Il se tenait aux côtés de la victime, Rohit Gobin, et il essayait de protéger son visage de la pluie. En fait, cet homme de 32 ans, infirmier au Cardiac Centre de l'hôpital Victoria, à Candos, est arrivé sur les lieux de l'accident trois minutes après l'impact. Son premier réflexe a été de vérifier l'état de la victime. Son constat : elle avait besoin de chirurgie dans les plus brefs délais. Nous avons rencontré celui avec qui Rohit Gobin a passé les derniers instants où il était conscient.
Sa profession l'aura confronté à bien des situations mais cet accident, Dilraj Sewsagar, n'est pas près de l'oublier. «Mo telman abitié trouv bann sitiasion koumsa ki monn pa kapav gard mo kalm dan sa ler-la», soutient-il. Son quotidien consiste à assister des personnes vulnérables à l'hôpital. Sauf qu'il n'avait rien en sa possession qui lui aurait permis d'aider davantage Rohit Gobin. «Il avait certainement une hémorragie interne et je savais qu'il avait besoin de chirurgie. Il saignait et se tordait de douleurs, mais je n'avais qu'un parapluie pour l'abriter», relate le trentenaire.
À vrai dire, Dilraj Sewsagar a fait beaucoup plus que cela. Il a tenté de soutenir le blessé moralement. «Je voulais soulager ses souffrances. Donc je lui parlais. J'aurais voulu faire davantage pour lui et j'ai demandé à ceux présents de m'aider à le transporter à l'hôpital mais ils avaient peur de le toucher en me disant qu'il était préférable que le Service d'aide médicale d'urgence s'en charge. Et tout seul, je ne pouvais rien faire même s'il se trouvait dans une position inconfortable », raconte l'infirmier qui s'est senti complètement désarmé.
«En même temps, ils avaient peur de lui faire plus de tort. Les policiers, de par leur profession, sont censés aider le public. Les deux qui étaient impliqués dans l'accident étaient sains et saufs mais ils ne se sont même pas approchés du blessé. Peut-être qu'avec leur aide, nous aurions pu amener la victime à l'hôpital plus rapidement», regrette cet habitant de Bois-Chéri. Les images qui circulent sur la Toile ces derniers jours démontrent que les policiers ne se sont pas souciés du sort des blessés, préférant constater les dégâts matériels avant de quitter les lieux.
En ce jour fatidique, Dilraj Sewsagar revenait de chez sa grand-mère et il roulait en direction de la station-service de Wooton. Son réflexe, lorsqu'il a vu qu'il y avait eu un accident, a été de garer sa voiture de couleur noire de la marque Honda et de se précipiter vers le blessé. Sa première question : avait-on déjà appelé les secours ? C'est avec peine qu'il décrit la scène. «Il y avait des barres de fer, des éclats de verre là où se trouvait le pompiste.» À voir où se trouvait la victime du véhicule de police, l'infirmier comprend tout de suite la violence avec laquelle Rohit Gobin a été projeté au sol. «Je ne peux m'empêcher de penser que si nous avions agi plus vite, il serait encore vivant. Il luttait vraiment pour sa survie.» Quelque part, il se dit que les policiers n'ont pas eu les réflexes nécessaires parce qu'ils étaient sous le choc. «Je comprends. Toutefois, lorsque j'ai vu l'ampleur des dégâts, je me suis dit une seule chose : le véhicule de la police devait rouler vraiment très vite», ajoute l'infirmier.
Sur place, Dilraj Sewsagar affirme qu'il n'avait pas beaucoup d'options. «Il y avait des policiers, vous avez tendance à penser qu'ils font ce qu'ils doivent faire. Je ne pouvais pas me mettre à juste donner des ordres. Je suis tellement triste aujourd'hui d'avoir été impuissant car il a perdu la vie. Je ne pouvais rien faire de plus que de lui dire de ne pas bouger et d'essayer de le soulager comme je pouvais», dit-il, visiblement marqué par le regret. L'infirmier, qui est aussi un père de famille, affirme toutefois ne plus être en colère. Mais il réclame justice. «C'était un père de famille lui aussi. Il était sur son lieu de travail. Il faut une justice dans cette affaire», implore-t-il.
Navin Mahadoo est le directeur général par intérim de la Croix-Rouge. Il est donc formé à donner les premiers soins à ceux qui en ont besoin. Il donne un éclairage sur les bons gestes à adopter si on veut, à tout prix, sauver une victime d'un accident.
