Le contrat MMG de Rs 30 milliards aux multiples ramifications

1 month ago - 1 May 2025, lexpress.mu
Rajiv Servansingh
Rajiv Servansingh
L’affaire secouant actuellement la State Trading Corporation (STC) représente l’un des épisodes les plus complexes et sensibles en matière de scandale.

La Financial Crimes Commission (FCC) poursuit une enquête approfondie sur l’attribution controversée d’un contrat d’approvisionnement en carburants d’un montant estimé à Rs 30 milliards à la société Mercantile & Maritime Group (MMG), une entreprise avec une expertise reconnue dans le domaine.

Rajiv Servansingh, directeur général de la STC, a été interrogé hier sous la section 22 de la FCC Act pour public official using office for gratification. Interrogé under warning pendant plus de six heures en présence de son avocat, Mᵉ Shyam Servansingh, il a dû s’expliquer sur une série de choix stratégiques, désormais fortement contestés.

À l’origine, un appel d’offres avait été lancé avec la participation de six sociétés, dont OQ Trading, une entreprise publique d’Oman, qui avait soumis l’offre la plus financièrement avantageuse. Mais, contre toute attente, l’appel d’offres a été annulé sans justification claire, ouvrant la voie à une négociation directe avec MMG. Ce revirement a alimenté de nombreuses interrogations d’autant plus que MMG n’est ni producteur ni distributeur de carburants, mais agit comme simple intermédiaire sur les marchés internationaux. Officiellement, la STC a défendu son choix en mettant en avant la possibilité de régler les transactions en roupies mauriciennes, ce qui aurait permis de préserver les réserves en devises de l’institution, alors sous pression après les effets économiques prolongés de la pandémie de Covid-19. MMG proposait également un délai de paiement plus long et un premium jugé plus faible par rapport à ses concurrents.

Cependant, plusieurs éléments d’enquête ont mis à mal ces arguments. Un procès-verbal daté du 9 août 2024 (voir fac-similé) dont avait fait mention le député Ehsan Juman à l’époque, issu d’une réunion entre MMG, la MauBank et la Banque de Maurice, a révélé que les paiements en roupies effectués par la STC étaient en réalité convertis en devises étrangères – dollars, euros et dirhams – dès réception, annulant de facto les prétendus bénéfices de cette modalité de règlement. De plus, MMG aurait bénéficié d’une garantie bancaire en dollars à hauteur de Rs 15 millions, présentée comme un mécanisme de soutien à la roupie, mais qui s’est révélée être un simple prêt à court terme, remboursé après livraison du carburant.

Les enquêteurs ont également entendu quatre hauts responsables de la STC : le directeur commercial, son adjoint, le directeur de l’audit interne et le responsable des finances. Ces derniers ont affirmé n’avoir subi aucune pression pour favoriser MMG, mais leurs explications sur les critères de sélection restent floues. Ils ont reconnu que la décision de rejeter l’offre omanaise au profit de MMG s’était faite sur la base d’analyses prévisionnelles du marché du pétrole brut, qui annonçaient une hausse des prix au second semestre 2023. Or, ces prévisions ne se sont pas concrétisées et le marché a, au contraire, connu une baisse, remettant en cause la pertinence économique de l’accord.

L’implication de plusieurs institutions financières locales, dont la MauBank et la Silver Bank, fait désormais l’objet d’une attention particulière. Ces établissements auraient joué un rôle actif dans la conversion des fonds, ce qui laisse penser que les ramifications de cette affaire pourraient aller bien au-delà de la STC.

Plusieurs questions restent en suspens : pourquoi avoir écarté un appel d’offres en bonne et due forme pour recourir à une procédure directe? Quel est le taux de conversion exact appliqué aux paiements? En attendant que l’enquête aboutisse, cette affaire révèle des failles qui peuvent facilement dériver vers des pratiques opaques.