Sécurité Routière : Permis à Points, Entre Incohérence et Doute

11 years, 7 months ago - 16 May 2013, Le Mauricien
Sécurité Routière : Permis à Points, Entre Incohérence et Doute
Le permis à points est à son cinquième jour. Le constat : des automobilistes « plus disciplinés » mais confus, exprimant certaines interrogations quant à la qualité des infrastructures routières et la grogne concernant l’activité de la firme privée ProGuard. Par ailleurs, un premier cas allégué de corruption a été recensé.

Le jour de l’entrée en vigueur du permis à points, l’inspecteur Ramah, de la Traffic Branch, confiait au Mauricien : « On a l’impression que les conducteurs sont comme des bons enfants. » On était alors vendredi.

Contacté ce matin, l’inspecteur Ramah évoque un comportement « hors du commun » des conducteurs. Au final, le permis à points porterait-il ses fruits ?

Toutefois, certains automobilistes avouent qu’ils ne sont pas rassurés de la qualité des infrastructures routières. Alain Jeannot, président de la Prévention Routière Avant Tout (PRAT), faisait remarquer au Mauricien, vendredi, qu’il faudrait que « les infrastructures puissent suivre ».

Un conducteur avisé explique au Mauricien : « Prenons par exemple la bretelle vers Vacoas-Phœnix à la hauteur de Mr. Bricolage, il y a un panneau de fin de limitation de vitesse à 80 km/h sur le “fly-over”. Selon le code de la route, une fois la limite de vitesse levée, on doit revenir à la limite de vitesse “normale” sur l’autoroute : 110 km/h. » Cet automobiliste, qui prenait la direction de Curepipe, poursuit : « J’ai été bloqué dans le fast lane par une voiture. Son conducteur n’avait, semble-t-il, pas compris la signification du panneau de fin de limitation de vitesse. »

Selon Dev Nathoo, Acting Director du Traffic Management and Road Safety Unit, les automobilistes sont « supposés connaître ces règlements qui figurent au code de la route ». « Pourquoi ne pas afficher également la nouvelle limite, comme cela se fait dans d’autres pays ? » se demande le premier interlocuteur.

Par ailleurs, dans le sillage du permis à points, des automobilistes relèvent que les lanes sont numérotées à certains endroits sur l’autoroute. Les autorités sont allées jusqu’à préciser laquelle de ces voies est la « fast lane ». « Ridicule », selon l’automobiliste consterné. « Pourra-t-on me faire croire que des usagers de la route ne savent pas différencier une fast lane d’une voie de gauche ? »

Il semble que le permis à points force désormais les automobilistes à se montrer beaucoup plus critiques de ce qui se passe sur nos routes. Les commentaires sur les ondes des radios en témoignent. Et les « approximations » concernant le « road marking » et des « panneaux » soulèvent, d’elles-mêmes, la question : y a-t-il eu un audit de nos routes, avant l’entrée en vigueur du permis à points ? Selon Dev Nathoo, un exercice aurait été réalisé, « me, sa li pa nou sa. Li konsern Road Development Authority. » « Pou se ki konsern bann pano, se RDA ki responsab santral. Me, kan enn minisipalite, enn district council remark bann problem, zot kapav asir maintenance. Par ekzanp, a TMRSU, kan nou trouv enn pano manke, nou ranplas li, apre nou notify RDA. »

M. Dorsamy, directeur de la RDA, était pour sa part, indisponible ce matin, ainsi que, Vallend Padayachy, attaché de presse au ministère des Infrastructures publiques, ce dernier étant retenu au parlement.

ProGuard : opération transparente

Il a été confirmé que ProGuard est en situation irrégulière avec le Registrar of Companies depuis deux ans. Comme souligné par nos confrères de la radio, « cela n’a pas empêché la firme privée de décrocher le contrat pour l’opération des speed cameras ». Alors que la grogne se poursuit par rapport à la « communication imprécise » des forces de police, de la TMRSU ou du ministère des Infrastructures publiques, on tente de jouer la carte de la transparence.

Dev Nathoo, ingénieur cadre du ministère des Infrastructures publiques insiste : « Il n’y a aucun problème légal. C’est la police qui issue les notices. » Sauf que le back office et clerk work sont assurés par une firme privée qui traite les données publiques. Mais M. Nathoo se veut rassurant : « Pena boukou human intervention ladan. » Et d’énumérer les procédures :

1) 12 employés de ProGuard dans les locaux de la TMRSU au Samlo Building, ont pour tâche d’extraire les données du serveur des caméras. « Bizin 12 dimoun, parski, ziska-la fin lane, pou ena 52 kamera fiks, ek sis mobil. » Et d’ajouter : « Aster ProGuard so kontra sa, si zot anvi pran plis dimoun, zot ki gete. » Ces 12 employés sont sous la supervision constante de la police. Quel job description ? « Sa li fasil pou konpran pou tou dimoun ki computer literate. Sa bann dimoun-la zot fer data extraction, zot nek pe pez bouton. » La police, quant à elle, a accès à tous les serveurs, dont ceux de ProGuard ;

2) Les images extraites par ProGuard sont traitées et vetted par les quatre policiers de la Photographic Enforcement Unit. Ils font le processus d’identification et sont responsables de « l’impression des photographic enforcement penalty notices ». Cette unité valide les « notices ».

3) Des clercs employés par ProGuard sont responsables de la mise en enveloppe. « Ena enn electronic tracking ar bann notices. Pa kapav ena tampering. » Les notices sont ensuite affranchies à l’adresse des propriétaires des véhicules en situation d’excès de vitesse.

Et quid du contrat de ProGuard ? M. Nathoo répond : « To supply, maintain and operate the speed cameras. »

Du côté de ProGuard, les directeurs étaient injoignables ce matin.

Rs 6 000 contre une amende de Rs 500

Pour Rs 6 000, il l’aurait allégé de ses points de pénalité. Les faits remontent à vendredi. Ce policier de la Traffic Branch South a été épinglé pour cette « tentative de corruption », qui inaugurait, à sa manière, quelques heures après le ministre des Infrastructures publiques Anil Bachoo, le dispositif des speed cameras. Et l’anecdote relève de l’insolite. On aurait pu croire que le conducteur en infraction risquait quelques points au compteur. Or tel n’est pas le cas.

Selon une source proche de l’ICAC, le policier en question aurait demandé Rs 6 000 pour passer l’éponge sur… un Driving Licence Counterpart oublié. Or, l’absence de DLC correspond à une simple contravention pour « permis non complet ». C’est une infraction banale pour laquelle il n’y a pas de points de pénalité et qui est passible d’une amende de pas plus de Rs 500. Rs 500 contre Rs 6 000, ce qui fait rire notre source.

Cette tentative de bribe dans les environs de Rose-Hill a été rapportée à l’ICAC par le conducteur sans DLC. Une Sting Operation a mené à l’arrestation du constable. Il aurait, depuis, été libéré sous caution. Aucun autre élément ne transpire de l’enquête.