Enjeux économiques, fiscaux, énergétiques et environnementaux

3 weeks ago - 27 May 2025, Le Mauricien
Enjeux économiques, fiscaux, énergétiques et environnementaux
À l’approche du Budget, se posera la sempiternelle question des taxes. Notamment sur les véhicules. Les voitures hybrides ou électriques bénéficient d’avantages fiscaux octroyés lors du précédent exercice. Du coup, leur vente a explosé.

Or, l’achat de véhicules à Maurice a son pendant négatif : il plombe la facture d’importation. Se pose, en parallèle, l’adoption croissante des SUV électriques, pas si «propres» par rapport à une petite voiture mais bénéficiant des mêmes exemptions. Plus lourds et équipés de batteries plus puissantes, ces véhicules posent un défi en termes d’impact économique et environnemental, dans un contexte où la transition énergétique demeure un enjeu majeur.

Dans son dernier rapport économique, publié en mai 2025, AXYS met en lumière le déficit commercial et la dépendance de Maurice sur les importations. Ce déficit a atteint un niveau historique en 2024, soit Rs 203,7 milliards. Le rapport souligne un déséquilibre structurel, aggravé par «la faiblesse de la roupie, la hausse des importations, et la stagnation des exportations». Malgré le fait que les importations de véhicules aient bénéficié d’une dynamique de consommation soutenue (de Rs 6,8 milliards en 2010 à Rs 31,1 milliards en 2024), cette tendance a davantage pesé sur l’économie qu’elle n’y a contribué, toujours selon le même rapport. Cette évolution a néanmoins le mérite de révéler une demande intérieure robuste, représentant 9,9 % des importations totales en 2024.

Ci-dessous, un tableau illustrant l’enregistrement des voitures de 2012 à 2024.

Entre janvier et avril 2025, 343 648 voitures ont été enregistrées, soit plus que sur l’ensemble de l’année 2024.

En ce qui concerne les voitures électriques, celles-ci ont connu une hausse significative du nombre d’enregistrements.

Ci-dessous, un tableau présentant les données relatives à l’enregistrement des voitures électriques de 2012 à 2024.

Les acheteurs de véhicules électriques bénéficient de plusieurs avantages sur le plan fiscal. Mrinal Teelock, secrétaire général de la Motor Vehicles Dealers Association (MVDA), nous explique :«Tout d’abord, les voitures électriques ne sont pas soumises aux droits d’accise. Elles sont zero rated. Ensuite, il y a le remboursement jusqu’à Rs 200 000 accordé par le gouvernement.»

Cette taxe d’accise négative – équivalente à 10 % de la valeur d’un véhicule électrique d’une puissance maximale de 180 kilowatts, soit un maximum de Rs 200 000 – a été prolongée jusqu’en juin 2025, lors de la présentation du Budget 2024-25 au Parlement par l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy.

Les acheteurs doivent néanmoins s’acquitter des 15 % de la TVA.

Isabelle Autissier, présidente d’honneur de WWF France argumente sur sa plateforme web : «Les SUV électriques consomment jusqu’à cinq fois plus de métaux critiques (cuivre, lithium, nickel, cobalt) que les petites citadines électriques, menaçant ainsi la transition écologique.»

De plus, qui dit véhicule plus lourd dit forcement plus d’énergie nécessaire pour déplacer sa masse, le rendant ainsi plus polluant.

Mrinal Teelock, secrétaire général de la MVDA relativise : «Il n’y a pas vraiment de grandes différences entre les petites voitures électriques et les SUV en matière de consommation. Bien sûr, la capacité des batteries des SUV est plus élevée, ce qui leur permet d’offrir une plus grande autonomie. Cela se traduit par des trajets plus longs, justifiant ainsi une consommation énergétique accrue. Le poids de la voiture est aussi un autre facteur. Bien évidemment, tout dépend des besoins de l’automobiliste.»

Il ajoute : «Les SUV sont très prisés pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils sont plus pratiques que les voitures conventionnelles. Ensuite, ils incarnent cette évolution de l’industrie de l’automobile. Enfin, ils reflètent un style de vie.»

Dans sa conférence sur la transition énergétique, le physicien Étienne Klein déclarait : «L’énergie électrique est propre à l’endroit où vous l’utilisez.» Ainsi, dans le contexte mauricien où «l’électricité produite par le CEB reste très dépendante du fioul» (AXYS, 2025), rouler à l’électrique signifierait donc rouler au charbon et au pétrole. Klein poursuit sa réflexion : «Mettre un litre de pétrole dans un moteur à explosion, est-ce que c’est moins intelligent que de mettre un litre de pétrole dans une centrale thermique, qui va faire du courant et que vous allez mettre dans la voiture ?»

Dans cette perspective, rouler à l’électrique à Maurice reviendrait-il à rouler aux énergies fossiles ?

Bérénice Bieuville, rédactrice climat, explique sur la plateforme Sami: «La voiture électrique est une piste pertinente de réduction des émissions de CO2 dans le monde.» Cependant, certaines conditions doivent être respectées. Tout d’abord, une extraction des ressources et une fabrication générant de faibles émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, un accès à une électricité à faible empreinte carbone. Enfin, une utilisation modérée, malgré le gain d’efficacité des batteries.

Dans cette perspective, si les SUV électriques semblent présenter un bilan carbone moins avantageux, le véritable enjeu de leur empreinte écologique résiderait dans le cycle de vie du véhicule et de ses composants.