
Comme lui, de nombreuses familles à Gokoola ont perdu un proche dans des accidents mortels ou comptent parmi les leurs des blessés gravement handicapés nécessitant des soins spécialisés au quotidien. Pour les habitants, cette situation ne peut plus durer.
Faute d’action concrète des autorités, une manifestation est d’ores et déjà prévue à l’initiative et aux frais des habitants, sans attendre le soutien du gouvernement.
Une petite réunion tenue samedi dernier au jardin public de Gokoola a failli être plus animée que prévu lorsque les habitants ont exprimé avec force leur colère face à l’inaction des autorités malgré les nombreux accidents survenus dans la localité. L’accident mortel de Jordan Doobarry ainsi qu’un autre survenu sur la route royale le 1er mai, où deux voitures sont entrées en collision, ont été «la goutte d’eau qui a fait déborder le vase» pour les résidents. «Je constate qu’on ne peut pas installer d’obstacles ici car c’est une route Royale. Des personnes sont mortes, mon fils aussi. Je suis débordée et je souhaite avoir une autre maison pour quitter cet endroit», déplore Karen Doobarry, la mère de Jordan et habitante de la route Royale.
Bouleversée par la situation, elle a quitté la réunion en trombe. Selon elle, des ralentisseurs avaient été installés par le passé pour réduire les accidents, mais ils ont été par la suite enlevés. «Pourquoi ne pas installer des radars et améliorer l’éclairage ? Sur cette route, tout peut basculer en une fraction de seconde», dit-elle. Elle regrette l’absence de mesures concrètes pour assurer la sécurité des habitants du village.
Un drame familial
Pratima Doorga, une autre habitante, mère de famille et employée du village, était aussi présente, le cœur lourd, incapable de dire quoi que ce soit ou de croire encore à un changement. «Mon mari est alité depuis 2024 après un accident survenu un soir où il rentrait chez nous. Il n’avait qu’à entrer dans la cour, mais une voiture l’a percuté», se souvientelle. L’accident a été d’une telle rare violence qu’une partie de la tête de son mari a dû être conservée dans une autre partie de son corps pendant quatre mois avant qu’il ne soit opéré. Plusieurs de ses os ont été brisés et il a vomi du sang. Après 40 jours passés en soins intensifs, il ne peut plus bouger aucun membre et des dépenses considérables ont été engagées pour lui permettre de survivre.
«Il vit grâce aux médicaments», explique-t elle, visiblement bouleversée et elle remercie le ciel que son mari soit encore en vie. Elle déplore que la personne responsable de l’accident ne soit jamais venue prendre de ses nouvelles. Pratima Doorga se retrouve désormais seule à élever ses deux filles, dont l’une est encore en formation. Selon elle, cet accident aurait pu être évité si des ralentisseurs avaient été installés sur la route Royale. «Cela aurait pu éviter d’autres accidents», regrette-t elle. Tout près de sa maison, elle se rappelle également la mort d’une Bangladaise qui vivait dans un dortoir de la localité.
Le village est plongé dans une profonde tristesse, à en croire les témoignages de ses habitants. Une mère de famille, dont le cousin a récemment été percuté par une voiture alors qu’il rentrait chez lui à motocyclette, n’a plus de mots pour décrire la situation dramatique dans laquelle se trouve ce proche. «Il est alité depuis l’accident. Il est orphelin et séparé de son épouse. Qui prendra soin de lui maintenant ?», s’interroge cette dame visiblement accablée lors de la réunion. Pour elle, les autorités ne peuvent plus rester les bras croisés alors que le village sombre peu à peu dans la détresse. Les familles, dit-elle, souffrent atrocement depuis des années, entre décès tragiques et blessures graves laissant des personnes clouées au lit.