Sourds-muets et la conduite: autorités aveugles

6 years, 8 months ago - 28 July 2017, lexpress.mu
Sourds-muets et la conduite: autorités aveugles
Mardi 11 juillet. Il est 17 heures quand une Nissan March grise passe à notre hauteur dans la région de Boundary, à Rose-Hill.

Au volant, la conductrice ressemble à n'importe quelle autre, à un détail près. Christelle Thomas, 40 ans, n'a pas encore obtenu son permis de conduire, et cela en raison de son handicap. Elle est, en effet, malentendante depuis sa naissance. Elle est la seule à souffrir de ce handicap dans la famille. La langue des signes est son principal mode de communication. Elle arrive, toutefois, à se débrouiller sans appareil auditif. Pourtant, elle lutte depuis un moment pour obtenir son permis.

«On m'a demandé d'effectuer des tests à l'hôpital et de porter des appareils auditifs pour avoir mon learner. J'ai suivi leurs recommandations, mais à ce jour, je n'ai toujours pas eu de retour», dit Christelle, qui confectionne des bijoux dans une compagnie privée, à Port-Louis. Malgré cela, elle ne baisse pas les bras et sollicite un moniteur d'auto-école. Mais là encore, elle est confrontée à la réticence des profs.

Ces obstacles, les sœurs de Christelle, Jenny et Millen, les ont aussi rencontrés alors qu'elles tentaient de l'aider. «Certains m'ont proposé de lui offrir deux cours gratuits sur une base humanitaire, ne pouvant rien faire de plus», raconte Jenny. «Lasse d'attendre, Christelle a finalement appris à conduire avec notre soutien.» Et aujourd'hui, même si elle doit être assistée, Christelle maîtrise le volant. Mais quid du permis ?

«Un défaut d'audition n'est pas censé être un obstacle, mais c'est la dure réalité à Maurice. Des personnes comme Christelle, sont souvent plus attentionnées au volant», dit Jenny, «Nous sommes facilement distraites par la radio, par exemple.» Mais pas question pour Christelle d'abandonner son rêve. «Il faut que les autorités facilitent la tâche des personnes comme moi, qui souffrent d'un handicap. J'espère que cette requête ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd», dit-elle, avec un brin d'humour.

Manoj Rajcoomar, le secrétaire de l'Association des moniteurs d'auto-écoles, soutient que ce n'est pas la volonté qui fait défaut. Le problème, explique-til, est que les moniteurs ne sont pas dotés d'outils. «Il faut des voitures adaptées, mais à Maurice, nous n'avons pas encore l'autorisation de le faire, même s'il y a des moyens. Toutefois, certains moniteurs le font à leur propre risque. Nous sommes d'avis que les malentendants ont le droit d'obtenir leur permis de conduire sans anicroche, comme tout le monde», conclut Manoj Rajcoomar.

151 malentendants ont leur permis de conduire
Ils sont 151, souffrant de surdité partielle, à détenir leur permis de conduire à Maurice. Ce chiffre a été avancé par le Premier ministre au Parlement le 13 juin. Pravind Jugnauth a également fait ressortir que deux personnes souffrant de pertes d'audition importantes ont vu leur demande de permis refusée par les autorités.