Sécurité Routière — Permis À Points: Une Première Semaine Mouvementée

il y a 10 années, 10 mois - 22 Mai 2013, Le Mauricien
Sécurité Routière — Permis À Points: Une Première Semaine Mouvementée
Plus de 500 véhicules flashés pour excès de vitesse en sept jours

Le permis à points révolutionne nos routes depuis une semaine. Entre grogne, couacs dans la communication, contestations, améliorations dans la discipline, la période de transition se frotte aux extrêmes. Seule certitude, l’île Maurice vit une étape de transition.
Ils étaient des centaines, le vendredi 10 mai, à faire la queue aux casernes centrales, dont de nombreux se disaient convaincus « ki zot pa ti pou mett permi a pwin », en vue de récupérer leur Driving Licence Counterpart. Le permis à points est une réalité.
Depuis leur entrée en opération à 18 heures le 10 mai, les caméras fixes auraient flashé plus de 500 véhicules pour excès de vitesse, selon les indications de la Photographic Enforcement Unit. Toutefois, du côté des Casernes centrales, l’on informe que le nombre des automobilistes épinglés à ce jour (hors caméras fixes) ne peut être communiqué. Le Police Press Office indique que les données doivent être compilées station par station, district par district… Aucune analyse n’est encore disponible.
Selon le conseiller au PMO en matière de sécurité routière : « Ça marche. Il y a un changement dans le comportement. C’est sûr. » Ben Buntipilly, rejoint ainsi l’avis de Mohit Ramah, inspecteur à la Traffic Branch, qui soulignait son optimisme dans nos colonnes, la semaine dernière.
En outre, de moins en moins de citoyens s’élèveraient contre cette mesure. Les commentaires témoignent d’un apaisement. « Personelman mo dakor ek sa permi a pwin », affirme Gool Caramthally, 48 ans, taximan à Victoria Square. Selon Hritic Sheoraj, 31 ans, chauffeur de bus individuel : « Bann lotorite finn bizin pans boukou kitsoz avan met permi a pwin. Konportman dimoun finn sanze an zeneral, tou dimoun trankil ek ena plis kourtwazi. » Pour Sanjana (prénom fictif) 50 ans, conductrice depuis 25 ans : « Le permis à points est une bonne chose parce qu’à présent, les personnes prennent beaucoup plus de précaution sur les routes […] Mwa personelman, monn sanz mo fason kondir. Je roule moins vite et je me sens plus détendue. »
Stress
Cependant, pour certains, les autorités ne seraient pas conciliantes, compréhensives. Selon M. Caramthally, conducteur depuis une vingtaine d’années, « mo pa dakor pou sa zafer koup bann pwin pou bann zafer sinp kouma fer ekses par 1 km/h. Aster-la, tou bann sofer pe pran prekosion lor sime et sa pe mem vinn enn stres ».
C’est une opinion que partage Vikash Lodhur, 40 ans, chauffeur de la CNT : « Depi 15 ans mo ena mo permi ek mo trouv ki sa zafer permi a pwin-la li enn stres. Zot pe panse ki sa pou redwir aksidan me mo pa krwar sa. Dan mo fason kondir mo ti pe pran prekosion ek mo pe kontinie fer li ek mem au nivo bann lezot sofer kapav dir zot pe pran prekosion. » Pour Coonjan Sanyay, 45 ans, chauffeur de bus individuel, le permis à points est loin d’être une bonne chose : « Fer 15 ans depi ki monn gagn mo lisans ek malgre kinn mett sa lalwa permi a pwin-la, mo fason kondir pa finn tro sanze. Akoz sa, nou pe kondir dan enn sertenn laper ek mwa mo krwar ki sa bann stres ek laper lor volan-la kapav koz boukou aksidan. »
De fait, selon la perception générale, le permis à points est source d’angoisse. Stéphane Victoire, 21 ans, étudiant et détendeur d’un permis depuis trois ans, évoque également l’aspect contre-productif du permis : « J’ai constaté que c’est uniquement là où il y a des cameras que les conducteurs accordent une attention particulière à leur conduite. Comme le système est nouveau, j’ai remarqué une certaine agressivité chez les conducteurs. Ils sont impatients… »
Pour le chauffeur de bus Sheoraj, « enn sofer so bis bizin korek pou kapav fer fas permi a pwin sinon se enn bann risk ki li pe pran. Aster-la, mwa kan mo pe kondir, mo pran mo letan akoz vo mie mo vinn tar ki mo pran bann risk. Mo swiv bien kod larout ek pa fer foli devan kamera. Sofer pa kapav badine, travail ki nou fer li enn gran responsabilite. Laper lamem me nou pou bizin abitie. ».