>Quel est le premier geste à avoir lorsqu'on est sur un lieu d'accident ?
Si vous n'êtes pas formé en secourisme, la seule chose à faire c'est d'appeler les urgences. Si vous êtes secouriste, la première chose à faire c'est un état des lieux de la situation. Il faut faire une photographie de la situation pour savoir s'il y a un risque de sur-accident. C'est-à-dire de voir si l'accident peut causer un autre accident. Il ne faut pas vous mettre en danger ni mettre la vie de la victime encore plus en danger. Si vous être novice, il ne faut pas pour autant ne rien faire. Il faut déclencher la chaîne de secours. C'est-à-dire vous appelez au 114 ou au 999 pour dire que vous êtes témoin d'un accident mais que vous n'avez aucune notion. Le témoin est, en fait, le premier maillon de la chaîne de secours. Ensuite le deuxième maillon, ce sont les secouristes, le troisième, les ambulanciers et le dernier c'est l'établissement hospitalier.
>Hormis appeler les secours, comment peut-on aider au mieux les victimes d'un accident ?
La photographie de la situation est absolument nécessaire. Il est très important de décrire le lieu de l'accident aux secours si vous êtes témoin. Il ne suffit pas de prévenir les secours. Un accident moto à moto c'est une chose mais un accident impliquant une moto et un bus, par exemple, l'ampleur n'est pas la même. La photographie de la situation permet de dire aux secouristes combien de blessés il y a, est-ce que les gens impliqués peuvent bouger, est-ce qu'ils sont coincés, est-ce qu'ils saignent, peuvent-ils parler ou réagir ? Lorsqu'on décrit bien la situation aux secouristes, cela leur permet de venir sur le lieu de l'accident mieux équipés et d'offrir une meilleure aide.
>A-t-on un délai à respecter pour une intervention si on veut donner le plus de chance à une victime d'accident de survivre ?
Cela dépend de la situation. S'il y a une fracture, par exemple, le SAMU ne viendra pas. Il dépêchera une ambulance. Mais s'il y a une fracture avec une blessure ouverte et une artère sectionnée, ça change tout. Admettons qu'il n'y a pas d'accident, on est dans un supermarché, quelqu'un s'évanouit et fait un arrêt cardiaque, nous ne disposons que de trois minutes pour agir afin de ne pas laisser de séquelles à vie. La chance de survie dépend effectivement de la vitesse à laquelle les soins adaptés sont administrés. Dans tous les cas, le plus vite l'on intervient, le mieux c'est pour le blessé.
Plus de 20 jours après l'accident, qui a coûté la vie au pompiste Rohit Gobin sur son lieu de travail, à la station-service de Wooton, le rapport des experts de la police soumis aux autorités semble accablant. Le véhicule «Hardbody» de la marque Nissan n'était pas en état de rouler sur la route, dit le rapport déposé hier. Le document stipule que les deux roues arrière du véhicule étaient «lisses». Alors que c'est un délit passible d'une contravention, les policiers du poste d'Eau-Coulée roulaient quand même dans ce véhicule défectueux.
Le constable Domun a dû utiliser le véhicule à la suite d'une requête de sa chef pour aller chercher des gâteaux dans le cadre d'une marche pacifique devant l'église Ste-Hélène, avec des habitants et des scouts de la région, qui devait se terminer devant le poste de police. Le constable Domun et son collègue Madina se seraient rendus dans une pâtisserie à Camp-Fouquereaux. Ils ont ensuite emprunté la route de Wooton où le véhicule a dérapé avant de terminer sa course à la station-service d'Indian Oil. Depuis, une foule de questions se posent et les images CCTV qui ont commencé à être diffusées continuent de susciter des interrogations. Pourquoi voit-on le collègue du constable Domun sortir du siège arrière du véhicule sur une des images CCTV diffusées ? Une source nous explique que le policier aurait été projeté à l'arrière du véhicule car il n'avait pas bouclé sa ceinture de sécurité.
Concernant la polémique où des policiers venus sur les lieux n'ont pas porté secours aux blessés, ces agents ont été interrogés et ils ont expliqué avoir aidé. Le dossier sur cette affaire a été bouclé et envoyé au bureau du Directeur des poursuites publiques qui devrait décider si les policiers devraient être poursuivis pour «culpable omission».
