il devait déposer une femme qui venait d’accoucher à l’hôpital chez elle, non loin de l’entrée du restaurant Le Batelage, à quelques mètres de la voie de déviation, il a été pris dans les embouteillages. « C’était aux alentours de 18h50. Une voiture a percuté le mur et s’est écrasée dans les métalliques. J’ai attendu 2h15 pour qu’elle rentre chez elle sur un tronçon que je fais en deux minutes. C’est une aberration. Un vrai calvaire », dit-il.
Les embouteillages sont devenus le quotidien des habitants de Souillac et autres usagers de cette route très fréquentée. Or, ce que les locaux ne comprennent pas, c’est la lenteur des travaux. « Zot mem inn prevwar sink minit. Ki’nn arive ? Kifer pa pe kontinie ? Komie tan nou bizin atann ankor ? » se demandent-ils. Si les rumeurs courent que c’est un manque de budget qui aurait stoppé les travaux, nous avons sollicité la compagnie constructrice en vain pour une explication.

Cependant, lors d’une descente sur le terrain, plusieurs officiers étaient en visite devant Le Batelage pour observer l’état des travaux. À notre requête pour savoir pourquoi les travaux sont stoppés et n’ont pas été terminés dans les délais, un officier qui nous a renvoyés à la direction de General Construction a avancé que c’est en raison des grosses pluies que les travaux ont accusé du retard. Yousouf Ackbarally souligne que « nou pa finn gagn siklonn an desam. Nou pa finn mem gagn gro lapli en zanvie. Enn-de gout lapli inn tombe. Me depi desam zot pa pe travay. Kot bann travayer-la inn ale ? »

Lenteur des travaux

L’écrivain et habitant de la région indique que cette déviation est devenue non seulement une contrainte pour les usagers de la route, mais aussi pour les pêcheurs et surtout le restaurant Le Batelage. Il se désole du sort réservé au restaurant. « Le Batelage, c’est une vitrine de Souillac », rappelle-t-il, s’insurgeant que dans le cadre des travaux, les vestiges du premier cinéma de la Savanne — Lacaz Ros — ont été détruits. « Depuis des mois, Le Batelage ne peut opérer en raison de ces travaux devant sa porte. Si cela perdure, il devra sans doute mettre la clé sous le paillasson », pense Yousouf Ackbarally.

Certains habitants de la région sont d’avis que « se parski nou lakanpagn ki pa pe fer travay-la vit. Si ti lot plas, vit-vit ti pou ale. » Ils se disent délaissés par les députés de leur circonscription. « Pourtan, nou ena minis jackpot dan nou sirkonskripsion. Nou ena PPS. Me zot pa pran kont », disent ces habitants. Pour Saida, « zot ti bizin donn en priorite a sa bann travo-la. Malgré nou minis la Santé ena gro problem pou zere, li ti bizin ousi interes li ek seki so bann mandan pe viv. Bann dimounn ki finn elir li pe soufer », dit-elle.
Pour les habitants de Souillac, même avec la plus grande volonté de finir les travaux au plus vite, ce n’est que dans un an que leur calvaire prendra fin.

« Ena ankor tou pou fer. Kan sa pou fini ? Pa zordi zour. Zot pa ankor mem rekomanse », disent-ils, souhaitant une solution pour la route. Surtout qu’en haut de la falaise, il y a plusieurs maisons et des familles qui y vivent. « Komie tan nou pou rest dan one way ? On a été patients pendant cinq mois, mais c’est un vrai parcours du combattant. Nous prions pour qu’il n’y ait pas de drame et d’urgence, et que personne ne reste bloqué sur cette route », dit Saida.

Si elle suggère un ultime appel aux ministres de la localité pour remédier à la situation, d’autres habitants de Souillac estiment que c’est peine perdue. « Il y a une différence entre entendre et écouter. Les ministres entendent mais n’écoutent jamais », dit Yousouf Ackbarally.