Il faudra donc s’habituer à la peur. Tant de commentaires qui, souvent, relèvent du paradoxe. On peut noter de l’humeur générale que de nombreux conducteurs « à la conduite irréprochable » et qui, dès avant l’entrée en vigueur du permis à points, se disaient « stressés » par les points. Alors que d’autres, qui auront modifié leur conduite, accueillent le permis à points favorablement. Ce qui renvoie au commentaire d’Alain Jeannot de l’ONG Prévention Routière Avant Tout : « On a besoin d’un psychologue de la route. » Le comportement du conducteur mauricien serait, pour le moins, « compliqué ».
Par ailleurs, une fois le conducteur « habitué », n’y a-t-il pas de risque de retour à la normale ? « A lalong, kapav dimoun pou retourn parey », dit Sanjana. Un point de vue partagé par M. Jeannot qui citait, le 10 mai même, une étude de l’université de Valence. Selon lui, le permis à points connaît son peek de résultats sur deux ans seulement. Après quoi, les conducteurs seraient suffisamment habiles pour contourner le système. Le permis à points change le comportement. Mais pour un changement à long terme, c’est la mentalité qu’il faut toucher.
Infrastructures
Madame Doris, 50 ans, conductrice depuis 30 ans est catégorique : « Quelque part, le permis à points est une bonne chose par mesure de précaution mais moi je pense que cela n’est pas approprié pour les routes de Maurice. » Pour la PRAT, également, les infrastructures ne « suivent » pas toujours.
Les autorités donnent ainsi parfois l’impression d’« improviser » autour des mesures de signalisation depuis l’entrée en vigueur du permis à points. Un automobiliste, souhaitant garder l’anonymat, a ainsi contacté Le Mauricien durant la semaine écoulée afin d’évoquer ce qu’il considère comme de « l’amateurisme » de la part des autorités. Sur l’autoroute, les couloirs sont désormais numérotés de 1 à 3 ; la voie à l’extrême gauche, la 3, et celle de droite, la 1. « Pourquoi numéroter les lanes ? Ce n’est pas logique », dit-il, surtout qu’on se serait attendu à ce que la slow lane soit la 1, et que la fast lane la 3. « Depuis quand numérote-t-on les lanes ? Des chiffres écrits au bas de la route, cela ne veut rien dire. Ce n’est pas réglementaire. On introduit de nouvelles signalisations n’importe comment ! », s’interroge-t-il.
Autre point flou souligné : les panneaux de vitesse sur l’autoroute. Au cours de la semaine écoulée, un autre conducteur faisait remarquer que sur l’autoroute il y a désormais des panneaux de fin de limitation de vitesse à 80 km/h. Or, faisait-il observer, sur le tronçon Bell-Village/St Jean, il n’y a plus de panneau limitant la vitesse à 110 km/h. Par ailleurs, dit-il, il y a des bretelles donnant accès à l’autoroute et en toute logique, il y aurait dû y avoir des panneaux annonçant la limite de vitesse autorisée. Cette situation, soutient-il, entretient le doute, car on ne sait plus si on peut rouler jusqu’à 110 km/h ou s’il faut se contenter de rouler jusqu’à 60 km/h car sur cette partie de l’autoroute outre les panneaux limitant la vitesse à 80 km/h, il y a également des panneaux limitant la vitesse à 60 km/h en raison des travaux. Et à un autre automobiliste, qui prenait la direction de Curepipe d’ajouter : « J’ai été bloqué sur la fast lane, par une voiture qui n’avait, semble-t-il, pas compris que le panneau de signalisation indiquait une fin de limitation de vitesse. »
Selon l’Acting Director de la Traffic Management and Road Safety Unit, Dev Nathoo : « Les automobilistes sont supposés connaître ces règlements au code de la route. » Après un panneau de fin de limitation de vitesse, on doit revenir au default speed de l’autoroute, soit 110 km/h. Problème : « Il y a tellement de changements de limitation sur l’autoroute, que le conducteur perd ses repères. Pour la sécurité de tous, pourquoi ne pas afficher également la nouvelle limitation, comme cela se fait dans d’autres pays ? »
