Que vous inspire cet accident ?
Un sentiment d’effroi, car dans d’autres circonstances, il aurait pu y voir bien plus de dégâts, voire bien plus de victimes.
Le camion n’avait pas de Fitness…
Les examens de Fitness peuvent déceler s’il y a quelque chose qui cloche avec les freins. Les poids lourds doivent impérativement effectuer ce test au moins deux fois par an. Une autre conséquence indésirable de l’absence de Fitness est que les assureurs peuvent se dédouaner de toute responsabilité.
La National Land Transport Authority (NLTA) devrait-elle informatiser ses services pour des vérifications systématiques à ce niveau ?
Cela devrait être envisagé, mais il faut savoir que valeur du jour, ce sera lourd d’un point de vue administratif, alors que la NLTA manque de ressources.
Sans préjuger des conclusions de l’enquête policière, pensez-vous que le chauffeur du poids lourd impliqué aurait pu s’apercevoir que quelque chose n’allait pas avec les freins avant de prendre la route ?
Il faut savoir que si le réservoir d’air comprimé pour les freins a une fuite, un mécanisme bloque les roues. Donc, s’il a pu prendre la route, cela voudrait dire a priori que les freins fonctionnaient à ce moment-là. Selon mes recoupements, les freins fonctionnaient normalement alors que le camion se trouvait à Cluny. Mais il faut savoir qu’il y a deux systèmes de freinage : le système de freinage principal pour le véhicule tracteur et le système de freinage secondaire pour la remorque. Il se pourrait que le chauffeur n’ait pas pensé à vérifier le système de freinage de la remorque.
Les chauffeurs de poids lourds sont-ils bien formés à Maurice pour vérifier l’état des freins ou d’autres mécanismes avant de prendre la route ?
C’est justement là où le bât blesse. Un exemple : pour bien vérifier l’état du système de freinage de la remorque, il faudrait savoir se servir d’un manomètre. Je pense que concernant cet aspect, la formation des chauffeurs de poids lourds laisse beaucoup à désirer. Mais pas que pour cet aspect. Idéalement, il aurait fallu quatre types de permis pour les chauffeurs de poids lourds : le premier pour les petits camions, disons de 7,5 tonnes; le deuxième pour les poids lourds dépassant cette barre; le troisième pour les camions avec remorque; et finalement, le quatrième pour les poids lourds articulés.
Mais ce n’est pas le cas à Maurice. Un chauffeur avec un permis pour un camion de 7,5 tonnes peut être amené dans le cadre de son travail à prendre le volant d’un camion de 35 tonnes. Ils apprennent donc sur le tas. Une loi urgente est requise en ce sens. Il faudrait savoir bien sélectionner les routiers, et savoir s’ils ont les aptitudes physiques et psychologies requises. Que cet accident soit un Wake-Up Call pour une meilleure formation des routiers.
Pourrait-il y avoir erreur humaine dans le cas présent ?
Un chauffeur bien formé aurait senti que le frein devenait mou en cas de fuite d’air. Il aurait alors arrêté le camion à ce moment-là. Il faudrait aussi savoir que les chauffeurs qui n’ont pas reçu de formation adéquate font souvent une utilisation abusive de la pédale de freinage sans penser à rétrograder pour ralentir le camion.
Des témoins prétendent que le camion dégageait déjà des flammes et de la fumée à l’arrière, et cela avant d’entrer en collision. Quel lien possible avec le lâchement des freins ?
Si les freins ont lâché, il n’est pas exclu que la friction engendrée provoque un début d’incendie.
Y a-t-il un mécanisme permettant d’arrêter le véhicule au cas où les freins lâchent ?
Il y a le Brake Fail Safe System, dont quasiment tous les camions sont pourvus, mais il faut savoir que si le camion convoie quelque chose de lourd, comme un conteneur rempli de vieille ferraille dans le cas présent, et que s’il est dans une descente, ce qui est aussi le cas, ce système d’urgence peut ne pas fonctionner.
Quels autres systèmes faudrait-il envisager pour éviter d’autres accidents de ce genre ?
Il faudrait considérer l’installation de Truck Arrester Beds sur l’autoroute, où beaucoup d’accidents de poids lourds se sont produits. Ce système consiste en une voie qui conduit à une cuve remplie de sable et d’un gravier spécial, ce qui permet d’arrêter un camion, peu importe sa vitesse. Je préconise un tel système depuis 2008.
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