Discrimination administrative : Le calvaire de Véronique Marisson, éducatrice handicapée

6 months ago - 18 June 2024, Le Mauricien
Discrimination administrative : Le calvaire de Véronique Marisson, éducatrice handicapée
Alors que son véhicule est « fit for road », la NLTA lui réclame des papiers à n’en plus finir pour en obtenir le fitness, pourtant contrôlé et avalisé depuis 2015 Sans compter les frais supplémentaires pour pouvoir obtenir ces documents

Véronique Marisson, 48 ans, éducatrice au Loreto College de Quatre-Bornes et atteinte de paralysie cérébrale, se trouve plongée dans une farce bureaucratique qui défie, selon elle, toute logique. Depuis quelques jours, pour pouvoir conduire sa voiture, elle se bat contre des obstacles bureaucratiques de la National Land Transport Authority (NLTA) qui compromettent son autonomie.

Des sentiments d’amertume, de frustration et de colère animent Véronique Marisson. Alors qu’elle pensait se faciliter la vie en optant pour le centre SGS de Forest-Side pour passer les examens de fitness pour sa voiture – la validité de son document obtenu la dernière fois en 2022 arrivant à expiration fin juin –, elle se retrouve aujourd’hui avec des procédures administratives à n’en plus finir. Procédures qui défient le bon sens, dit-elle, exaspérée qu’elle soit ainsi traitée, en raison de son handicap. Elle explique qu’en 2015, elle a acheté une voiture adaptée, équipée d’un kit spécial pour handicapés (système de freinage et d’accélération manuels). Pour pouvoir mettre sa voiture sur route, elle a suivi scrupuleusement toutes les démarches administratives nécessaires, obtenant les autorisations de la police, de la Sécurité sociale, des Infrastructures publiques et de la Mauritius Revenue Authority (MRA). Son véhicule et elle-même, à l’époque, ont satisfait à toutes les exigences. Aujourd’hui, sa voiture lui permet de mener une vie active et indépendante.

Aucune difficulté en 2022 à Port-Louis

Lors de son contrôle technique en 2022 au centre SGS de Port-Louis, elle n’a rencontré aucune difficulté majeure. Croyant ainsi mieux faire pour éviter les longues distances à parcourir et des ascenseurs souvent bondés au centre de Port-Louis, elle s’est cette fois, après deux ans, tournée vers le centre SGS de Forest Side. Sa récente visite à ce département a révélé ce qu’elle estime être « une discrimination inacceptable ».

Fitness certificate pour trois mois

Bien que sa voiture, qui a passé le contrôle technique, soit jugée apte à la circulation, les agents du centre SGS de Forest Side ont exigé à Véronique Marisson une montagne de documents supplémentaires : certificats de la MRA, du ministère des infrastructures publiques (MPI) et une attestation d’un ingénieur pour le kit handicap. Sans quoi, le véhicule ne pourrait être mis sur route. Sur les protestations de l’enseignante, qui a expliqué disposer de tous les documents nécessaires depuis 2015 quant à la mise sur route de son véhicule spécialement adapté, et qu’elle avait besoin de sa voiture pour se mouvoir et garder son autonomie, les officiers du centre SGS de Forest Side ont finalement consenti à accorder un fitness certificate pour trois mois. Délai durant lequel Véronique Marisson devra trouver les documents requis pour obtenir le full fitness certificate, mais surtout prouver qu’elle a le droit de rouler ce véhicule sur nos routes. On lui a également imposé de remplir une demande de modification de véhicule pour un véhicule déjà avalisé par des autorités depuis 2015 !

