Loin d’avoir connu le même succès, elle n’en demeure pas moins un fascinant monument de design.
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Porsche 928 est-elle collectionnable ?
Par sa ligne exceptionnelle et avant-gardiste, la 928 montre qu’on a su avoir une inspiration géniale au bureau de design de Porsche. Ensuite, ce chef-d’œuvre de technologie procure des prestations de très haut de gamme, à un tarif somme toute raisonnable, surtout quand on voit le prix des 911 « classic ». Enfin, c’est la seule et unique grand tourisme de Porsche à moteur avant, emblématique d’une époque où Zuffenhausen s’est fourvoyé avec un panache qui force le respect.
La 911, c’est du passé. C’est ce qu’on se dit chez Porsche au début des années 70. Ernst Fuhrmann, le patron de la firme de Zuffenhausen, ne croit plus au moteur arrière et demande donc à ses équipes de plancher sur une remplaçante radicalement différente. Comme on a les USA en ligne de mire, on se décide pour une grande GT à moteur avant, un V8 naturellement. Celui-ci, entièrement nouveau, se taille en alliage, alors que pour une répartition des masses idéales, on reporte la boîte de vitesses sur l’essieu arrière.
Très sophistiqué, ce dernier approche d’une épure multibras et surtout, inaugure un principe qui fera école : en appui, il induit des micro-braquages aux roues, ce qui profite au dynamisme du châssis. C’est le fameux essieu Weissach, du nom du centre technique de la marque allemande. Mais ce qui marque les esprits quand la 928 sort en 1977, c’est sa carrosserie spectaculaire.
Due à l’équipe de Tony Lapine, chef du design de Porsche, elle surprend par son aspect très fluide et lisse, d’autant qu’elle intègre totalement ses boucliers en polycarbonate, chose alors inédite. Mais n’allez pas croire qu’elle soit mièvre : l’avant évoque une gueule de squale ! Lapine s’est, de son propre aveu, inspiré du concept Bertone Testudo, mais le résultat final inspire le respect.
Très aboutie techniquement, la 928 est élue voiture de l’année 1978, ce qui n’était jamais arrivé pour une auto de cette catégorie. Seulement, tout n’est pas rose. Déjà, à 174 400 F (95 700 € actuels selon l’Insee), elle est horriblement chère. Ensuite, malgré une cylindrée de 4,5 l, le moteur, à injection mécanique, s’en tient à 240 ch, ce qui, conjugué à un poids de 1 450 kg, se traduit par une vivacité inférieure à celle de la 911.
La marque annonce une vitesse maxi de 230 km/h, mais l’Auto-Journal ne parvient pas à dépasser 217 km/h lors de son essai… Enfin, son équipement certes particulièrement complet (régulateur de vitesse, vitres électriques, clim jusque dans la boîte à gants) ne parvient pas à compenser ce tarif, de sorte que les ventes débutent mollement.
Porsche mettra deux ans à corriger le tir : en 1979, la 928 S porte la cylindrée du V8 à 4,7 l, et sa puissance à 300 ch, chiffre qui gonfle à 310 ch en 1983 grâce à l’adoption d’une injection électronique (928 S2). En 1985, le moteur grimpe à 5,0 l et passe à 24 soupapes sur les exemplaires destinés aux marchés américain (928 S3), canadien et japonais. Dépollution oblige, la cavalerie se limite à 288 ch, mais ce bloc annonce celui de la 928 restylée, qui est lancée en 1986.
Dénommée S4, elle profite de 320 ch et pointe désormais à 270 km/h ! En 1987, une version Club Sport, allégée de 100 kg et affûtée, s’invite dans la gamme puis se voit remplacée par la GT en 1988, alourdie mais nantie de 330 ch.
En 1990, la S4 n’est plus disponible qu’en boîte automatique, tandis qu’en 1992, elle se voit, avec la GT, remplacée par la GTS, au V8 5,4 l de 350 ch et au différentiel à pilotage électronique. C’est le bouquet final de la 928, qui disparaît en 1996. Au total, elle a été produite à 60 977 exemplaires dont 17 521 4,5 l, 11 320 S, 5 684 S2, 5 697 S3, 15 700 S4, 19 CS, 2 090 GT et 2 904 GTS sans oublier les 42 SE réservées au marché britannique. Pas si mal vu les débuts difficiles, mais bien loin des chiffres de la 911.
Combien ça coûte ?
On trouve des 928 convenables et à jour d’entretien (très important) dès 18 000 €, en 240 ch. À ce prix, on a droit à la boîte automatique, et à un fort kilométrage (environ 200 000 km), ce qui n’est pas forcément un problème. On peut dénicher une manuelle dès 20 000 €, et une S dès 24 000 €.
Une S4 réclamera un minimum de 25 000 € en automatique et 27 000 € avec la boîte mécanique. En ajoutant 2 000 €, on accède à une GT, alors que les GTS automatiques ne se trouvent pas sous les 45 000 €, les manuelles demandant 20 000 € supplémentaires au bas mot. Évidemment, ces chiffres sont sujets à des variations importantes suivant l’état de la voiture, car tout revient cher sur une 928…
Quelle version choisir ?
Si on aime le look originel de la 928, optez pour une S manuelle, vu ses performances. Autrement, une S4, toujours manuelle, semble un choix judicieux entre chronos impressionnants et technique améliorée.
