Avec la Social Distancing à respecter obligatoirement dans les autobus, les revenus sont en chute libre. C'est ce qu'affirme Sunil Jeewoonarain, secrétaire de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation Ltd. Cela, en dépit du fait que le gouvernement continue à octroyer la subvention pour le transport gratuit. Car les autobus individuels roulaient déjà à perte avant le confinement, indique-t-il, sans compter que les opérateurs n'ont pas accès aux mêmes soutiens de l'État que les compagnies. Si rien n'est fait les opérateurs individuels iront tout droit vers la faillite.
Sunil Jeewoonarain avance que 75% de la flotte des autobus individuels sont actuellement sur les routes à travers l'île. On s'attend à ce que le service passe à 100%, avec le déconfinement total. « Nous opérons selon la demande. Au fur et à mesure qu'il y a plus de passagers en circulation, nous augmentons le nombre d'autobus. Nous procéderons à un Survey à partir de lundi pour voir comment les choses vont évoluer », dit-il.
Sur les 2 300 autobus en circulation dans le réseau de transport en commun, 800 sont opérés par des individuels. Les lignes desservies concernent principalement le milieu rural. Sunil Jeewoonarain note que pour l'heure, le fait qu'il n'y a pas d'école et que les autorités ont imposé des restrictions de mouvement sur les personnes âgées, permet de faire face à la situation. « En temps normal, nous avons des autobus dédiés au transport scolaire. On pourra donc compter également sur ces autobus. De même, le gouvernement a demandé aux personnes âgées d'éviter de voyager pendant les heures de pointe. Cela soulage également. De même, on mettra plus de bus pendant le peak time que pendant le off peak », poursuit-il.
De même, la majorité des autobus individuels sont du modèle standard. Il y a très peu de bus Semi-Low Floor. Sunil Jeewoonarain explique : « Un Semi-Low Floor est fait pour transporter beaucoup de personnes debout, donc, il y a moins de sièges que le bus standard. Ce qui fait qu'avec les règlements sur la Social Distancing, le bus standard peut transporter 38 à 40 personnes, alors que le semi-low floor n'en transporte que 27. C'est un véritable casse-tête pour opérer ces autobus dans la conjoncture .»
Le secrétaire de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation Ltd fait état d'un gros manque à gagner. En temps normal, ajoute-t-il, le nombre de passagers pendant les heures de pointe permet de recouvrer le manque pendant la journée. « Comme nous desservons surtout les régions rurales, il n'y a pas beaucoup de voyageurs pendant la journée, car il y a peu d'activités. Nous comptons donc sur le Peak Time quand les gens vont travailler ou rentrent du travail. Mais avec la capacité réduite à 50%, il y a un gros manque à gagner. Nous nous retrouvons avec le quart de nos recettes et comme on le dit, pe travay zis pou ranpli tank », s'insurge-t-il.
Tout en reconnaissant que le gouvernement continue à verser les subsides au titre du Bus Pass pour les étudiants et les personnes âgées/handicapées, Sunil Jeewoonarain précise que cette somme est loin de combler le manque à gagner. «Il faut savoir que le gouvernement nous paye 15 jours d'école par mois soit un montant de Rs 2 000 par autobus. Cela nous fait Rs 10 pour un trajet étudiant, alors qu'en réalité, le tarif est d'une moyenne de Rs 18 à Rs 25. Pour les personnes du troisième âge ou handicapées, la subvention est de Rs 525 par bus par jour. Cela fait Rs 5.25 par trajet, alors que le coût réel est de Rs 15 en moyenne. Dans le public, on pense que les autobus gagnent beaucoup d'argent avec le gouvernement, mais ce n'est pas le cas pour les opérateurs individuels », fait-il comprendre. Et de préciser que les compagnies d'autobus ont une subvention spéciale, sous le Bus Company Recovery Account à laquelle les opérateurs individuels ne peuvent prétendre.
Si la situation perdure, assure Sunil Jeewoonarain, la survie des autobus individuels sera menacée. Il explique que le tarif des tickets n'a pas été revu depuis 2013, en dépit du fait que les coûts d'opération ont augmenté. « En sept ans, il y a eu pas mal de changements. D'abord, le dollar a connu une appréciation appréciable avec des répercussions sur les pièces de rechange. Ensuite, il y a eu le NRB pour les employés du transport. Du coup, quand les salaires augmentent, la contribution au NPF augmente aussi. Aujourd'hui, on se retrouve avec 45% des sièges bloqués, cela devient très compliqué. »
Le secrétaire de la MBOCFL souhaite ainsi que le gouvernement subventionne les sièges vides, afin de permettre aux opérateurs individuels de garder la tête hors de l'eau. « Nous ne sommes pas contre la Social Distancing mais comme je l'ai expliqué, la situation était déjà difficile avant et c'est plus compliqué maintenant avec moins de passagers. Les subsides pour les étudiants et les personnes âgées ne permettent pas de couvrir les frais. De toute façon, le secteur du transport est contrôlé par le gouvernement, nous ne sommes que des opérateurs qui doivent se plier aux règlements imposés. »
La fédération avait envoyé un mémoire au ministre du Transport, Alan Ganoo, avant le confinement, sur le manque à gagner pour les opérateurs qui se chiffrait à Rs 2 900 par jour par autobus. Mais aucune solution n'a été trouvée à ce sujet. Avec la pandémie, la situation s'est aggravée. « Si cela continue, on va tout droit vers la faillite. Le gouvernement doit réagir à ce sujet. » Le coût d'opération, indique-t-il, est de Rs 6 500 à Rs 7000 par jour.