Metro Express: «Comment décongestionner le trafic quand tout est concentré sur Port-Louis ?»

il y a 7 années, 1 mois - 21 Septembre 2017, lexpress.mu
Metro Express: «Comment décongestionner le trafic quand tout est concentré sur Port-Louis ?»
Le Metro Express est désormais une réalité. Le constructeur indien Larsen & Toubro, qui a décroché le contrat au coût de Rs 18,8 milliards, démarre le chantier.

Du côté du gouvernement, l'on croit fermement dans la viabilité de ce projet qui vise à décongestionner les routes de Maurice.

En effet, les embouteillages coûtent Rs 4 milliards à l'économie nationale par année. Montant qui devrait passer à Rs 10 milliards en 2030. L'entrée de Port-Louis est de plus en plus congestionnée avec advantage de véhicules qui la traversent par jour.

La raison ? Tout est concentré dans la capitale. D'autant plus que notre parc automobile croît d'année en année. De janvier à mai, le nombre de véhicles enregistré est passé à 517 208. Le projet Metro Express va-t-il régler le problème de décongestion routière ?

D'emblée l'économiste Azad Jeetun estime qu'il y aura automatiquement moins de pression à l'entrée de Port-Louis si les passagers choisissent de prendre le métro. «Entrer à Port-Louis sera plus facile.»

Éric Ng, lui, ne partage pas le même avis. Metro Express ou pas, les gens n'abandonneront pas leur véhicule pour autant, dit-il. «Les gens continueront à voyager dans leur voiture. C'est plus confortable. On gagne du temps. On peut faire plusieurs trajets.»

Deux entrées seulement à Port-Louis
L'économiste explique que pour que ce système fonctionne, il faut que moins de gens utilisent leur voiture car dans toutes les capitales du monde où le métro est present, il y a toujours des embouteillages. «Même à Singapour, durant les heures de pointe.»

Il rappelle qu'à Port-Louis il n'y a que deux entrées. Il faudrait, estime-t-il, plusieurs points d'entrée, notamment des déviations, et la construction de plus d'autoponts. Ainsi, la route périphérique (Ring Road) et la route Terre-Rouge–Verdun aident bien dans ce sens.

L'urbaniste Vasantt Jogoo affiche, lui aussi son, scepticisme. «Le métro ne va pas décongestioner Port-Louis.» Le modèle sur lequel le projet est calqué est 20 % du nombre de passagers qui prennent le bus. «Cela ne veut rien dire. Les 80 % restants vont continuer à utiliser leur propre moyen de transport.»

Il ajoute que la plupart des voitures qui se dirigent vers Port-Louis tous les jours sont des «one-passenger car». «Il n'y a pas de co-voiturage. Ces gens-là, je ne pense pas qu'ils vont quitter leur voiture pour le métro. Ils ont une routine. Une façon de vivre

Allant plus loin dans son analyse, Vasantt Jogoo se dit persuadé que le métro ne va pas encourager les gens à quitter leur voiture, surtout avec le nombre grandissant de voitures hors taxes. «Le nombre de voitures va croître.» Dans deux à trois ans, poursuit-il, le nombre de voitures qui se dirigeront vers Port-Louis ne sera pas le même. Selon lui, c'est le marché qui encourage les gens à devenir propriétaires de voiture et cela grâce au leasing.

«Il va falloir ralentir»
«À Singapour, vous ne pouvez pratiquement pas acheter une voiture. Ici, les fonctionnaires ont droit à des voitures 100 % hors taxes. Les 350 médecins qu'on a recrutés ont droit à ce privilège aussi.» Il estime que le gouvernement ne peut résoudre le problème de congestion de cette façon.

Autre point avancé : l'intervalle de 5 à 6 minutes d'arrêt pour chaque train. L'urbaniste est d'avis que de Curepipe à Port-Louis, le trajet prendra plus de temps, avec un ralentissement vers Beau-Bassin et Port-Louis. «C'est un système de transit léger sur rail. Il va falloir ralentir.» Et d'ajouter que de Curepipe à Port-Louis, le train doit faire la boucle. Ce qui prendra en tout 82 minutes. Pour lui, à l'heure de pointe, il faudra plus de trains.

«Dans tout système, un train doit être en maintenance. Jamais les 18 trains seront sur les rails en même temps. Un train toutes les 6 minutes avec 307 passagers, cela ne va pas aider à décongestionner.» Du coup, prendre 20 % de passagers des bus et 10 % des voitures aura selon lui, un impact marginal. «Comment décongestionner quand tout est concentré sur Port-Louis ?» s'interroge l'urbaniste.

Pour lui, c'est une contradiction car le problème s'aggrave avec le trafic de Rivière-Noire qui se déverse sur l'autoroute M1, le métro qui doit faire l'interface sur plusieurs points vu qu'il a la priorité. «On a besoin de feux de signalisation pour tout contrôler. Ça va bloquer la circulation.»

Dans un entretien à l'express en mars dernier, le consultant en transport Deva Armoogum a affirmé que «personne n'aura intérêt à quitter sa voiture au garage et braver soleil ou mauvais temps pour grignoter quelques minutes sur son temps de trajet». Il a souligné qu'il faut un transfert vers de nouveaux modes de transport et l'apport de clientèle qui en résulte, au cas contraire l'incidence sur les embouteillages de même que la viabilité du métro seront peut-être compromises.

