Les femmes sont de plus en plus nombreuses à être embauchées dans des sociétés de transport en commun, notamment en tant que receveuses, bien qu’elles soient encore largement minoritaires dans la catégorie des conducteurs. Nooshreen Gowsee, 27 ans, est la dernière femme à avoir intégré ce cercle fermé de conductrices d’autobus, au sein de la compagnie United Bus Service (UBS). Week-End l’a rencontrée au même titre que Juliana Fanchon qui sillonne, depuis 2020, les rues de Port-Louis et du Nord de l’île au volant des autobus du Triolet Bus Service (TBS).
Certes, la Compagnie Nationale de Transport (CNT) et le Rose-Hill Transport (RHT) ont déjà eu en leur sein des femmes conductrices dans le passé, mais tel n’est pas le cas actuellement. « Très peu de femmes sont détentrices d’un permis de conduire. C’est dommage car les femmes sont plus disciplinées professionnellement et plus prudentes au volant que les hommes. Je songe à établir un système de sponsoring pour les encourager à intégrer notre profession », confie Rao Rama, directeur de la CNT. Sidharth Sharma, CEO de RHT, soutient que « face à la pénurie d’effectifs, nous cherchons activement des candidates pour combler les postes. J’encourage vivement les femmes à nous rejoindre. On a besoin de vous ! »
Sidharth Sharma et Rao Rama auraient, sans doute, aimé damer le pion à l’UBS en enrôlant Nooshreen Gowsee, actuellement sous les feux des projecteurs, après avoir été confirmée à son poste de conductrice au bout de seulement un mois de road tests driving. Un cadre de l’UBS ayant assisté auxdits tests, ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la nouvelle recrue : « Les grands bus étant particulièrement difficiles à manœuvrer, la plupart des conducteurs prennent plus de deux mois pour compléter leur apprentissage sur la route. Mais Nooshreen l’a complété en un mois, et cela ne me surprend guère. »
Le coup de pouce des papas
Nooshreen Gowsee ne passe pas inaperçue derrière le volant d’un autobus stationné devant la gare du Victoria Urban Terminal. Dès son jeune âge, elle savait qu’elle allait pratiquer un métier lié aux transports en commun. Celui qui l’a inspirée ? Son père, qui était chauffeur de camions. « J’ai tout le temps été passionnée par les poids-lourds. Après avoir terminé mes études, j’accompagnais mon père sur les chantiers pour l’aider dans ses tâches. Mo ti pe sarye roksenn ek materio. Il m’a appris à conduire son camion et grâce à ce coup de pouce, j’ai obtenu ma licence. J’ai par la suite obtenu une licence de conducteur d’autobus », souligne Nooshreen Gowsee, qui avait été intégrée comme receveuse dans un premier temps à l’UBS, avant qu’elle n’insiste pour prendre le volant. Un choix payant.
« J’aime mon nouveau job, et ça se passe super bien. J’en suis fière et ne le changerais pour rien au monde. Mes pensées vont en premier lieu à mon père qui m’a tout le temps encouragée et donné les coudées franches pour faire ce que j’aime le plus. Je remercie aussi mes collègues masculins pour leurs précieux conseils », conclut Nooshreen Gowsee.
Juliana Fanchon, elle aussi, était prédestinée à une carrière dans le secteur des transports. Cette habitante de Triolet, qui se dit fière de n’avoir rien lâché, sûre que sa ténacité allait payer, soutient avoir rêvé, depuis l’âge de 15 ans, d’être au volant des plus gros gabarits de la route. Grâce au soutien indéfectible de son père qui exerçait comme mécanicien pour des compagnies de construction, elle s’est forgée une solide expérience en la matière jusqu’à atteindre son but. Il est 16h à la gare de l’Immigration à Port-Louis.
« Un métier qui me correspond »
L’autobus du TBS débarque ses passagers. Pour Juliana Fanchon, c’est le dernier trajet d’une journée commencée à l’aube. Tout sourire, elle a les yeux rivés sur le débarquement des passagers et répond aux saluts amicaux des habitués.
