Depuis 30 ans, c’était un petit quartier résidentiel paisible du centre-ville, avec un peu plus d’une demi-douzaine de maisons. Depuis fin 2021, il est devenu un enfer pour ses habitants avec les travaux de construction du métro qui l’ont transformé en un chantier à ciel ouvert 24h sur 24. Pire, après avoir dévalué leurs maisons, le gouvernement compte maintenant se les exproprier en utilisant la procédure de l’acquisition obligatoire. Une mesure que des habitants de la rue Selmour Ahnee estiment injuste et anticonstitutionnelle, et comptent contester devant les instances légales appropriées.
Le cauchemar des habitants de la rue Selmour Ahnee commence en août 2021 quand ils sont informés – sans aucune consultation préalable – que le gouvernement a décidé de créer une nouvelle ligne de métro reliant Rose-Hill à Réduit. Le tracé de cette nouvelle ligne aérienne va passer à quelques mètres de leurs domiciles et impacter négativement leur quotidien. Les premiers travaux, avec camions, foreuses, engins lourds, bruits et poussières confirment cette perception, puisque les structures érigées gênent puis bouchent carrément les entrées de leurs domiciles. Des entrées « provisoires » pour leur permettre de se déplacer sont aménagées à l’arrière des cours sur un terrain vague transformé en dépôt d’équipements et de matériaux de construction.
À cela, il faut ajouter que le chantier de construction fonctionne 24 heures sur 24 avec des bruits de pelleteuses, de foreuses et autres bulldozers entendus dans tout le centre ville de Rose-Hill. Des réunions sont organisées entre les habitants, les représentants des constructeurs et des officiels du métro léger. Des excuses sont présentées aux habitants pour les inconvénients causés et il leur est demandé de faire preuve de patience jusqu’à l’achèvement des travaux, dans quelques mois. Au cours des ces réunions, les responsables de Metro Express Ltd (MEL) apportent un démenti formel aux rumeurs sur l’éventualité que les maisons et terres se trouvant dans le virage à la rue Selmour Ahnee fassent l’objet du processus statuaire de la compulsary aquisition of land ou d’autres procédures : « Nous n’avons pas prévu d’acquisitions de maisons ni de terres à la rue Selmour Ahnee ». Cette déclaration est publiée dans l’édition en ligne du quotidien Le Mauricien, le 15 février 2021.
Mais en juin de cette année, alors que les travaux de construction du métro ont totalement défiguré et fait baisser la valeur immobilière du quartier, les habitants reçoivent un courrier. Le ministère des Terres les informe de l’intention du gouvernement de faire l’acquisition de leurs terrains « for the purposes of a traffic scheme project. » Il est proposé aux habitants une somme qu’ils estiment « unrealistically and unreasonably low compensation for this compulsory acquisition. » Selon certaines informations, la somme proposée par le gouvernement représenterait à peine le quart de la valeur des propriétés immobilières.
Une fois le choc passé, des habitants se regroupent, contactent des hommes de loi pour contester la procédure d’acquisition et les maigres compensations offertes, et demandent, par courrier, un délai pour faire appel à des professionnels pour évaluer leurs propriétés. En guise de réponse, les habitants ont reçu, le 3 septembre, un courrier signé du ministre des Terres les informant que « this letter is a Notice issued under section 6 of the Land Acquisition Act. » Ce qui veut dire qu’en dépit des objections des propriétaires et sans aucune consultation, le ministère a entamé les procédures pour une « compulsory eviction. »
Le groupe d’habitants de la rue Selmour Ahnee est convaincu que dans leur cas, « the local authorities are not complying with the provisions of the Constitution, the Land Acquisition Act and the international legal instruments regarding compulsory acquisition. In addition to the requirements of the Constitution and Land Acquisition Act which requires adequate compensation, including compensation costs to cover all losses and cost related to the reinstatement of the affected persons, the fundamental guidance and requirements of the Commission on Human Rights. » Ils ont décidé de se battre contre cette décision gouvernementale devant les instances locales et vont également contacter les institutions internationales « to contest the degrading and inhuman treatment being meted out to them. »
Est-ce que les habitants de la rue Selmour Ahnee pourront contester la mesure, que certains qualifient d’expropriation, ou est-ce que le ministre des Terres va recourir à la SMS comme il l’a fait, en 2020, pour expulser les « squatters » à Pointe-aux-Sables ? Affaire à suivre.