Interrogé lundi 21 août par l'express, le consultant affirme que si le métro arrive à décongestionner l'entrée de Port-Louis, il faut, en parallèle, un contrôle sur l'accès des véhicules en ville, soit le Central Business District, là où tous les véhicules convergent.

Road Decongestion Programme

Dans le même temps, le gouvernement investit massivement dans la construction de nouvelles routes sous le Road Decongestion Programme (RDP) pour alléger le trafic. En effet, Rs 15 milliards ont été déboursées pour quatre projets d'envergure, notamment les échangeurs de Pont-Fer–Dowlut, les phases 2 et 3 de la Ring Road et la route A1-M1 Coromandel et Sorèze.

Le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, a assuré au Parlement, en mai 2016, que le métro et le programme de décongestion routière sont complémentaires. Selon lui, le métro seul ne viendra pas résoudre nos problèmes d'embouteillage. Le RDP viendra fluidifier le trafic routier tandis que le Light Rail Transit System (LRTS) assurera la mobilité des personnes.

Si le système de transport routier est basé sur une structure à trois niveaux, Nando Bodha a affirmé que ce qui existe fait partie du premier niveau, le RDP est le second alors que le Light Rail System (LRT) représente le troisième niveau. Les trois combinés vont permettre une plus grande mobilité et fluidité dans le système de transport pour les 30 prochaines années.

Mais même si l'économiste Éric Ng avance que ce programme va décongestionner les routes, il explique qu'il ne faut pas que tous les investissements publics aillent dans le transport. «L'État investit des milliards. Il nous faut voir notre endettement et par la suite nous pouvons investir massivement

Système de péage

Selon lui, si le gouvernement veut que ce mode de transport fonctionne, il faudra prendre des mesures appropriées. Pour Éric Ng, il faut introduire un système de péage à Port-Louis. Il suggère également d'augmenter le prix des parkings publics, et celui du carburant.

Même son de cloche chez l'économiste Azad Jeetun. «Si le gouvernement introduit le péage, les gens vont préférer voyager par le métro. Les gens auront le choix

Deva Armoogum abonde dans le même sens. Il déclare qu'il faut un système de péage et de tarification de la congestion (congestion pricing). «On bloque les véhicules avec des plaques non impairs. On paie plus s'il y a un ou deux passagers dans le véhicule. Si on utilise la route on effectue un paiement.» Autre solution ? L'élimination du principe de voitures hors taxes destinées aux fonctionnaires.

L'urbaniste Vasantt Jogoo pense, lui, que l'option du péage n'est pas envisageable car le gouvernement n'a pas le «courage politique» pour le faire. Pour lui, il faut augmenter le nombre de trains. Ce qui nécessitera un investissement supplémentaire.

Il pense également qu'il aurait fallu introduire le Bus Transit System qui coûte moins cher et qui aurait résolu le problème de congestion routière. «On garde le tracé. On met des bus luxueux. Pour Rs 4 milliards, on aurait pu avoir 1 000 bus aux normes européennes et modernes, qui auraient assuré le service sans interruption, ensemble avec le Feeder Bus.»

Du côté de Metro Express Ltd, l'on rassure que l'introduction d'un système de péage n'est pas à l'ordre du jour. «Ce n'est pas compris dans le modèle.» Selon un proche du dossier, on mise beaucoup sur le système de Feeder Bus pour décongestionner l'entrée de Port-Louis.

Zoom sur les trois projets majeurs du RDP

Des flyovers aux ronds-points Pont-Fer–Dowlut

Un investissement de Rs 2,4 milliards est nécessaire pour remplacer les ronds-points de Pont-Fer et Dowlut par des autoponts à quatre voies. L'échangeur sur 3,3 km de route devrait, selon les consultants de la Korean Expressway Corporation (KEC), améliorer considérablement la circulation routière. C'est ce qui ressort du rapport déposé au ministère de l'Environnement pour un Environment Impact Assessment (EIA). Il est prévu que les entrepreneurs soumettent leur offre en septembre. S'ensuivront les évaluations, l'attribution du contrat et le début des travaux.

La route Coromandel–Sorèze

Longue de 1,1 km, cette route à quatre voies vise à réduire les embouteillages à l'entrée sud de Port-Louis dans les régions de Grande-Rivière, Bell-Village. Le rapport de KEC prévoit un impact positif sur la région. Sauf des embouteillages inévitables lors des travaux de construction. Un viaduc de 350 mètres débutera dans les environs de la montée Chapman et reliera l'autoroute à Sorèze. Coût du projet : Rs 2,3 milliards.

Ring Road Phases 2 et 3

C'est à la fin de la route périphérique que débute la deuxième phase de construction. Cette route, au coût de Rs 5 milliards, comporte deux tunnels qui seront percés sous la montagne des Signaux, à Tranquebar et au Champ-de-Mars. Quant à la phase 3, elle reliera la Port-Louis Ring Road Phase 2 du Champ-de-Mars par un viaduc pour se connecter à l'autoroute M2. Le projet devrait aboutir par la suite au port, à proximité du Quai D. Son coût ? Rs 2,9 milliards.