« Mon père ramenait des camions dans la cour pour les réparer et moi, je faisais semblant de conduire au début jusqu’à qu’il consente à m’apprendre les notions de base et me laisser enclencher la marche arrière, ainsi de suite… », dit-elle. Après avoir obtenu sa licence de camions type 2.5 tonnes, Juliana Fanchon enchaîne les boulots comme chauffeur de camions dans une usine et dans une compagnie de sécurité, avant d’intégrer TBS comme receveuse en 2015, avec la ferme intention de décrocher, à terme, une place en tant que conductrice d’autobus.Pour ce faire, elle prend des cours de conduite et réussit à avoir son permis en 2019 et à devenir la seconde femme de l’histoire du TBS à exercer comme conductrice. « Le soutien et les encouragements de mes collègues m’ont confortée dans cette démarche et cela fait plus de trois ans que cette belle aventure dure et je suis heureuse d’avoir trouvé un métier qui me correspond », confie Juliana Fanchon.
De conductrices d’autobus à Train Captains à MEL
Elles ont débuté leurs carrières en tant que conductrices d’autobus, avant de tenter l’aventure à Metro Express Ltd (MEL) en tant que Train Captains. Mila Reekoye-Pyanneeandee, 40 ans, et Zainab Fajurally, 29 ans, expliquent les raisons qui les ont poussées à franchir le Rubicon.
L’année 2009 est à marquer d’une pierre blanche pour le secteur des transports en commun. Mila Reekoye-Pyanneeandee, 24 ans à l’époque, devient la première femme de l’histoire à exercer comme conductrice d’autobus, au sein de la compagnie Mauritius Bus Transport (MBT). Mila Reekoye-Pyanneeandee n’est pas étrangère à ce milieu puisque son père était chauffeur de poids lourds et possédait une vingtaine d’autobus dans lesquels elle a fait ses gammes. Avant d’embrasser le métier de chauffeur, elle a travaillé comme institutrice dans une école pré-primaire, vendeuse dans une boutique et dans le secteur hôtelier. Sauf que ne trouvant pas chaussure à son pied, elle décide de mettre le cap en Australie en 2008 pour des études en Hospitality Management.
Or, Mila Reekoye-Pyanneeandee a le mal du pays et décide de rentrer à Maurice en 2009. Bien lui en a pris puisqu’elle décroche, cette même année, son permis de chauffeur de poids lourds et d’autobus, avant de créer l’histoire en intégrant la compagnie MBT. Elle garde, d’ailleurs, précieusement les articles de presse relatant cet évènement. « Il y avait beaucoup de scepticisme à l’époque quant à ma capacité de m’adapter à cet univers masculin, mais j’ai relevé le défi car je n’ai pas froid aux yeux », confie-t-elle. Mila Reekoye-Pyanneeandee trace sa route, mais éprouve, au fil du temps, le désir de se trouver de nouveaux challenges. Ça tombe bien puisque démarre le projet Metro Express en 2019.
L’audacieuse Zainab Fajurally
« Je n’ai pas perdu de temps. En concertation avec mon époux, j’ai décidé de postuler la même année. Je suis heureuse de faire partie de la grande famille de MEL désormais, me mo pa blie kot mo sorti. Ki mo listwar ete », soutient la jeune femme.
Sa collègue Zainab Fajurally a, quant à elle, été intégrée comme Train Captain à MEL en octobre 2022 après avoir exercé comme chauffeuse dans les autobus de la compagnie de transport individuel de son père. Zainab Fajurally donne l’impression d’être une personne audacieuse et sûre d’elle. Une boule d’énergie, à n’en pas douter : « J’ai appris à conduire dans les camions que possédait mon père à l’âge de 12 ans, après l’avoir longuement observé depuis que je suis toute petite. Vit vit monn aprann e vit vit monn gagn mo permi loto, kamyon, bis ek asterr metro. »
Zainab Fajurally a démarré sa carrière de conductrice d’autobus en 2017 avant que sa mère lui instille l’idée, en 2019, de tenter sa chance à MEL, mais « ti ena enn mank efektif dans bann bis mo papa e mo pa ti anvi ale koumsa », souligne notre interlocutrice qui franchit finalement le pas en 2022.
À en croire Zainab Fajurally, “ les principes et les protocoles du métro et des autobus restent les mêmes. Nous devons juste être vigilantes et précautionneuses. Je ne regrette pas mon choix. Ena enn lavenir dan metro… » Mila Reekoye-Pyanneeandee abonde dans le même sens : « C’est un système de transport moderne avec des formations de haut niveau offertes par MEL et une compagnie singapourienne. Monn aprann mekanik, mintenans, Safety, etc. Nou motive. Vremen… »