Selon Ben Buntipilly, les infrastructures seraient « au contraire » beaucoup plus claires qu’avant. Elles auraient « gagné en précision ». Mais pourquoi avoir attendu que le permis à points soit entré en vigueur pour apporter ces modifications ? « Seki dimoun bizin konpran, seki lapolis li konpreansif ek bann problem infrastriktir ki ti ena. Pa ti pe donn lamann akoz problem infrastriktir. Me aster nou pou kontign amelior li. Li enn on-going process. »
« Plus réfléchi »
Le permis à points, dans sa finalité, vise à changer le comportement des automobilistes. Il a pour objectif de réduire le nombre d’accidents de la route. Cette première semaine, il aura rempli ce contrat.
Toutefois, si les moyens employés au départ se voulaient « éducatifs », ils semblent être surtout « répressifs ». La perception est telle que le système est vu comme « lapolis vinn tir lay ar dimoun ». La bienveillance des autorités n’est que rarement mise en avant.
Il existe d’ailleurs bien des flous dans la « pédagogie » employée. Le Mauricien, il y a six mois, expliquait dans ses colonnes la logique suivante : « gagner » des points lorsqu’on commet une infraction crée la confusion.
Et sur les ondes, on peut entendre encore des auditeurs parler de « perte de points ». À Stéphane Victoire d’affirmer : « Je trouve l’idée du permis à points pas mal, mais cela aurait dû être fait de manière plus réfléchie. »
Pour Mme Doris, « le problème c’est que tout conducteur n’est pas à l’abri parce que les autorités n’ont pas très bien expliqué le concept du permis à points aux conducteurs et ce n’est pas évident pour eux ».
Or, certaines opinions — de la presse écrite ou parlée — sont revenues sur le vague qui plane autour du permis à points et notamment, des excès de vitesse.
Pour rappel, c’est une société privée du nom de ProGuard Ltd qui « opère » les 22 caméras fixes et non la police. Et plusieurs versions auront filtré autour des activités exactes de cette société au sein de la TMRSU.
Une première version — une intervention radiophonique — d’un cadre de la police donnait une information erronée. Une deuxième explication d’un membre de la Photographic Enforcement Unit au Mauricien rectifiait le tir…, mais, avec une information incomplète.
Ce n’est que mardi, au cinquième jour de l’entrée en vigueur du permis à points, que Dev Nathoo, Acting Director de la TMRSU, a pu donner une information précise, corrigeant ainsi les deux premières sources.
Ce sont les couacs de ce genre qui alimenteraient le doute chez les conducteurs à propos d’une « sous-traitance » de données publiques par le privé. Les questions relevées sont : y a-t-il possibilité de « tampering with evidence » ? Y a-t-il possibilité de « conflits d’intérêts » ? Pourquoi avoir attendu le 10 mai pour révéler que des employés de ProGuard occuperaient les bureaux de la TMRSU ?
Mais selon la TMRSU, dans un effort de « transparence », l’activité de ProGuard ne requérait qu’un minimum de « human intervention » et serait « sous supervision policière ».
Le permis à points peut débuter sa deuxième semaine. Une deuxième semaine qui verra, au parlement mardi, une PQ du député Joe Lesjongard qui veut tout savoir « sur les dessous du contrat alloué à ProGuard Ltd pour la gestion du réseau de Speed Cameras à travers l’île et l’usurpation présumée des pouvoirs de la Traffic Branch en matière de contrôle du délit d’excès de vitesse sur les routes à Maurice ».
En attendant un premier bilan officiel, chiffré, et analysé, l’humeur des automobilistes corrobore l’état des lieux suivant. En substance, les conducteurs, en général, font plus attention. Mais il est d’autant juste d’affirmer que les conducteurs, en général, sont plus crispés, et dans bien des cas, plus confus. La peur ou le stress influent à court terme. Toutefois, pour changer la mentalité des automobilistes, il faudra revenir aux objectifs « pédagogiques » tels qu’annoncés au départ. Le permis à points, selon la PRAT, n’étant pas un « remède universel ».


