Permis à points : un devoir moral et un tournant législatif

20 hours ago - 16 December 2025, Le Mauricien
Permis à points : un devoir moral et un tournant législatif
Le Parlement a adopté le Road Traffic (Amendment) Bill 2025, porté par le ministre des Transports Osman Mohamed, visiblement fier, confiant et heureux d’avoir mené à bien ce projet de loi majeur.

 Le texte consacre le retour du permis à points dans un cadre entièrement repensé. Pour le gouvernement, cette réforme marque un tournant décisif dans la lutte contre l’hécatombe routière et répond à une urgence nationale face à un nombre de décès jugé « inacceptable ».

S’il reste encore plusieurs étapes majeures avant sa mise en œuvre effective, espérée d’être amorcé en février 2026, cette loi s’impose d’ores et déjà comme la pierre angulaire d’un changement de mentalité sur les routes, fondé sur la responsabilisation, la dissuasion et la prévention. Sans compter par l’application stricte et intelligente sur le terrain de tous les acteurs de répression et en particulier ceux affectés à cette responsabilité, la police.

Intervenant lors des débats, le Premier ministre Navin Ramgoolam a présenté la réforme comme un devoir moral autant que législatif. Selon lui, l’abrogation du permis à points par le précédent gouvernement fut « une erreur grave », aux conséquences humaines durables. Il a replacé cette réforme dans un contexte de transformation profonde du pays, marqué par l’urbanisation rapide, l’intensification de la mobilité et l’explosion du parc automobile, qui dépasse aujourd’hui les 743 000 véhicules. Protéger la vie, a-t-il insisté, demeure la première responsabilité de l’État.

Le chef du gouvernement a également évoqué la dimension internationale du dossier. À la suite d’échanges avec le secrétaire général des Nations unies, l’envoyé spécial pour la sécurité routière, Jean Todt, s’est rendu à Maurice et a encouragé le pays à viser l’objectif ambitieux d’une « île zéro décès ». Parmi ses recommandations figurent la réintroduction du permis à points, le permis progressif pour les nouveaux conducteurs, le renforcement des contrôles nocturnes, l’encadrement des vélos et trottinettes électriques, ainsi que la création d’un fonds dédié à la sécurité routière.

Pas une solution miracle seule mais au sein d’une stratégie plus large

Navin Ramgoolam a toutefois souligné que le permis à points ne constitue pas une solution miracle. Il s’inscrit dans une stratégie plus large englobant la réforme institutionnelle, l’amélioration des infrastructures, la gestion de la vitesse, la protection des usagers vulnérables et, surtout, un changement durable des comportements. Il a rappelé l’existence de « tragédies silencieuses » — handicaps, traumatismes et souffrances familiales — qui échappent souvent aux statistiques, mais doivent guider l’action publique.
Le Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, a pour sa part mis en avant l’innovation majeure du texte : le Redemption System. Ce mécanisme permet à un conducteur ayant accumulé jusqu’à 10 points sur les 15 autorisés de suivre un cours de réhabilitation et de demander, devant un tribunal, une réduction maximale de trois points. Présenté comme un système de rattrapage, il vise à offrir une seconde chance aux conducteurs responsables tout en renforçant la discipline routière. Paul Bérenger a reconnu que des ajustements législatifs complémentaires seront nécessaires, mais estime que le cadre posé constitue un progrès majeur.

En finir avec la rage au volant

Du côté des backbenchers, Babita Thannoo a insisté sur la nécessité d’en finir avec la « rage au volant », qu’elle associe à un sentiment d’impunité et à des facteurs sociaux plus profonds. Selon elle, le permis à points contribuera à un changement de culture, à condition qu’il s’accompagne d’infrastructures adaptées et d’une politique de réhabilitation efficace. Elle a rappelé que ce système a démontré, ailleurs, une réduction significative des accidents.

Sur le plan technique, la loi introduit 33 infractions assorties de fourchettes de points, avec un plafond de 10 points sur 36 mois pour les permis provisoires et de 15 points pour les permis complets et internationaux. Le dépassement du seuil entraîne une disqualification automatique, allant jusqu’à 24 mois. La réforme modernise enfin toute la chaîne administrative et technologique, renforçant la traçabilité et le rôle central des tribunaux.

Avec ce vote, le gouvernement affirme sa volonté d’instaurer un système à la fois dissuasif, pédagogique et juridiquement robuste, faisant du permis à points un levier structurant d’une nouvelle politique de sécurité routière.