“Les emmerdes, ça vole toujours en escadrilles”, disait l’illustre Jacques Chirac. Les propositions démagogiques aussi. Après la consultation préparant le terrain pour une surtaxe du stationnement des SUV à Paris, un élu de la ville s’attaque à présent à la circulation des 2-roues au cœur de la capitale. Pierre-Yves Bourzanel, conseiller de Paris au sein du groupe d’opposition Indépendants et Progressistes, vient de présenter un projet de loi dont l’objectif n’est autre que d’interdire la circulation des 2-roues motorisés thermiques à l’intérieur de la ville entre 22h et 7h du matin, au motif que “le bruit est un fléau majeur à Paris”, que “plus de 80 % des Parisiennes et des Parisiens se plaignent du bruit chaque jour” et qu'il faut également réduire la pollution atmosphérique dans la ville. L’ancien député propose d’abord une expérimentation sur une année avant de décider si la mesure est viable. Sympa, le Pierre-Yves…
Pour justifier cette proposition, M. Bourzanel invite Paris à “s’inspirer de Madrid”, qui restreint effectivement la circulation des 2RM immatriculés avant 2003 dans son hypercentre. Légère différence, Madrid a décidé de cette réglementation au motif de la pollution et non en raison du bruit. Mais la démagogie s’accommode volontiers d’approximations. Autre exemple : l’élu d’opposition affirme “qu’un scooter thermique peut réveiller, la nuit, à lui seul, plusieurs milliers de Parisiens”. Sans doute, mais pas plus qu’une voiture de sport ou un groupe de fêtards qui marche dans la rue. Du coup, la proposition de Pierre-Yves Bourzanel n’est-elle pas un peu timorée ? Ne faudrait-il pas instaurer un couvre-feu à Paris pour que les habitants d’une des plus grandes capitales du monde puissent entendre les pigeons dormir et le vent souffler dans les lampadaires ?
Tout le monde dans le même sac !
Comme souvent s’agissant des sujets de mobilité dans la capitale française, le constat n’est pas discutable, mais les propositions pour remédier au problème confinent à l’absurde. S’il est vrai que certains scooters et motos engendrent une réelle pollution sonore, il ne faut évidemment pas confondre quelques brebis galeuses aux échappements illégaux avec l’immense majorités des 2-roues thermiques qui respectent une homologation, y compris en matière de bruit à l’échappement et pénaliser, en conséquence, des citoyens qui participent grandement à la fluidification du trafic en choisissant de rouler en 2-roues.
Par ailleurs, il faut être naïf ou terriblement déconnecté – étonnant pour un natif du Cantal – pour penser qu’un simple accompagnement vers un achat de “scooter électrique” ou de “vélo cargo” pourrait compenser cette interdiction. Pas certain, en effet, qu’un vélo électrique permette à un habitant de Saint-Maur des Fossés, Antony, Rueil-Malmaison ou Rosny-sous-Bois de rallier sereinement le centre de Paris et son domicile le soir passé 22h. Et il n’y a pas plus à espérer avec les scooters électriques, soit abordables mais à l’autonomie et aux performances limitées, soit plus cossus et excessivement chers. Côté finances, comment la ville de Paris pourrait-elle financer la mobilité d’habitants périurbains ?
Dernière question : Paris peut-elle instaurer une telle mesure ? David Belliard adjoint EELV aux mobilités, a priori prêt à cautionner une réglementation plus stricte concernant les véhicules thermiques, a tout de suite affirmé que cette compétence relevait de la Métropole du Grand Paris, l’autorité du tutelle de la ZFE éponyme.
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