MIEUX COMPRENDRE: Récapitulatif et cas de figure
Dépasser les 15 points entraîne une « disqualification du chauffeur ».
Tout conducteur devra avoir en sa possession une photocopie du Driving Licence Counterpart (DLC) à dimension réelle et son permis de conduire (de couleur bleue). Selon le Penalty Point System (PPS), les infractions sont sanctionnées par des points de pénalité allant de deux à dix. Une fois les 15 points dépassés, le permis de conduire est disqualifié.
• Cas de figure 1 : Usage du téléphone au volant (2-4 points, amende de Rs 1 500)
Un conducteur est au téléphone et se fait arrêter par le policier.

Option 1
Le policier lui offre la possibilité d’écoper d’une pénalité fixe. Il lui remet alors une fixed penalty notice qui correspond à une pénalité minimum, soit deux points. Ce n’est pas le policier qui détermine le nombre de points de pénalité.
Si l’option 1 est acceptée, le policier remet un document que le conducteur devra remplir. Ce document (le Part B) correspond à une reconnaissance de tort. Le conducteur dispose ensuite de 21 jours pour se présenter au caissier de la cour. Il devra alors produire son DLC original, son permis original, et sa carte d’identité originale ainsi que le Part B. Le conducteur signe sa reconnaissance de tort, paye son amende (Rs 1 500) et ce n’est qu’à ce moment qu’un officier de la cour ajoute le nombre points au DLC. Il entre ensuite les données dans le système informatique.

Option 2
Le conducteur n’accepte pas la fixed penalty notice. Le policier le prend alors en contravention. La police constitue un case file et le contrevenant sera convoqué en cour ultérieurement (pas de délai précisé). Mais cette fois, c’est la cour qui décide de la pénalité (2 à 4 points) et de l’amende.

À retenir
Accepter l’option 1 équivaut au minimum du nombre de points prévus pour l’infraction. Refuser la fixed penalty notice, c’est risquer la pénalité maximum, selon la discrétion du magistrat.

• Cas de figure 2 : Usage de portable (2-4 points) et dépassement de véhicule au passage piétonnier (4-6 points)
Le conducteur commet une double infraction. Comme dans le cas de figure 1, il peut accepter la fixed penalty notice. Dans ce cas, il écopera de la pénalité minimum correspondant à l’infraction la plus grave, soit 4 points (lowest point in the highest range). Il devra néanmoins s’acquitter de l’amende pour les deux infractions : un minimum de Rs 500 pour le dépassement et Rs 1 500 pour l’usage du portable au volant. Les démarches administratives en cour sont semblables au cas de figure 1.
En cas de refus de la fixed penalty notice, la police constitue un case file. Le conducteur sera convoqué en cour ultérieurement (pas de délai précisé). Mais cette fois, c’est la cour qui décide de la pénalité (un maximum de 6 points) et de l’amende.

• Cas de figure 3 (speed camera) Excès de vitesse de 25 km/h au-dessus de la limite autorisée (2-4 points et Rs 2 000 d’amende)
Le conducteur est pris en excès de vitesse par la speed camera. Dans quelques jours, il reçoit par la poste une photographic enforcement device notice.

Option 1 :
Dans les 21 jours qui suivent, il se rend en cour muni de son DLC, de son permis de conduire et de sa carte d’identité. Il reconnaît ses torts, signe et se voit pénaliser de 2 points. Il règle une amende de Rs 2 000.

