120 000 € pour une Citroën 2CV, c’est beaucoup, non ?

3 years, 2 months ago - 1 September 2021, Auto Moto
120 000 € pour une Citroën 2CV, c’est beaucoup, non ?
Lors de la vente aux enchères organisée en marge du départ du Tour Auto 2021, une Citroën 2CV a été adjugée pour 120 000 €. Est-ce bien raisonnable ?

Quelle ironie ! La Citroën 2Cv se montre pour la première fois en public le 7 octobre 1948 sous la verrière du Grand Palais. L’un de ses objectifs : démocratiser la voiture particulière, en s’adressant notamment aux populations rurales ou sans forcément de grands moyens. Près de 73 ans plus tard et à quelques centaines de mètres de là, entre les murs d’un Grand Palais Ephémère (le “vrai” étant en cours de restauration), un exemplaire est adjugé pour 120 000 € sous le marteau de la maison de vente Aguttes.

Oui, vous avez bien lu, une somme à six chiffres, dont au moins quatre “zéros”. Et encore, c’est sans y inclure les frais de transaction à la charge de l’adjudicataire, de 18 % dans le cas présent. La facture totale s’élève au-delà des 140 000 €. Voilà qui dépasse assez largement la fourchette déjà comprise entre 50 000 et 70 000 € (tout de même !) suggérée avant la vente. Cette 2CV, mise aux enchères en marge du départ du Tour Auto 2021, n’a pourtant rien de spécialement rare à première vue.

Il s’agit de l’un des 5 millions d’exemplaires (5 114 961 pour être précis) produits en un peu plus de quatre décennies. Pour l’exclusivité, il faudra repasser. Et cette Charleston de 1990, issue donc de l’usine portugaise de Manguale et ici dans une livrée Rouge Delage, s’avère autrement plus répandue que les tout premiers spécimens comme la Type A, effectivement rarissime de nos jours et un sens d’une plus grande valeur historique.

Sauf que le compteur Veglia de la 2Cv dont il est question aujourd’hui, comme son prix, affiche lui aussi quatre “zéros”…juste devant un modeste “9”. De fait, notre “Deudeuche” au châssis n°VF7AZKA171949 n’a pas franchi le cap des 10 km. Et n’a même pas été immatriculée en réalité, ses éléments de carrosserie sensés recevoir les plaques étant exempts de tout perçage. Elle peut donc être considérée comme neuve.

La voiture est d’ailleurs accompagnée de sa demande de certificat d’immatriculation de l’époque, après avoir été stockée par le garagiste qui s’en sépare à l’occasion de cette vente. Pneus, fluides et divers étiquettes apposées en usine sont d’origine.

Posons-nous toutefois la question du bien-fondé d’une telle fortune pour une 2CV. Encore heureux que quiconque soit libre de dépenser son argent comme il l’entend, dans un iconique modèle aux chevrons, une Porsche dite Classic ou pourquoi pas dans une Renault Wind. Mais c’est au risque de rendre leur accès plus difficile à beaucoup d’autres, moins privilégiés, mais tout aussi passionnés.

Car la spéculation ne concerne pas que de riches amateurs de “bonnes affaires”, mais surtout une large frange de “bagnolards”, qui voient l’ancienne ou la petite sportive de leur rêve prendre une valeur disproportionnée par rapport à leurs moyens. Sans compter qu’une fois acquise, son entretien ou sa restauration subit les affres de spécialistes ayant flairé le bon filon, estimant qu’au regard de la cote des voitures passant par leurs ateliers, ils peuvent bien pratiquer des tarifs prohibitifs.

Nous serions de surcroît étonnés qu’une 2CV payée 120 000 € prenne un beau jour la route, son éventuelle immatriculation ayant de grandes chances de lui faire perdre une bonne part de sa valeur (bien que celle-ci soit en partie fictive). Qu’un monument du patrimoine automobile national, en théorie commun à de nombreux Français, demeure entre quatre murs, n’est pas un si grand destin à nos yeux. Pas sûr en tout cas que ce soit celui souhaité par Pierre-Jules Boulanger et ses équipes après s’être donné tant de mal à mettre au point un engin quasi révolutionnaire pour son époque.

La voiture est une passion qui doit se partager. Mais son (ou sa) jeune propriétaire nous donnera peut-être tort. Ce ne sera pas la première ni la dernière fois, et nous en serons ravis.