Sollicité pour une réaction après la soumission du rapport sur le véhicule accidenté, le président de la Police Officers Solidarity Union, l'inspecteur Jaylall Boojhawon, explique qu'il a, dans le passé, dénoncé l'état de ces véhicules utilisés par la police et qui ne seraient pas conformes aux normes de sécurité et n'avaient pas réussi le crash test. «Ce véhicule ne tiendrait pas la route à plus de 53 km/h et il est très instable. En cas de mauvais temps, il risque de déraper. Nous demandons le retrait sur le champ de ce type de véhicule de la force policière », note l'inspecteur Jaylall Boojhawon. «Global New Car Assessment Programme (NCAP) and the Automobile Association South Africa want to improve auto safety in Africa. As part of this campaign, they recently crash tested the South African market's NP300 Hardbody pickup and the truck received a woeful zero-star rating in the evaluation. Global NCAP predicted adults riding in the truck were at risk for a high probability of life-threatening injury in a crash», peut-on lire sur le site Web https://www.motor1.com/ dans un article publié en novembre 2018.
Selon l'article 39A (2) Culpable Omission de la Criminal Code Act, «any person who wilfully omits to provide to a person in danger such assistance as he could, without any risk to himself or to a third party, provide to that person by his own intervention or by calling for help, shall be punished by a fine not exceeding 10,000 rupees and by imprisonment for a term not exceeding 2 years». L'article 9 de la Police Act mentionne aussi qu'un officier a le devoir de porter secours à une personne. Il fait partie de la list of duties d'un policier to save life and property.
Sunjive Jankee, le propriétaire de la station-service et Ranjivsing Imrit Jankee, connu désormais comme l'homme en noir, sont-ils apparentés ? Nous nous sommes rendus, hier, chez Ranjivsing Imrit Jankee à Camp- Fouquereaux. Il n'a pas été gentil à notre égard et nous a lancé : «Si vous avez besoin de renseignements, je vous invite à aller voir ma déposition avec la police.» Quand nous lui avons demandé s'il était apparenté à Sanjive Jankee, il nous a déclaré : «Eh pourtan li enn pros avek mwa, sé mo prop kouzin.» Il ne nous en dira pas plus sur sa présence sur les lieux qui laisse tout le monde perplexe.
Dans sa déposition, il n'évoque pas de lien entre les policiers et lui. «J'ai vu les policiers dans un état de choc et ils se plaignaient de douleurs.» Il ajoute avoir aussi porté assistance aux deux blessés. Par contre, Sunjive Jankee affirme, lui, que «s'il sentait qu'il était proche de moi, il serait venu s'enquérir de l'accident et des blessés. Tout porte à croire qu'il est proche des policiers.»
Le fils de Rohit Gobin, Jashley Gobin confie qu'il n'y a pas encore eu de parade d'identification avec l'homme en noir. «Je ne peux me prononcer sur sa présence là-bas. Il aurait confié que les victimes étaient des policiers, je suis exaspéré. Ses faits et gestes ne corroborent pas avec ce qu'on voit dans la vidéo et sa déclaration à la radio.»
Hier à 13h 30, nous nous présentons au poste de police d'Eau-Coulée pour nous enquérir de la situation après l'accident mortel dans lequel un policier de ce poste est impliqué. D'emblée, les policiers disent qu'ils n'ont pas le droit de nous parler, comme le stipulent les règlements concernant les fonctionnaires. La woman police constable de service, qui fait office de station orderly consigne une entrée concernant notre présence, sur ordre de son chef. «Met enn lantré pou li. Ou kone tou dimounn ki vinn station nou bizin met enn lentré lor sa», nous dit le responsable de l'équipe qui nous invite à nous asseoir. «Nou pa pé kompran ki media pe rode tou lezour koum sa akoz enn accident. Se kinn arrivé bouleversant. Personn pa ti souhete sa», explique un policier. Personne, dit-il, ne souhaite quitter sa famille et avoir un accident. «Ou kroir ki dimounn ti pu envi kit so lakaz ek so fami implike dan enn accident. Inn ariv enn maler komie lapolis ousi inn viktim aksidan civilian finn tap ar zot zot inn désédé, ena inn viktim hit-and-run pann tann narien. Nou pé konpran fami viktim pé soufer mais polisie la ousi.»
