Le grand public est parfois surpris de voir des vélos haut de gamme vendus plus chers qu’une moto ou qu’une Dacia Sandero. Les causes sont évidemment multiples, même si les fabricants gardent le secret sur les marges réalisées.
Comment un cadre nu (donc sans roues, sans transmission, sans guidon, selle, pédales…) de vélo électrique chez Specialized peut-il coûter aussi cher qu’une moto Yamaha MT-07 neuve et entière ? Comment un vélo de route sans assistance électrique peut-il coûter plus cher qu’une Dacia Sandero neuve ? Le monde du cycle est-il devenu fou ? En fait, il l’a toujours plus ou moins été, c’est juste que l’offre des vélos haut de gamme, voire très haut de gamme, s’est accrue au fil des ans. Mais qu’est ce qui peut expliquer qu’un vélo soit vendu 14 500 € en prix public ? Une multitude de choses, qui vont de la production aux marges en passant… par le prix du container, ou encore l'arrivée de l'assistance électrique (prix moyen de vente des vélos électriques en 2021 en France : un peu plus de 2000 €). La liste qui suit n’est pas exhaustive, mais elle donne déjà un avant-goût des raisons pouvant justifier des prix parfois délirants.
Le transport
La très large majorité des cadres, transmissions, roues ou encore pneus sont produits en Asie. Il faut ensuite les acheminer à travers le monde par bateau. Problème : le prix du container a explosé, passant en un an de 3800 à 16 000 dollars pour un trajet Asie de l’Est-Los Angeles. Le prix est peu ou prou le même pour l’Europe, et cela est inévitablement répercuté sur le tarif client. Un facteur d'aggravation du prix qui touche tout le monde : du modèle Décathlon très grand public à l'élitiste VTT ou route carbone ultra léger. Mais proportionnellement, cela s'en ressent davantage sur les vélos les moins chers...
La production
La production chinoise est souvent associée à des taux horaires ridicules et à de la main d’œuvre facile et bon marché. Mais ce n’est plus le cas depuis belle lurette dans le monde du vélo. Les usines chinoises et taïwanaises ont acquis une grosse expérience en la matière et sont capables aujourd’hui de répondre à des cahiers des charges très stricts. Mais cette expertise se paye de plus en plus cher. Cela est d’autant plus vrai pour les matériaux composites comme le carbone : si le découpage des rouleaux de fibre peut se faire par CNC, il est aujourd’hui très compliqué de se passer de la main de l’homme pour produire les cadres. Ajoutez à ça le coût des moules pour "cuire" les cadres et autres pièces en carbone (pédaliers, roues, cintres…) : le prix en sortie d’usine n’est pas négligeable, mais il est tout de même loin d’atteindre le montant que l'on retrouve en magasin. Pour comprendre les tarifs publics, passons aux chapitres suivants…
Les marges
C’est la partie la plus complexe et la plus secrète du coût d’un vélo. Les fabricants ont toujours gardé à discrétion le coût d’un cadre en sortie d’usine, et la marge qu’ils peuvent faire dessus une fois qu’il est vendu à un client. La seule information publique que vous trouverez sera la marge opérationnelle de la marque : Giant, le leader mondial en termes de volumes, est à 9,7 %, soit la valeur d’un bon groupe automobile moyenne/haut de gamme (Stellantis, BMW...). Malheureusement, dans ce chiffre se retrouve noyée la totalité des vélos vendus : le gros de l’activité avec les modèles peu chers, et les modèles très exclusifs. Difficile, donc, de connaître la marge sur un vélo à 12 000 €, mais une chose est sûre : elle est conséquente. Et ce n’est pas une surprise : si Ferrari parvient à dépasser les 20 % de marges et que Dacia ou Renault sont à 3 %, c’est qu’il est plus facile de "survendre" des produits haut de gamme que des autos ou des vélos d’accès. Cela s’applique également aux pièces : si les marques de vélos produisent uniquement des cadres (ou, parfois, des périphériques), les marges sont tout aussi importantes sur les dérailleurs, cassettes ou pédaliers haut de gamme des Shimano, SRAM et Campagnolo. A titre d’exemple, un seul dérailleur arrière Dura Ace coûte entre 600 et 800 €, selon le revendeur. Vous imaginez bien que Shimano prend une belle marge là-dessus, malgré l'emploi de métaux nobles comme le titane...
Le marketing, la publicité et… les coureurs
Les distributeurs
Vous avez peut-être déjà remarqué les écarts de prix entre les marques qui ne vendent qu’en ligne (Canyon, Rose, Commencal…) et celles qui ont de gros réseaux de distribution. En toute logique, ces derniers se prennent leurs marges et engendrent un surcoût sur le prix des vélos. Il sera moins perceptible sur un produit grand public à moins de 1000, voire 500 €, mais la marge peut être exceptionnelle sur des vélos électriques ou haut de gamme. Ce n’est pas pour rien si les magasins préfèrent vendre un seul vélo électrique à 5000 € que plusieurs vélos urbains à 250 €.
C’est pourquoi qu’il ne faut pas hésiter à négocier très durement lors de l’achat d’un coup de cœur à plusieurs milliers d’euros : une remise commerciale à deux chiffres (15, 20 %...) et des accessoires gratuits sont souvent à la clé. N’oubliez pas non plus que les stocks coûtent cher : un vélociste acceptera plus facilement de se débarrasser d’un vélo d’une précédente collection, contre un gros rabais.
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