Les Rodriguais n’ont pas le coeur à la fête. Alors que la sécheresse sévit depuis plusieurs jours, c’est au tour des carburants de leur jouer des tours. Cela, en raison d’un retard dans l’approvisionnement. Du côté des autorités, chacun se renvoie la balle.
En fait, depuis mardi dernier, l’essence était rationnée à Rs 300 par personne et à vendredi, seuls ceux assurant les services essentiels avaient le droit de faire le plein. Si la situation est retournée à la normale dimanche, les habitants de l’île ont dû passer Noël dans des files d’attente, qui s’étiraient devant la station Rod Oil de Port-Mathurin et ce pendant des heures.
Les automobilistes pouvaient s’approvisionner uniquement à Port-Mathurin et Grande La Fourche Corail. Résultat : les activités économiques n’ont pas été épargnées et un sentiment de révolte et de colère anime les Rodriguais. D’autant plus que ce n’est pas la première fois que cela arrive ; ils avaient connu la même situation en janvier 2022…
«Pa mwa sa, li sa»
Sollicité en tout cas pour une explication à ce propos, le directeur général de la State Trading Corporation (STC), Rajiv Servansingh, a fait comprendre que ce n’est pas un problème qui concerne cette instance car la cargaison d’essence est disponible et qu’elle satisfait la demande des distributeurs concernés. «La STC n’est pas responsable du shipping», fait-il ainsi valoir.
Au niveau de la Mauritius Shipping Corporation qui assure les liaisons maritimes entre les îles, un responsable assure que ce n’est pas un problème de retard au niveau du bateau qui a provoqué cette situation. «Vers le 16 décembre, un bateau avait déjà fait le voyage pour répondre à la demande d’AEL DDS Ltd. Nous avons répondu à la commande. C’est le fournisseur qui doit placer la commande selon ses besoins. Pour le mois de décembre, il y a déjà eu deux cargaisons expédiées et un autre voyage est prévu le 31 via le MV Trochetia. AEL DDS Ltd a fait une demande de 26 conteneurs d’essence, de diesel et de gaz et nous allons faire provision pour cette demande», dit-il.
Alain Flore, manager d’AEL DDS Ltd, maintient, pour sa part, que le problème de pénurie a été causé par le retard du bateau. «Le MV MSM Douro, qui devait arriver le 8, est tombé en panne et est arrivé le 16 décembre. L’autre cargaison qui était prévue pour le 16 décembre est arrivée le 25 décembre. Tout cela a provoqué un grand chamboulement dans le stock. Nous avons du carburant pour assurer la demande jusqu’au 2 janvier.» Cependant, «si le panic buying se poursuit, comme cela a été le cas depuis dimanche, nous ne tiendrons pas jusqu’à cette date», lâche-t-il non sans inquiétude.
On apprend de fait que le Black Rhino, qui assure d’habitude l’approvisionnement, est resté à Maurice pour des travaux de réparation et le MV MSM Douro n’aurait pas acheminé un stock suffisant lors du dernier voyage. Durant plusieurs jours, le moral des Rodriguais a ainsi accusé un sérieux coup de pompe.
«Nwel lor filling»
Le navire, plus attendu que le père Noël, est finalement arrivé samedi et ce n’est que dimanche après-midi, vers 16 heures, que les automobilistes ont pu faire le plein. Certains ont donc passé leur dimanche de Noël dans des files au niveau des stations-service… «Dépi 6-zer, nou’nn vinn met laké, ti pé dir samdi pou gagné, pann gagné, oblizé met laké la parski bizin al travay démin (NdlR, lundi). Nou pé pas Nwel lor filling», confie André Jolicoeur, un habitant de Baladirou. Effet domino oblige, des commerçants de même que des particuliers ont aussi dû passer des heures lundi matin devant les commerces des détaillants pour s’approvisionner en riz, farine et autres commodités.
Monopole inacceptable
Pour les Rodriguais, ce monopole d’AEL DDS Ltd en ce qui concerne l’approvisionnement en carburants est inacceptable. Rappelons que cette compagnie est la seule à transporter des produits pétroliers à Rodrigues depuis des années. «En janvier, nous avions eu le même problème et depuis rien n’a été fait pour éviter ce genre de situation. Nous avons l’impression que nous sommes laissés-pour-compte», font valoir des Rodriguais.
Surtout que durant le week-end de Noël, l’île a accueilli bon nombre de touristes et l’activité économique a été grandement perturbée. Ceux qui avaient loué des voitures pour leur séjour se sont retrouvés sans carburant à un moment alors que des excursions et sorties en mer organisées par les opérateurs ont été annulées. Les plaisanciers et extracteurs de sable n’ont pu poursuivre leurs activités. «Nous comptons beaucoup sur cette période de pointe pour travailler. C’est désolant», déclare Sydney Martin, chauffeur de taxi.
Par ailleurs, le chef commissaire, Johnson Roussety, sur sa page Facebook, a exprimé le souhait que Rodrigues ait son propre bateau pour l’approvisionnement. Pour Johnson Roussety, «cette situation est inacceptable. C’est en raison d’un mauvais planning des navires qui assurent l’approvisionnement que cela s’est produit».
Motion de blâme de l’opposition
Face à cette situation et aussi en raison des problèmes d’eau qui perdurent à Rodrigues, la «Minority Leader», Franchette Gaspard-Pierre Louis, a déposé une motion de blâme contre Johnson Roussety. Celle-ci sera débattue ce vendredi 30 décembre. À travers cette motion de blâme, l’opposition dit vouloir être la voix de la population qui est exaspérée par les problèmes de distribution d’eau, la pénurie répétitive des carburants et le problème d’approvisionnement en produits alimentaires. Pour l’OPR, qui représente l’opposition au sein de l’Assemblée régionale, «il doit y avoir une prévoyance de l’équipe dirigeante concernant l’approvisionnement».
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