Carburants : pourquoi avoir payé en roupies à MMG ?

1 month, 3 weeks ago - 22 April 2025, topfm
Carburants : pourquoi avoir payé en roupies à MMG ?
Le ministre du Commerce, Michael Sik Yuen, avait adressé une lettre à la Financial Crimes Commission (FCC) le 28 janvier 2025 pour demander une enquête sur l’achat par la STC en 2023 pour Rs 30 milliards de produits pétroliers de Mercantile & Maritime Group (MMG), du Bahreïn.

Pour rappel, un appel d’offres lancé le 5 mai 2023 avait été annulé, et la STC a passé un contrat, le 29 juin 2023, directement avec MMG pour la fourniture de carburants pour un an. L’ex-directeur de la STC, Rajiv Servansingh, et l’ex-ministre du Commerce, Dorine Chukowry, avaient justifié ce recours à MMG parce que, entre autres, le prix offert par MMG était moins cher et le paiement allait être effectué en roupies.

On n’a jamais su le prix payé ni le taux de change utilisé, Dorine Chukowry refusant de les communiquer, même à l’Assemblée nationale. Quant au paiement supposément en roupies, en réalité de grosses sommes en devises étrangères ont tout de même quitté le pays peu après, pour régler les factures de cette commande.

Environ $ 24 millions seront transférés à travers la Silver Bank vers un courtier à Singapour, Reliance Global Energy Services. Cependant, c’est MMG qui était le donneur d’ordre du paiement, pas la STC : MMG payait probablement le fournisseur des carburants qu’elle ne faisait que transporter.

D’autres transferts seront effectués par MMG à partir de Maurice en dollars, euros et dirhams, à travers au moins deux autres banques commerciales. C’est en tout cas ce que la FCC aurait découvert après une perquisition effectuée le 10 avril chez Kareena Neisius, représentante locale de MMG.

Sanctions internationales

Selon une source, il fallait que la STC ne paye pas en dollars, vu que tout paiement en cette devise aurait facilement été retracé par les autorités américaines. Et pourquoi fallait-il éviter le radar américain ? C’était pour contourner une sanction décidée par les Américains en février 2020 contre la compagnie russe Rosneft, car celle-ci exploitait le pétrole du Venezuela. Les États-Unis voulaient, disait l’administration Trump de l’époque, « prevent the looting of Venezuela’s oil assets by the corrupt Maduro regime ». La sanction visait également MMG, car ses tankers transportaient en partie ce pétrole.

Lorsqu’elle a approché la SBM en juillet 2023 pour ouvrir un compte, MMG envisageait de déposer une forte somme comme garantie dans le cadre du contrat passé avec la STC (voir HT). La SBM a refusé d’ouvrir ce compte après avoir découvert que MMG était dans le collimateur des Américains. En revanche, la Silver Bank a accepté, mais à 21 h !

On apprenait de plus qu’en octobre 2023, le PDG de MMG, Murtaza Lakhani, faisait l’objet d’une enquête du département de la Justice américain pour avoir présumément violé une autre sanction, venant cette fois des pays du G7 contre la Russie. Cette sanction n’interdisait pas d’acheter et de revendre du pétrole russe, mais de ne pas le faire au-dessus de 60 $ le baril.

Or, entre ces deux sanctions (février 2020 et octobre 2023), MMG s’était engagée en mars 2020 à ne plus transporter le pétrole de Rosneft. Ce serait pour cette raison que la Silver Bank aurait accepté d’ouvrir un compte pour MMG, visiblement alors qu’elle n’était pas encore au courant de l’enquête d’octobre 2023 sur Murtaza Lakhani.

Du côté de la SBM, on maintient que le refus d’ouvrir un compte pour MMG était justifié en raison de l’affaire du pétrole vénézuélien exploité par Rosneft, mais ajoute-t-on, pour d’autres raisons que l’on ne nous a pas détaillées. Des pressions avaient été exercées en vain sur la direction de la SBM par un ex-ministre MSM, aujourd’hui rattrapé par plusieurs scandales.

Le collectionneur de villas

On ne sait pas si la FCC enquête sur cet aspect de sanctions contournées ou/et sur des pots-de-vin qui auraient été distribués. La grande question : pourquoi le gouvernement MSM a-t-il utilisé cette dangereuse astuce en traitant avec MMG ? A-t-il caché une violation de sanctions internationales en utilisant un deuxième mensonge, à savoir que le paiement en roupies allait être bénéfique au pays ? Était-ce pour que certains se remplissent les poches ou obtiennent des villas aux Bahamas ? Ce qui est sûr, c’est que le prix de l’essence n’a, depuis, jamais baissé à la pompe et que la roupie a continué à dégringoler, notamment après ces gros transferts. La question d’Adrien Duval, qui sera adressée au ministre du Commerce prochainement, nous permettra, on l’espère, d’en savoir plus.

Une autre bombe à la BOM

Le dépôt-garantie que MMG voulait faire à la SBM proviendrait… de la Banque de Maurice. MMG aurait transféré cette somme directement chez cette dernière au lieu de la verser chez une banque commerciale. Le plus incroyable, c’est que cette même banque centrale infligera une amende à Maubank pour avoir imposé un taux de change exorbitant à MMG. Au-delà de cette sollicitude pour MMG, la BOM démontrait ainsi qu’elle était parfaitement au courant des démarches de MMG et de la STC. Voilà d’autres explications que Harvesh Seegoolam devra fournir à la FCC, quitte à renvoyer toute la responsabilité sur Renganaden Padayachy.