C'est une vraie surprise qui est tombée dans notre boîte mail : un communiqué annonçant le départ du PDG du groupe Volkswagen, Herbert Diess. Même les plus hauts managers ne le savaient pas vendredi, journée de l'officialisation. Seuls quelques membres du Conseil étaient au courant, les autres ayant appris la nouvelle par visioconférence.
A vrai dire, personne ne s'y attendait puisque l'intéressé avait vu son contrat tout récemment renouvelé pour deux ans. Malgré les nombreuses dissensions internes, Herbert Diess était donc conforté à son poste pour assurer convenablement la transition d'un mastodonte de l'automobile qui tente d'effacer définitivement les traces du dieselgate. Mais ce n'était que reculer pour mieux sauter puisque le Bavarois quittera son poste au 1er septembre 2022 pour laisser sa place à un personnage qui monte inexorablement au sein du groupe VW.
Merci, et au revoir
L'annonce de Volkswagen est très sobre, et ne s'étend finalement pas trop sur son PDG actuel. Le Conseil de surveillance le "remercie pour ses grandes réalisations dans le cadre de la transformation du groupe". Il rajoute : "du point de vue du Conseil de surveillance, Herbert Diess, en particulier, a proposé un certain nombre d'idées de produits innovants, a remanié les portefeuilles de produits et a mis l'accent sur l'électromobilité. Des approches révolutionnaires basées sur des plates-formes ont été lancées, comme récemment dans le cas des batteries et des services de mobilité. On peut lui attribuer la nouvelle orientation organisationnelle du groupe avec des régions plus indépendantes...".
Sobre, et sans excès d'émotions à l'inverse de certains départs de PDG parfois mis en scène, comme ce fut le cas pour le célèbre moustachu Dieter Zietsch à la fin de sa carrière chez Mercedes. Chez Volkswagen, le départ d'Herbert Diess est plus... froid !
Et pour cause : les tensions internes ont été nombreuses depuis l'arrivée d'Herbert Diess, en provenance de BMW. Le Bavarois a révolutionné la méthode de management avec une vision plus moderne pour un groupe hyper conservateur, encore attaché à sa culture d'entreprise "rigide". Nouvelles technologies, électrification à tous les étages, changements majeurs d'image pour certaines marques, création d'une entité dédiée au développement logiciel et restructurations, la méthode "Diess" n'a pas plu à tout le monde, à commencer par les représentants du personnel.
"Diess énervait aussi depuis longtemps les familles (Porsche, et Piech, qui le défendaient jusqu'ici) avec ses manières grossières et ses frasques constantes. Stratégiquement brillant, mais avec des déficits massifs de leadership et de mise en œuvre. Dès décembre, lorsque la dernière lutte pour le pouvoir a été réglée par un compromis, on a dit : Diess était sous observation, la prochaine fois serait celle de trop", expliquent nos confrères d'Automobilwoche. Cette "prochaine fois", c'est le fameux problème des logiciels.
Volkswagen, c'est Porsche ?
Le groupe Volkswagen mise tellement sur Porsche que son Conseil de surveillance a décidé de remplacer Herbert Diess par Oliver Blume, actuel PDG du lucratif constructeur. Il conservera d'ailleurs son rôle, cumulant ainsi deux casquettes très importantes. Les plus importantes, même, puisque Porsche est la marque la plus rentable du groupe à l'aube de son entrée en Bourse. Laquelle pourrait en outre redistribuer les cartes puisque cela permettrait à Porsche de devenir plus indépendant. Quid, alors, des fonctions d'Oliver Blume à ce moment là ? Il se pourrait bien qu'il n'assure que la transition, le temps que Porsche arrive sur les places boursières. Débarqué dans le groupe Volkswagen en 1994, il occupe la tête de Porsche depuis 2015. C'est donc la consécration pour lui, qui, à l'inverse de son prédécesseur, mise gros sur les carburants synthétiques.
Un thème par ailleurs épineux puisqu'un mini scandale éclate de l'autre côté du Rhin. Selon la ZDF, Oliver Blume aurait annoncé lui-même lors d'une réunion interne fin juin qu'il avait "joué une grand part" dans l'accord de la coalition politique allemande pour l'utilisation des carburants synthétiques.
"Nous étions les principaux moteurs là-bas, avec des contacts très étroits avec les partis de la coalition. Christian Lindner m'a tenu au courant presque toutes les heures ces derniers jours", aurait dit Blume lors de cette réunion d'entreprise. Ce que réfute un porte-parole de Porsche aujourd'hui : "lors d'un événement interne en juin, la formulation a été exagérée, et nous nous en excusons. Le choix des mots ne correspond pas aux faits. L'échange n'a pas eu lieu et il n'y a eu aucune influence".
Trop proche des politiques, Olivier Blume ? Le ministre des Finances, Christian Lindner, accusé d'avoir joué les lobbyistes pour Porsche, a dû s'en justifier en affirmant qu'il n'avait aucun majeur avec Oliver Blume en dehors d'un "bref appel téléphonique" en octobre. De son côté, Oliver Blume a rajouté que le choix des mots "a donné une mauvaise impression", et qu'il s'en excusait. Une chose est sûre, les débuts d'Oliver Blume sont mouvementés.
Related News