Les versions collector
Toutes les 928 sont collector, à condition d’être en parfait état, ce qui est bien rare. Ensuite, les Clubsport (introuvables) et GTS manuelles sont les plus recherchées des passionnés.
Que surveiller ?
La 928, c’est monstre non seulement par sa ligne mais aussi sa technique. En clair, c’est une auto horriblement complexe dont l’entretien coûte un bras. Si tout est réalisé en temps et en heure, elle dure très, très longtemps, nombre d’exemplaires ayant dépassé les 500 000 km avec la mécanique d’origine. Mais tous les 80 000 km (ou 5 ans maxi), il faut changer la courroie de distribution, ce qui revient à près de 2 000 €.
Par ailleurs, la 928 a horreur des longues périodes d’inaction, qui se soldent par des soucis électriques, car les connecteurs se corrodent et provoquent des dysfonctionnements souvent difficiles à résoudre. Lors de l’essai, on vérifiera donc l’affichage des témoins lumineux, de l’ordinateur de bord très complet et surtout, on traquera les ratés à l’allumage. À ce sujet, le boîtier électronique peut flancher, en raison d’un dessèchement du fluide dans lequel baignent les composants. Il se mettra alors en mode défaut, privant le moteur de sa puissance. Bonne surprise, il peut être reconditionné (hors réseau), ce qui revient à 500 €.
On en profitera pour tester aussi les vitres et les sièges électriques, ou encore la climatisation régulée. Heureusement, la carrosserie, galvanisée et dotée d’ouvrants en aluminium, résiste bien à la corrosion. En clair, plus que le kilométrage, examinez l’état de la voiture, sous peine de vous retrouver avec une bête à chagrin entre les mains…
Au volant
Cette 928 de 1978, quelle gueule ! Dans l’habitacle, on est surpris par la modernité du design : impossible de deviner que cette auto a plus de 40 ans. Le volant réglable en hauteur, solidaire des instruments, allié à l’excellent siège, procure une position de conduite impeccable. Là, je regarde de plus près la finition : le tableau est relativement flatteur, mais on a l’impression que le reste de l’habitacle se couvre de linoléum. C’est mieux fait dans une 911 contemporaine…
Au démarrage, la sonorité sourde du V8 percole agréablement dans l’habitacle, et vu le temps maussade, je tourne la molette commandant l’allumage des phares. Plop, deux boules jaillissent du capot : ce sont les projecteurs.
Je place sur D le levier de la boîte auto, fournie par Mercedes, et je m’élance. En digne grand tourisme, la 928 procure un confort stupéfiant. Elle lisse la route, et demeure très silencieuse. Mieux, cette suspension prévenante contient remarquablement les mouvements de caisse, alors que le volant se révèle précis. Dans ce contexte apaisant, la boîte auto semble bien adaptée.
Quid du moteur ? Pied au plancher, la 928 ne colle pas vraiment au siège. Le V8 prend progressivement ses tours, sans tellement de caractère, et la Porsche accélère de façon plus consistante que violente, les trois rapports passant en douceur. Mais quand on regarde le compteur, on s’aperçoit qu’on va bien plus vite qu’on ne l’imaginait. Ce faisant, la Porsche conserve un comportement routier extrêmement sûr, quoique pataud.
En réalité, cette voiture c’est l’antithèse totale de la 911 : un beau coupé, efficace et rassurant, fait pour voyager loin dans un grand confort, mais pas du tout pour le sport, du moins en 240 ch. Dommage que le moteur soit si peu démonstratif… et gourmant : on tombera difficilement sous les 13 l/100 km en conduite tranquille.
L’alternative newtimer*
Porsche Panamera (2009-2016)
La 928 n’a pas eu de descendance. Porsche en a bien étudié une séduisante version à quatre portes, sans toutefois l’industrialiser, puis, dans la foulée, à la fin des années 80, a développé une authentique 5 portes, le projet 989. Look de grosse 911, V8 à l’avant, propulsion : les grandes lignes de la Panamera sont là ! Celle-ci, codée 970, ne sort pourtant qu’en 2009, au salon de Shanghai, et malgré son look empâté, elle rencontre le succès.
Depuis la 928, c’est la première grand tourisme Porsche à 4 places à peu près utilisables. Deux versions étaient proposées au début : une V8 S 4,8 l de 400 ch et une Turbo de 500 ch, la première existant en propulsion ou en intégrale, la seconde uniquement en intégrale. En 2010, le V6 3,0 l Volkswagen arrive, puis en 2011, c’est un feu d’artifice de nouvelles versions : 3,0 l diesel (sacrilège !), V8 biturbo poussé à 550 ch sur la Turbo S, GTS de 430 ch, et E-hybrid de 380 ch.
En 2013, la Panamera subit une refonte affinant sa ligne et boostant ses moteurs : jusqu’à 570 ch pour la Turbo SE. Elle disparaît en 2016, produite à 161 700 unités, 70 800 étant écoulées en Europe. Joli succès pour cette berline confortable, rapide et efficace, mais pas conçue pour donner le frisson du pilotage. À partir de 22 000 €.
Porsche 928 (1978), la fiche technique
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques. Les BMW Z3 à 6 cylindres, Porsche Boxster 986 et autre Renault Clio V6 représentent bien cette nouvelle tendance.
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