Le policier ajoute que le constable souffre énormément aussi. Ses collègues sont victimes d'insultes depuis l'accident. «Nou pé al 'attend request', dimounn pé zour nou, pe maltret nou, pe dir lapolis Eau-Coulée zot pa lé, touy dimoun, nou mem pas pé kapav travay.» Depuis ce drame, les policiers du poste d'Eau-Coulée n'ont pas le moral.
Nous nous sommes rendus au domicile du constable Domun, le policier impliqué dans l'accident mortel, hier après-midi. Il n'y avait personne chez lui à Camp-Fouquereaux. Un collègue policier explique qu'il est très affecté par ce drame. Notre interlocuteur raconte que l'épouse du policier est souvent malade. Nous avons tenté de le contacter mais son cellulaire est éteint. Il a aussi désactivé son compte Facebook quelques jours après l'accident. Il est actuellement posté à la Special Supporting Unit.
Son identité a été révélée au grand jour après que la police de Phoenix s’est mise à la recherche de l’homme en noir dont la photo circulait depuis lundi dans la presse. On le voit, sur les images des caméras de surveillance, aidant les deux policiers dont le véhicule avait dérapé jusqu’à la station-service de Wooton, blessant un pompiste et tuant un autre. L’homme en noir est Ranjivsing Imrit Jankee, âgé d’une cinquantaine d’années, qui a été appelé à donner sa déposition à la Criminal Investigation Division de Vacoas mercredi 18 décembre. Il n’est pas policier mais travaille dans une société parapublique.
Une question sur les lèvres de bon nombre de personnes qui suivent cette affaire de près, c’est la raison qui l’a poussé à aider les policiers et non pas les blessés. S’il est bien apparenté au propriétaire de la station-service comme il l’a dit dans sa déposition, sa première réaction aurait été de s’enquérir de la situation auprès du propriétaire pour voir comment l’aider. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?
Autre question qui suscite l’intérêt général : pourquoi s’est-il autant intéressé aux policiers et pourquoi n’a-t-il pas décliné son identité depuis que l’affaire a éclaté ? Que cache-til ? Il devra bien répondre à toutes ses questions aux enquêteurs du Central Criminal Investigation Department. Mais sera-t-il convoqué ?
Assistance aux blessés
Dans sa déposition, il a admis s’être rendu à la station d’essence vers 10 h 40, soit 7 minutes après l’accident. Il a expliqué aux enquêteurs qu’il a donné assistance aux deux blessés ainsi qu’aux deux policiers. Il a constaté que ces derniers étaient en état de choc et il leur a demandé d’attendre sur le côté afin d’éviter tout conflit avec les membres du public ainsi que les personnes blessées. Il a attendu l’arrivée des secours pour que ceux-ci prennent contrôle de la situation et qu’il puisse ainsi quitter les lieux. Il a aussi expliqué qu’à aucun moment, il n’a interféré avec les personnes et manipulé les indices.
L’express a tenté de contacter Ranjivsing Imrit Jankee à plusieurs reprises, en vain. Nous nous sommes rendus chez lui, hier, jeudi 19 décembre, mais il ne s’y trouvait pas.
Jamais apparenté
Nous sommes allés chez le propriétaire de la station-service de Wooton, Sunjive Jankee, pour une déclaration, hier également. «Cet homme je ne le connais pas et il n’a jamais été apparenté à moi. Il aurait dû venir me rencontrer. Je suis choqué quand j’entends à travers la presse qu’il a porté assistance. Il n’a même pas regardé les blessés, ce que l’on voit à travers les images de la caméra. Comment connaît-il les lieux ? Quand il prend le tabouret, ces images me surprennent : comment connaît-il si bien les lieux ? D’après sa réaction, cela démontre qu’il connaît les policiers et qu’il a une expérience des cas d’accident. Je reste perplexe devant cette situation.»
Depuis l’accident, le gérant vit mal cette affaire. «Cela fait 12 ans que je gère cette station-service et j’ai connu plusieurs hold-up. J’ai même été braqué par un policier en 2016. J’ai une mauvaise expérience dans ce métier. J’espère sincèrement que la justice soit faite à la victime Rohit Gobin et à sa famille.» Que l’enquête soit faite dans la transparence. C’est un appel qu’il lance au commissaire de police et aux policiers qui s’occupe de l’enquête.
Sollicité pour une réaction, le commissaire de police, Mario Nobin, explique que l’enquête sera bouclée au plus vite. «Je ne me prononcerai pas davantage, par rapport à l’intégrité de l’enquête.»