Option 2
S’il souhaite contester, le conducteur dispose alors de 14 jours pour se rendre aux Casernes centrales pour formuler une demande contre Rs 100 et bénéficier d’un rendez-vous à la Photographic Enforcement Unit afin de visionner l’image. S’il n’est toujours pas convaincu de l’infraction, c’est la cour qui se chargera de trancher. Les arguments du contrevenant seront pesés contre les fiches techniques de l’unité. A retenir cependant : le contrevenant risque alors d’écoper d’une charge plus élevée sur le barème de points et d’une amende plus importante.

Option 3
S’il ne se présente pas dans les 21 jours et pose pas de contestation, un case file est logé. Il risque alors d’être pénalisé au maximum du range ainsi que d’une amende plus élevée.

Si le conducteur cumule plusieurs excès en un seul trajet :
Trois excès de 25km/h en un seul trajet valent : au moins 12 points et Rs 6000 d’amende. Il est donc possible de dépasser les 15 points en un seul trajet.

Le propriétaire n’est pas le conducteur
Quand ce n’est pas le propriétaire du véhicule qui conduit au moment des faits, la notice est envoyée à l’adresse de ce dernier. Il dispose de 14 jours pour informer le Commissaire de Police, et de là, la photographic enforcement penalty notice sera envoyée à l’adresse du conducteur.

La « disqualification »
Dépasser les 15 points équivaut à une « disqualification » du conducteur. Une première « disqualification », d’au moins six mois, implique une suspension de permis. Le conducteur, après être de nouveau « qualifié », récupère son permis et zéro point au compteur (Ndlr : il est toutefois possible qu’il ait un excédent de points entre son 15e point cumulé et sa condamnation en cour. Alors, ce résidu est rapporté sur son nouveau DLC).
Si le conducteur dépasse une deuxième fois les 15 points, il est de nouveau « disqualifié » pour une période d’au moins six mois mais son permis de conduire sera alors annulé. Il pourra toutefois faire une nouvelle demande de permis après la période de « disqualification ».

Récupérer ses points
La récupération des points pour des infractions individuelles se fait tous les 36 mois, à partir de la date d’une procédure de fixed penalty notice ou de photographic enforcement device notice ou d’une condamnation (pas la date du délit).

Exemples :
Le conducteur écope de 2 points le 1er juin 2013, puis de 4 points de nouveau le 31 août 2013. Un total de six points.
Le 31 mai 2016, il récupère 2 points. Son total passe de 6 à 4 points. Puis le 30 août 2016, il récupère les 4 points restants correspondant à la deuxième condamnation.


