Métro : les finances pas encore sur les rails

4 months ago - 1 July 2024, lexpress.mu
Métro : les finances pas encore sur les rails
Il a jeté enn dernye regar lor lagar. Das Mootanah est désormais l’ex-CEO de Metro Express Ltd (MEL).

Il n’a pas démissionné mais n’a pas accepté de renouveler son contrat qui arrivait à terme, selon MEL. Il a ainsi pris la décision après «une longue réflexion» de se tourner vers «une nouvelle opportunité de directeur au niveau international, vers de nouveaux horizons qui lui permettront d’être davantage auprès de sa famille». Ainsi, après avoir passé six ans à ce poste, l’heure est au bilan…

Embouteillages

Le tram, disait-on, était une nécessité pour Maurice. Dans les années 90 déjà, la circulation devenait de plus en plus dense. Et lorsque le projet s’est concrétisé en 2017, on s’attendait à ce que le métro règle le problème de la congestion routière. Or, cela n’a pas vraiment été le cas car les rails du métro se trouvent au sol et ne sont pas surélevés. Il faut savoir que le métro a priorité partout où il passe et lorsqu’il croise les routes, la circulation est stoppée. Par exemple, à Floréal, il y a régulièrement un bouchon de presque un kilomètre occasionné plusieurs fois par jour par le passage du métro sur la route du Sucre. À Vacoas, le constat est le même au niveau de la croisée des rails avec la route St.- Paul. Et il y a autant de bouchons créés en aval pour les automobilistes utilisant des routes latérales. Les routes, ponts et échangeurs construits par le gouvernement à coups de milliards n’ont fait que transférer le problème plus loin. Il n’y a qu’à écouter les lamentations des automobilistes sur Facebook notamment pour s’en rendre compte.

Congestions, pollution et carburant gaspillé

Mis à part le problème d’embouteillages qui n’a pas été réglé, le métro n’a pas non plus diminué la consommation de carburants, car la plupart des usagers du tram voyageaient auparavant en autobus. Résultat : la consommation d’essence et de diesel accompagnée de la pollution n’a donc pas diminué, fait valoir Osman Mahomed, ingénieur civil et député du Parti travailliste. «Ce sont les compagnies d’autobus,notamment UBS, Rose-Hill Transport et àun moindre degré, la CNT qui ont subi les contrecoups de l’arrivée du métro. On n’a qu’à voir l’état de certaines de ces compagnies pour constater l’impact que cela a eu», déplore un propriétaire d’autobus. Il faut savoir qu’aucune étude n’a été entreprise par les autorités pour connaître l’impact du métro sur l’économie, l’environnement, la congestion routière et l’emploi.

Inondations et morts

Mais il y a aussi eu d’autres problèmes causés au métro ou par le métro. Les inondations, notamment à Quatre-Bornes et St.-Jean, sont imputées par les habitants eux-mêmes à la façon dont les travaux ont été faits. Cela avait d’ailleurs créé une polémique au Parlement lors de la Private Notice Question de XavierLuc Duval le 14 novembre 2023. Aussi, les services du métro sont interrompus durant les pluies torrentielles. «Et si les bons paramètres avaient été utilisés pour la conception du système de drains, beaucoup de ces inondations auraient pu être évitées», argue Osman Mahomed, «comme à Cité Richelieu».

Quatre morts ont par ailleurs été recensés depuis l’arrivée du métro. Bien que les accidents soient inévitables, que l’imprudence des personnes décédées a été mise en exergue, ils sont beaucoup à penser, comme Xavier-Luc Duval, que des barrières de protection auraient dû être installées particulièrement dans les agglomérations. Un piéton ou motocycliste qui se fait faucher par une rame de métro n’a aucune chance de survie. Tous ces incidents, répète Osman Mahomed, auraient été évités dans une grande mesure si le métro avait été surélevé.

Finances du métro

Concernant les opérations, même si le service est satisfaisant, cela a été au prix d’un gouffre financier. Le 25 juin, Alan Ganoo avançait que les frais de consultants se montant à Rs 1,4 milliard représentent 6 % du coût total de construction du projet métro, de Rs 23 milliards. On ne sait pas si les services de ces consultants ont continué après la construction. *«Si oui, dit Osman Mahomed, le service de ces consultants aura agi comme béquille à Das Mootanah, qui se vantait pourtant d’avoir non seulement réussi à opérer le métro mais aussi à livrer ‘le projet le plus gros et complexe de Maurice’.»*Tout en soulignant que Das Mootanah était en fait en charge de l’opération du métro, pas de la partie construction.

Au sujet de la rentabilité financière du métro, Alan Ganoo n’a avancé aucun chiffre sauf le nombre de 45 000 usagers au quotidien. Tout en soulignant qu’il ne faut pas juger le projet uniquement sur sa santé financière. Ce qui laisse présager que les chiffres ne sont pas bons pour MEL.

Combien de passagers ne paient pas, demandait Deven Nagalingum en juillet 2022 à Bobby Hurreeram, qui n’avait pas ce chiffre. Deux ans après, Ganoo ne peut ou ne veut donner ce chiffre, non plus. Pour les autobus, le taux d’utilisation par les passagers qui ne paient pas est de 35 %. Pour le métro, estime-t-on, le taux devrait se situer à 30 %. Osman Mahomed a fait un bref calcul: sur les 45 000 usagers, seuls environ 30 000 paient, les 15 000 étant des seniors ou des étudiants. «Si l’on prend le prix moyen du ticket à Rs 35, cela nous donne environ Rs 1 million par jour.» Ce qui donne donc des revenus moyens de Rs 30 millions par mois. Ce montant suffit-il à payer les dépenses courantes ?

Pertes de Rs 500 millions !

Il serait intéressant de savoir à combien s’élèvent les dépenses et revenus quotidiens, mensuels et annuels de MEL. Or, le seul bilan disponible est au 30 juin 2020, certes en plein Covid et aussi lorsque le trajet du métro n’était qu’entre Rose-Hill et Port-Louis. Cependant, en l’absence de bilan après 2020, celui de 2020 nous permet de nous faire une idée de la rentabilité financière ou non de MEL. Car même s’il y avait moins de passagers en 2020, il y aurait eu moins de dépenses au cas où le métro roulait moins.

Au 30 juin 2020 donc, MEL a perçu des revenus de Rs 31 millions provenant présumément des passagers, plus d’autres revenus de Rs 94 364 876 dont on ignore l’origine et qui pourraient inclure des publicités. MEL refuse de nous donner des explications. Pour les dépenses, rien que le cost of sales s’élevait à Rs 183 946 237. Les frais administratifs : Rs 104 627 071, autres dépenses non détaillées: Rs 103 733 343 et finance cost de Rs 232 550 897. Dépenses totales : Rs 624 857 548 et revenus totaux Rs 126 080 434. Pertes: Rs 498 777 114.

Le député Mahomed regrette que sa question pour ce mardi au Parlement sur la nonsoumission des comptes pour les années se terminant à juin 2021, 2022 and 2023 auprès du Registrar of Companies, ait été rejetée. «Que nous cache-t-on? L’évidence ?» Du côté de MEL, la préposée à la communication nous informe – sans la forme – que «notre bilan financier sera bientôt publié» et que «vous allez être étonné !!» (sic). Attendons voir…