Sorties de route en série: Quand l’imprudence coûte des vies

2 months, 2 weeks ago - 18 September 2025, lexpress.mu
Accident à Nouvelle-France, 17.09.2025
Accident à Nouvelle-France, 17.09.2025
Un autobus qui dérape à Ripailles, une voiture qui termine sa course dans la mer à Petit-Sable, une autre encore renversée, les quatre roues en l’air, à Phoenix… Chaque jour, de nouveaux accidents rappellent aux usagers de la route à quel point la circulation peut virer au drame.

Imprudence, excès de vitesse, conduite dangereuse, sous emprise de drogue ou non-respect du Code de la route, autant de comportements qui, chez les conducteurs jeunes comme moins jeunes, mènent à des dérapages aux conséquences parfois irréversibles.

Ce lundi matin, c’est la population entière qui s’est réveillée avec la douloureuse nouvelle d’un accident à Bel-Air/Rivière-Sèche. Deux trentenaires y ont laissé la vie. Les deux autres occupants du véhicule sont hospitalisés. Ces drames s’accumulent, et une question revient avec insistance : pourquoi autant de sorties de route et comment les prévenir ?

Pour le chef inspecteur Shiva Coothen, interrogé à ce sujet avant sa mutation du service de presse, il est illusoire de chercher une cause unique. «Il y a l’état de la route. Quand il pleut, la chaussée devient glissante. Dans les virages, certains conducteurs n’arrivent pas à garder le contrôle. À cela s’ajoutent parfois des rafales. Une mauvaise manœuvre, et l’accident survient», explique-til. Les fameux nids-de-poule sont aussi pointés du doigt. «Quand un conducteur en aperçoit un, il tente souvent de l’éviter en bifurquant brusquement. Mais ce réflexe peut mener à une perte de contrôle.»

La mécanique des véhicules entre également en jeu. «Avec une voiture manuelle, vous pouvez rétrograder et le moteur aide à freiner. En automatique, le freinage est différent : l’Anti breaking system (ABS) fait que le véhicule continue à avancer avant de s’arrêter complètement. Cela peut surprendre dans certaines conditions.»

Mais au-delà de la route et des voitures, il y a surtout… l’humain. Et là, la liste est longue. «Les personnes âgées peuvent avoir des réflexes amoindris ou une vision réduite. Certains conducteurs ont des problèmes de santé. À l’opposé, d’autres prennent le volant après avoir consommé drogue ou alcool. Sans oublier l’excès de vitesse, qui reste l’un des plus grands facteurs», martèle le CI Coothen.

Les conséquences sont spectaculaires et tragiques. Et elles ne concernent pas uniquement les voitures. «Des autobus et des poids lourds sont aussi impliqués. Un camion-citerne censé rouler à 40 ou 50 km/h se retrouve parfois à rouler à 100 km/h. Avec une cargaison de liquide, le risque de renversement est énorme», illustre-t-il.

La police n’est pas restée inactive. Des campagnes de sensibilisation sont régulièrement organisées. «Les policiers de la Road Safety Unit interviennent dans les entreprises pour parler aux chauffeurs. Nous travaillons aussi avec des formateurs comme Barlen Munusami, qui dispense des cours spécifiques», indique le chef inspecteur.

Le problème, selon lui, c’est la pratique post-examen. «Lors des tests de conduite, les aspirants respectent toutes les règles. Mais une fois le permis en poche, ils sont nombreux à oublier tout ce qu’ils ont appris.» Autre difficulté : l’éclairage routier. «Certains chauffeurs roulent phares à fond, aveuglant les automobilistes venant en sens inverse. Il faut apprendre à doser, surtout sur les routes mal éclairées», insiste-t-il.

Alors faut-il durcir les sanctions ? «Les lois existent déjà, avec des amendes de Rs 10 000, voire plus, en cas de récidive», rappelle le CI Coothen. Mais il estime que l’efficacité dépend aussi de la rapidité judiciaire. «Le permis d’une personne responsable d’un grave accident n’est pas suspendu immédiatement. Les procédures prennent du temps. Pour les cas graves, il faudrait que la justice statue dès le lendemain. De même pour ceux qui roulent sous l’influence de la drogue : il faut réduire les lourdeurs administratives.»

C’est dans ce contexte que revient sur le tapis le débat du permis à points. Le ministère du Transport a confirmé que le projet pourrait entrer en vigueur en janvier 2026. «Le sujet pourrait être débattu au Parlement avant la fin de l’année. Le dossier est actuellement au Parquet, avec des propositions du ministère et de la police», fait-on savoir. Dans les grandes lignes, un conducteur accumulant 15 points d’infraction verra son permis suspendu, voire annulé. Une mesure qui devrait inciter les automobilistes à réfléchir à deux fois avant de commettre des infractions.

Reste à savoir si cette réforme suffira à freiner les dérives. Car la réalité est là : tant que l’imprudence et la prise de risque domineront au volant, les routes mauriciennes continueront de se transformer en pièges mortels.