Uber Files : l’implication de Macron pour Uber en France pose question

il y a 2 années, 5 mois - 15 Juillet 2022, Auto Moto
Uber Files : l’implication de Macron pour Uber en France pose question
Une enquête journalistique d’ampleur révèle qu’Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’Économie, aurait eu une implication importante dans la percée d’Uber en France.

Au début des années 2010, l’arrivée du service de véhicules avec chauffeur Uber fait des étincelles en France. Les taxis, échaudés par cette nouvelle concurrence, organisent une véritable fronde pour lutter contre l’entreprise américaine. A l’époque, les hautes autorités ne voient pas non plus d’un très bon œil ce développement rapide, dénonçant des méthodes peu orthodoxes. Mais un homme y croit, et pousse pour le développement du service. Son nom ? Emmanuel Macron.

Macron, un allié de taille d’Uber
L’actuel président de la République a en effet eu un rôle important dans cette poussée d’Uber en France, lorsqu’il était ministre de l’Économie entre 2014 et 2016. C’est ce que révèle une grande enquête journalistique baptisée Uber Files. La fuite de 124 000 documents internes au géant des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) détaille ses méthodes, interactions et agissements. Parmi les e-mails, échanges de SMS, PowerPoint et autres mémos, des preuves d’une implication poussée de certains acteurs politiques. Ces documents, transmis au quotidien britannique The Guardian, ont aussi été partagés avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et ses partenaires, dont le quotidien Le Monde ou la cellule investigation de Radio France. Certains médias publient cette semaine une enquête de grande ampleur.

Début octobre 2014, un mois seulement après son arrivée au poste de ministre de l’Économie, Emmanuel Macron montre son soutien à Uber. Pourtant, l’entreprise relève plutôt du ministère des Transports. Mais Alain Vidalies, en poste à l’époque, est hostile à ce nouvel acteur de la mobilité. Malgré la mise en place de la Loi Thévenoud censée réglementer l’activité des VTC en France, Macron reçoit (sans forcément l’indiquer à son agenda) des cadres de la société, dont le dirigeant controversé Travis Kalanick, et leur offre son appui. Au fil des mois, les échanges par mail ou SMS sont nombreux entre les deux parties : une quarantaine entre 2014 et 2016. Macron n’hésite pas à aider et conseiller lorsque la DGCCRF (répression des fraudes) enquête sur Uber. 

Un “deal” secret entre Macron et Uber ?
Macron plaide aussi pour un allègement de la réglementation pour les plateformes de VTC, contre l’avis de la plupart du gouvernement. Il souhaite revoir la loi Thévenoud en réduisant le temps de formation et en la rendant plus accessible. Cela passe par un “deal” entre Uber et Macron sur l’écriture d’amendements qui seront ensuite examinés à l’Assemblée nationale, avec toutefois une contrepartie pour Uber : arrêter son service controversé Uber Pop. Celui-ci permettait à des particuliers de s’improviser chauffeurs sur de petits trajets contre rémunération. Une sorte de covoiturage pour certains, un emploi déguisé pour d’autres.

Pour mettre en place cette stratégie, Macron propose donc aux cadres d’Uber d’écrire des amendements transmis à des députés et sénateurs qui les défendront. Luc Belot, député socialiste du Maine-et-Loire, est contre le service Pop mais ouvert au développement du service de VTC. Il dépose donc trois amendements provenant d’Uber, légèrement réécrits. Mais ceux-ci ne passent pas l’examen. Macron continue pourtant sur sa lancée et reprend certaines de ses mesures directement dans des décrets, comme celui sur la durée de formation qui passe de 250 heures à 7 heures seulement. Uber, fort de cette victoire, continue son développement rapide sur le territoire grâce au lobbying de certains cadres et employés et à une forte campagne de communication. L’argument choc de la multinationale : une forte création d’emploi et son côté “start-up innovante” très apprécié de Macron.

Et la suite ?
Ces Uber Files pourraient-ils mener à une enquête judiciaire ? Rien n’est moins sûr. En effet, ce que ces documents révèlent n’est pas forcément illégal. En revanche, ils peuvent amener à une réflexion sur les liens entre les politiques et les sociétés privées, comme par exemple le fait que des entreprises privées puissent proposer des amendements “clé en mains” aux députés pour servir leurs intérêts. Cet épisode pourrait aussi pousser à plus de transparence sur les rencontres et contacts entre lobbyistes et acteurs de la vie politique.