En effet, une étude singapourienne avait proposé un plan de décongestion couplé à un nouveau mode de transport de masse qu’est le Metro Express afin de réduire ce coût à 75 %. Raison pour laquelle qu’en sus des trams, un pont autoroutier pour relier Sorèze à Chebel est en cours de construction. Les autoponts à Jumbo–Pont-Fer–Dowlut, qui font également partis du Road Decongestion Programme, sont eux déjà opérationnels. Sauf qu’aux heures de pointe, ceux qui empruntent ces autoponts font face à une autre réalité.
Selon les chiffres officiels, plus de 50 000 véhicules circulent quotidiennement dans la région de Pont-Fer–Phoenix. Si les autoponts à Jumbo–Pont-Fer–Dowlut, dont le coût est estimé à Rs 1,5 milliard, devraient permettre une circulation plus fluide dans cette région, ce ne sera pas le cas en fait, surtout aux heures de pointe. En effet, ceux sortant du Sud pour se rendre à Port-Louis doivent s’armer de patience dans les embouteillages à hauteur de Wooton, parfois même avant. Et ce n’est pas tout. Même sur les autoponts construits à hauteur de Phoenix–Pont-Fer, la circulation est à l’arrêt pendant de longues minutes. «Je ne vois pas que ça a changé. Wooton, c’est embouteillé. Ensuite, jusqu’au centre commercial LoLo, elle est fluide, mais à partir de là, les embouteillages recommencent et continuent jusqu’au flyover d’Ébène avec des temps d’arrêt», explique un automobiliste de Rose-Belle qui vit ce calvaire au quotidien. Même pendant le confinement du 19 mars 2021, les automobilistes devaient prendre leur mal en patience sur l’autoroute menant vers Phoenix.
Pourtant, lors de l’inauguration de l’autopont de Pont-Fer, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait affirmé que «les échangeurs de Jumbo–Pont-Fer–Dowlut traduiront notre vision d’améliorer les infrastructures d’un pays pour améliorer la qualité de vie de la population». Le chef du gouvernement avait indiqué que le viaduc contribuerait à considérablement améliorer la connectivité routière dans la région, à réduire les embouteillages et à renforcer la sécurité sur les routes. Plus loin, du côté de Chebel, on note également des embouteillages sur l’autopont construit pour alléger le trafic dans la région. C’est d’ailleurs ce qu’avance la Road Development Authority dans les briefs pour justifier un projet routier.
Éliminer les ronds-points pour réduire les embouteillages sur l’autoroute. C’est ce qui avait été annoncé au Parlement le 24 janvier 2020. L’idée est de remplacer les ronds-points par des flyovers et des by-pass afin d’améliorer la circulation routière. Mais avec des embouteillages sur les autoponts, une question s’impose. À quoi servent-ils s’ils n’ont pas aidé à régler le problème d’embouteillage qui, au contraire, empire de jour en jour ? Les autorités sont-elles en train de reduce travel time ?
«On est en train d’aborder le problème de manière piece meal. On synchronise chaque système de feux dans un endroit comme un système isolé, individuel. On a démoli la Traffic Modelling Unit que j’avais mise en place avec des experts pour faire des études d’heure en heure et des relevés pour ensuite faire un modelling», explique Nando Bodha, ancien ministre des infrastructures publiques.
L’économiste Eric Ng défend ces infrastructures. «S’il n’y avait pas de flyovers, les embouteillages seraient pires. Les flyovers sont utiles», lâche-t-il. Selon lui, face au nombre croissant de véhicules sur les routes, les flyovers sont nécessaires. Eric Ng estime qu’il faudrait prendre une série de mesures pour réduire les embouteillages. L’économiste fait ressortir qu’il est temps de mettre en place le système de péage pour diminuer l’utilisation de voitures. Il concède toutefois que le péage est une mesure impopulaire. «Nou pa pou kapav aplik bann mésir inpopiler», se désole-t-il. Il recommande également de revoir la politique du duty-free car.
Pour un ingénieur civil, tout est concentré à Port-Louis. Selon lui, les autoponts ont été conçus soit pour décentraliser Port-Louis soit pour un système de jalonnement de parking à Port-Louis. Par exemple, un tableau installé à Pailles informe l’automobiliste sur le nombre de parkings disponibles à Port-Louis. De ce fait, l’automobiliste sait quelle route emprunter pour aller plus vite. «Les trois points d’entrée à PortLouis amènent l’automobiliste au même point à l’intérieur.»L’ingénieur est également d’avis que les flyovers sont utiles. D’ailleurs, il recommande que cette infrastructure soit construite partout. Le problème, selon lui, c’est le nombre de véhicules sur nos routes. «Dans une cour, il y a 3-4 véhicules. Nous avons 2 000 km de classified road pour plus de 600 000 véhicules. Aujourd’hui, à Maurice, ce n’est plus un plaisir pour conduire une voiture. Le pays est petit.» Autre point noir, selon lui, c’est le leasing qui est accessible aujourd’hui. «Leasing inn vinn Mammouth. Tou dimounn anvi enn loto.»
L’expert en sécurité routière Barlen Munisamy partage la même opinion. «Un flyover apporte beaucoup de soulagement dans la circulation.» Cependant, il estime qu’il ne faut pas le construire en «bits and pieces car il diffère le problème d’embouteillage».Il nous fait l’historique des flyovers à Maurice. «Le premier était à St-Jean. Il libère la circulation à St-Jean et Quatre-Bornes. Mais le problème d’embouteillage est transféré à Réduit. Quand un autre est construit à Réduit, l’embouteillage est transféré à Bell-Village. Lerla fer autopont Decaen. Le problème n’est pas résolu.»Selon lui, pour résoudre le problème d’embouteillage, il faut savoir où il commence et où il prend fin. «Lerla fer 2-3 flyovers kot li ‘bouchonner’. Kan li blok enn plas, li réperkit a laryer.»Barlen Munisami explique que le réseau routier n’augmente pas comme notre parc automobile. «Notre parc automobile pourrait passer à 700 000 l’année prochaine. Un flyover est peut-être un kilomètre de route. Li papé ogmanté.»L’expert affirme qu’il faut faire une multitude d’autoponts dans des lieux stratégiques. «À un certain moment, la circulation à Camp-Fouquereaux et Highlands par exemple va diminuer. Il faut une étude systématique, faire un road auditing. Malheureusement, c’est coûteux.»
De son côté, Nando Bodha fait ressortir que la solution, c’est la synchronisation en temps réel de tout le réseau national. «Créer un Traffic Management Centre pour toute l’île Maurice en temps réel. On saura sur un grand écran où sont les embouteillages et on pourra analyser la fluidité du trafic dans l’ensemble de chaque ville et village en même temps.» Il explique avoir déjà évoqué la question d’un système pareil avec les autorités chinoises après une visite au Traffic Management Centre de Beijing qui contrôle la circulation dans plus de 20 arrondissements (Maurice serait un arrondissement) avec 20 millions de véhicules. «J’en ai parlé aux autorités chinoises déjà. On peut demander à la Chine de nous faire un grant. Cela coûte environ 10 millions de dollars.» Selon les chiffres compilés par la National Land Transport Authority, 648 176 véhicules ont été enregistrés en 2022. Au premier semestre de 2022, 3 162 véhicules ont été mis hors circulation.