« FLOUS » SOUS LE REGARD DE LA LOI: Conduite dangereuse, et autres “exceptions”
Certains « flous » ont subsisté malgré les tentatives d’explication des autorités. Après plusieurs jours de bénéfice du doute, Le Mauricien a pu vérifier, par l’avis d’un légiste, que les autorités auront, définitivement manqué de clarté…
Comment faire la différence entre conduite dangereuse et imprudente ? Est-ce que le policier a le droit de décider qu’une personne conduit dangereusement et la pénaliser ?
Le regard de la loi sur les « serious offences » n’a pas changé. Les « dangerous driving » (conduite dangereuse), « driving with undue care » (conduite imprudente), « refusing to submit to alcotest » (refus de se soumettre à un alcotest), « involuntary wounds and blows » (coups et blessures involontaires) ne sont pas concernés par la fixed pernalty notice.
Exemple pratique, si un policier est témoin de ce qu’il juge être une conduite dangereuse ou imprudente, il verbalisera le conducteur. L’infraction, étant dès lors, considérée sérieuse, un « case file » doit être logé. Il reviendra alors à la police d’enquêter et de décider du chef d’accusation.
Le conducteur devra se défendre devant le magistrat. Il n’y a pas possibilité pour lui, dans ce cas, d’accepter le minimum de points (8) et d’aller payer son amende au caissier, comme cela se fait pour les « less serious offences ».
La personne se défend en cour. Il n’y a pas moyen pour le policier de « donner des points de manière arbitraire ».
Logique
Le Mauricien s’est entretenu avec un juriste (qui souhaite garder l’anonymat). Dans les faits, ce qu’il faut retenir c’est que le Penalty Point System agit « over and above the law ». Le PPS est venu se greffer sur le système qui existait avant. Il n’est pas venu remplacer la loi par une autre loi. (Les exemples et sommes d’amendes mentionnées ici sont fictifs. Le but étant simplement d’expliquer la logique des choses.)
1) Pour les « less serious offences » avec possibilité de « fixed penalty notice » (FPN)
Le FPN existe depuis plusieurs années déjà. Il a été instauré afin d’alléger le travail de la police et de la cour. Il permettait à un contrevenant léger de reconnaître ses torts au moment des faits, d’aller régler une amende fixe au district cashier. Ce qui équivaut à : plaider coupable, et être condamné coupable sans avoir à passer par un magistrat et sans que le policier ait eu besoin d’ouvrir une enquête.
Si le conducteur n’accepte pas ses torts, il plaide non-coupable de facto. Ce qui nécessitera l’ouverture d’un case file et des poursuites en Cour. Ce qui peut lui valoir une amende supérieure à celle de départ.
Le PPS fonctionne en conjonction avec le FPN de sorte que pour certaines infractions, des points de pénalités soient imputés en sus de l’amende. De même, refuser le FPN équivaut à risquer une plus lourde amende et un nombre de points plus élevés.
2) Pour les « serious offences », pas de FPN
L’infraction étant jugée « trop sérieuse », elle n’est pas concernée par le FPN et ne peut échapper au jugement du magistrat. Mais avec le PPS, dorénavant en sus de la peine, la cour doit également statuer sur le nombre de points à allouer.
Exemple (chiffre fictif) : avant le PPS, une « conduite dangereuse » pouvait valoir une peine d’amende Rs 10 000. Avec le PPS, le conducteur « dangereux » écope de Rs 10 000 mais également de 8-10 points de pénalité.
Discrétion
Différencier entre une conduite imprudente ou dangereuse, d’un simple excès de vitesse relèvera de l’appréciation du policier au moment des faits, puis de l’appréciation du magistrat selon notre interlocuteur.
Par exemple :
• Conducteur au volant d’un véhicule lancé à 250 km/h sur une autoroute déserte à 6 h du matin. Temps clément. Excellente visibilité.
Le policier peut apprécier la situation de la manière suivante : ce conducteur est à plus de 100 km/h au-dessus de la limite de vitesse, il « conduit dangereusement ». Le conducteur est poursuivi pour « conduite dangereuse ».
En cour, le conducteur peut très bien plaider non-coupable pour « conduite dangereuse » mais plaider coupable pour « conduite imprudente » ou « excès de vitesse ». Il reviendra au magistrat de discerner.
Dans ce cas précis : l’environnement immédiat ne présentant aucun danger, aucun problème de visibilité, le magistrat pourrait statuer qu’il ne s’agit plus d’une « conduite imprudente » ou d’un « excès de vitesse ».
• Le même conducteur à 20 km/h au-dessus d’une limite de vitesse, par un jour de brouillard, vers 14 h 30, alors que les enfants sortent de l’école.
Le policier apprécie une « conduite dangereuse ». Cette fois, le discernement est différent car il y a danger immédiat.
Le chef d’accusation (the charge) sera : 1) « relative à l’offence elle-même », 2) « relative au contexte : environnement, climat, topologie des lieux » et 3) « relative au offender, si c’est un récidiviste ou pas ».
Autre exemple cité par l’homme de loi. « Quelques années de cela, un conducteur a écopé de la peine suivante pour conduite dangereuse, pour laquelle il avait plaidé coupable : Rs 30 000 d’amende, annulation de permis, disqualification de trois ans, 2 ans de prison. Pour un cas identique, un autre conducteur a plaidé non-coupable pour conduite imprudente et a été jugé coupable. La peine : Rs 30 000 d’amende, disqualification d’un an, annulation de permis, pas de peine de prison. C’est vraiment une question de discrétion. »
Selon notre juriste, « puisque le PPS évolue over and above the law, et si, par exemple, la loi prévoit déjà la prison, la sévérité peut être jugée excessive dans certains cas ».