« Mo pran mo bato monn rant dan delo. Nounn komans rode. Il était vers 4h du matin », relate-t-il, lorsqu'il avait vu un premier corps à la surface de l'eau. Il ajoute : « Je me suis approché pour voir s'il était encore en vie. Malheureusement, il était déjà mort. J'ai signalé aux membres de la National Coast Guard. Ils sont venus pour retirer le corps. »
Une demi-heure plus tard, accompagné de son ami Ravin Beerbul, le conseiller du village, et deux autres pêcheurs, qui l'avaient accompagné, Keshan Mudhoo est allé voir quelques mètres plus loin. « Monn trouv enn dimounn pe debat. Li ti ankor an vi. An atandan, bann NCG ti pe aprose, zot inn esey koste avek li me li pann kapav koze. Li ti bien feb. Li ti pe grelote dan delo. Mo finn tir mo jaket mo finn donn li. Apre sa, bann kos gard finn transport li lopital », explique-t-il.
Après cette opération, Keshan et ses amis ont tenté de retirer les deux canoës sur lesquels se trouvaient les marins pour les ramener à terre. Désiré Lavictoire, habitant du village de Poudre d'Or, était sur place ce matin pour assister à l'opération de recherche. « J'ai appris la nouvelle sur Facebook. J'ai couru pour aller sur la plage. Lorsque je suis arrivé sur place, j'ai vu des amis pêcheurs en train de se mobiliser pour faire des recherches. Il y avait une grande chaîne de solidarité. Chacun apportait son aide », souligne-t-il.
Le remorqueur Sir Gaëtan a été construit en 1993. Il mesure 26,50 mètres de long sur 10 mètres de large, et pèse 275 tonnes, alors que sa capacité de remorquage, elle, est de 30 tonnes. Le Sir Gaëtan portait l’IMO number 9065340 et était “Lloyd’s registered” (+100 Al tug + LMC). Cela dit, le Sir Gaëtan avait le droit de remorquer non seulement à Maurice, mais aussi dans les pays avoisinants en cas d’urgence. Il avait une capacité de propulsion de 2×1400 hp/2×1000 kw.
Toutefois, selon des sources à la Mauritius Port Authority (MPA), le Sir Gaëtan était opérationnel à seulement 50% depuis quelque temps. Pourtant, malgré son état, il a été envoyé en mission dans le cadre du naufrage du Wakashio à Pointe-d’Esny. Nos sources révèlent que ce remorqueur aurait dû être réparé depuis longtemps mais les démarches ont toujours été renvoyées. Ce qui a encore aggravé son état.
Actuellement au port, seul le Sir Édouard, construit en 2016, est opérationnel à 100%. Mais nos sources indiquent qu’il doit aussi être envoyé pour le “servicing”. Le Mahé de Labourdonnais, construit en 2000, est dans le même état que le Sir Gaëtan, c’est-à-dire opérationnel à seulement 50%. Quant au remorqueur Da Patten, construit en 2009, il est en panne depuis 2019 et aucune démarche n’a été envisagée pour le remplacer.
C’est une habitante de Roches-Noires qui a donné l’alerte au 999 à 19h04 hier. Instinctivement, celle-ci avait compris que le bateau, alors très proche de la dangereuse passe de Roches-Noires, était en grosse difficulté, ou en tout cas courait un grand danger. Elle a alors cherché le numéro de téléphone des garde-côtes de Pointe-des-Lascars, mais il lui a été recommandé d’appeler ceux de Poudre-D’Or. Elle a ainsi pu donner l’alerte, qui allait déclencher le début des opérations de sauvetage et de recherche.
Elle raconte : « J’ai expliqué aux gardes-côtes la situation dangereuse et étrange dans laquelle se trouvait un gros bateau, qui semblait faire du surplace près de la passe et des récifs de Roches-Noires, lieu très dangereux par mauvais temps. Bien que je ne savais pas à ce moment-là qu’il s’agissait d’un remorqueur, j’ai considéré que la position du bateau n’était pas normale. Aussi j’ai demandé aux gardes-côtes de faire vite, pour qu’on ne se retrouve pas dans la même situation qu’à Pointe-D’Esny. Les Coast Guard m’ont alors dit qu’ils feraient le nécessaire. »
Notre intervenante explique la suite des événements : « Selon un groupe Whatsapp, partagé par les personnes de la région de Roches-Noires, il a été confirmé par un ami qu’une équipe était effectivement arrivée rapidement à Pointe-des-Roches, à Roches-Noires. Ils ont alors expliqué à notre ami que le bateau était sous contrôle et qu’il était passé de 8 à 3 nœuds, car il avait besoin de réajuster la corde qui le liait à la barge qu’il ramenait de Pointe-D’Esny. Ils ont aussi confié qu’ils ne pouvaient pas directement communiquer avec le bateau de là où ils étaient, mais qu’ils devaient passer par le centre de commandement de la rade, à Port-Louis. » Elle poursuit : « Moi, je voyais que le bateau qui faisait du surplace, toutes lumières allumées. Il y avait aussi comme une deuxième embarcation. Quelques minutes plus tard, l’hélicoptère de la police survolait déjà les lieux et semblait rechercher les membres d’équipage. J’ai cru comprendre que les recherches, pendant la nuit, ont eu lieu du côté de Poudre-D’Or, mais depuis ce matin, les recherches se sont déplacées du côté de Roches-Noires. ».
Le groupe Taylor Smith, propriétaire de la barge « L’Ami Constant », impliqué dans la collision avec remorqueur Sir Gaëtan, a indiqué qu’elle ne contenait « aucun fioul à son bord » au moment du drame.
Selon une communiqué de presse du groupe Taylor Smith, la barge a été missionnée pour être en standby, suite au naufrage du Wakashio. Non-motorisée et ne comptant aucun membre d’équipage à bord, elle était en train d’être remorquée par le Sir Gaëtan, de Pointe d’Esny à Port-Louis, au moment du drame.
« Nous avons appris avec beaucoup de tristesse la disparition de certains membres d’équipage du remorqueur de la MPA, le « Sir Gaëtan Duval ». Les circonstances de l’incident étant encore floues, Taylor Smith s’engage à apporter tout son soutien à la MPA ainsi qu’aux autorités pour faire la lumière sur ce drame. Nous sommes de tout cœur avec les familles des victimes et des disparus, mais aussi avec la MPA, et leur présentons nos sincères condoléances », confie Colin Taylor, CEO de Taylor Smith Group.
A savoir que « L’Ami Constant » était en stand-by dans le lagon de Mahébourg depuis le mardi 11 août, par mesure de précaution, au cas où il y aurait eu à nouveau une fuite de fioul.
Le CEO tient aussi à rassurer sur le fait qu’il s’agit d’une barge en acier mesurant 23,6mx9m, qui n’a pas de moteur ni de carburant à bord et qu’il n’y a, ainsi, aucun risque de déversement d’huile dans l’océan.
Ce matin, Taylor Smith a retrouvé la barge intacte et elle est maintenant sécurisée dans le lagon de Poudre d’Or. Elle sera ramenée à Port-Louis dans les prochains jours.