« Le MPI ne traite pas directement avec les particuliers »

Découragée mais surtout dépitée par tant de tracasseries administratives, et se sentant discriminée du fait de sa situation de handicap, Véronique Marisson s’est enquis auprès des différentes organismes. En outre, si, après deux ans, les réglements seraient les mêmes au niveau du centre SGS de Port-Louis, au niveau de la MRA ou des autres organismes concernés, on ne lui a fait aucune difficulté pour retracer ses documents. Cependant, malgré une réponse positive de la MRA, qui avait validé ses documents précédemment, le ministère des Infrastructures publiques (MPI), cette fois, a été inflexible. On  m’a dit que « le MPI ne traite pas directement avec les particuliers. » Ce que déplore l’enseignante, estimant que c’est une injustice envers elle d’autant qu’en 2015, elle n’a eu aucune difficulté pour obtenir l’autorisation du MPI. Cette situation complique davantage la vie de Véronique Marisson et renforce son sentiment de discrimination et de handicap. « Comment vais-je faire pour obtenir des papiers qui datent de 9 ans si le ministère ne traite pas avec les particuliers ? Vers qui dois-je me tourner ? », demande-t-elle.

Véronique Marisson est sidérée. Pourquoi doit-elle fournir de nouveau ces documents, alors que son kit n’a pas changé depuis 2015 ? Elle estime que ces exigences sont non seulement inutiles, mais aussi discriminatoires, selon la section 6 de l’Equal Opportunities Act 2008. Cette loi stipule qu’une discrimination indirecte survient lorsqu’une condition ou une exigence imposée est injustifiable et désavantage une personne par rapport à d’autres dans une situation similaire. Les nouvelles exigences imposées par SGS Forest Side, bien que son kit n’ait pas changé depuis neuf ans, sont non seulement un gaspillage de son temps et de ses ressources, mais sapent également sa dignité et son indépendance, dit-elle.

Ces contraintes administratives perturbent considérablement la vie de Véronique Marisson. Dépendante de sa voiture pour se rendre au travail et pratiquer ses activités sportives, elle doit désormais consacrer du temps et de l’argent à obtenir ces documents supplémentaires. Le risque de ne plus pouvoir utiliser son véhicule légalement, après les trois mois impartis quant au fitness certificate dont elle dispose, met en péril son autonomie et sa capacité à mener une vie active, déplore-t-elle.

Par ailleurs, elle s’est aussi enquis auprès de la personne recommandée par les agents du centre SGS de Forest Side quant aux frais qu’elle devra débourser pour obtenir une attestation d’un ingénieur pour le kit handicap. Quelque Rs 3,500 supplémentaires, lui a-t-on fait savoir. Pour l’enseignante, qui doit renouveler également la déclaration de son véhicule à la fin du mois, toutes ces procédures sont stressantes. « Qu’est-ce que je fais pour la déclaration du véhicule ? Je paye pour trois mois et dans trois mois, je recommence encore ? Et si je n’ai pas obtenu le fitness à ce moment là…? Entre-temps comment je fais pour me déplacer? », demande-t-elle dépitée par ce manque d’égard envers une personne en situation de handicap et qui, pourtant, est en règle avec les papiers de son véhicule depuis 9 ans.

Appel à l’Ombudsperson et au PMO

Véronique Marisson a décidé de se tourner vers les autorités, dont le ministère de la Sécurité sociale, le bureau de l’Ombudsperson, le ministère de l’Égalité des genres, la NLTA, le ministère du Transport et le bureau du Premier ministre, à qui elle a envoyé un courrier exprimant son amertume et s’insurgeant contre ses tribulations face à ces obstacles bureaucratiques absurdes. Elle compte bien attirer l’attention sur la discrimination systémique dont elle se sent victime. « Si on m’avait dit que l’on doit vérifier le kit de la voiture, je n’y trouverais rien à redire. Sauf que là, la voiture est ok, je suis apte à conduire, mais on me demande de venir prouver quoi ? On se le demande avec le nombre de papiers que la NLTA réclame. C’est totalement illogique ! Si la voiture n’était pas fit, je n’aurai pas obtenu de fitness. Même pour trois mois. Pourquoi tant de chi chi, alors qu’on peut faire simple ? Est-ce parce que je suis handicapée? », demande-t-elle.