COP26: la CNT achètera 24 autobus roulant au bon vieux diesel bien polluant

3 years, 1 month ago - 11 November 2021, lexpress.mu
Illustration
Illustration
Ce ne sera pas de sitôt que l’on verra les autobus électriques glisser silencieusement et proprement sur nos routes.

Le gouvernement lui-même donne le mauvais exemple, malgré ses discours et promesses.

Rappelons-nous de ces belles paroles prononcées par Pravind Jugnauth il y a moins d’une semaine, à Glasgow, au World Leaders Summit de la COP26 : «… l’urgente nécessité de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C et d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 ; … Maurice vise à réduire ses émissions à effet de serre par 40 % à l’horizon 2030» et, surtout, «Maurice entend aussi promouvoir l’utilisation des véhicules électriques». Les écologistes ont dû essuyer une larme en entendant de tels engagements.

Promesse partie en fumée noire

Or, on apprend presque en même temps que la Corporation Nationale de Transport (CNT), compagnie dirigée par l’État, veut acheter 24 nouveaux autobus roulant au… diesel ! L’appel d’offres a déjà été lancé. Mais pourquoi n’a-t-on pas choisi les bus électriques tant promis ? Un haut cadre tente de justifier cette contradiction avec les belles paroles du Premier ministre en nous expliquant que la compagnie d’État a bien acheté un autobus électrique et compte en acheter d’autres bientôt, après des tests et pour donner le temps aux chauffeurs et autres mécaniciens et électriciens d’en apprendre un peu plus sur l’autocar électrique. Pourquoi n’avoir pas attendu la fin de cette expérience avant d’acquérir les 24 cars thermiques ? «Nous avons dû le faire car, en attendant, nous avons déjà mis au rebut 30 vieux véhicules.» Nous n’avons pas demandé à notre interlocuteur pourquoi la CNT n’a pas attendu avant de «scrap» ces vieux autobus.

United Bus Service (UBS) a, elle, déjà fait l’acquisition de 20 nouveaux bus roulant également au diesel. Ils seront sur nos routes à partir de ce vendredi. Même si on nous dit que ces bus fabriqués en Chine n’émettent pas autant de particules fines que les modèles précédents, toujours est-il que l’achat de ces véhicules étonne, en pleine conférence sur le réchauffement climatique. D’autres compagnies et propriétaires individuels veulent aussi continuer avec les bus au moteur thermique. Les raisons évoquées : en premier, le coût. Alors que le thermique, même fabriqué en Chine ou en Inde, coûte dans les Rs 3,5 millions, le bus électrique, lui, va chercher dans les Rs 10 millions !

Subvention dérisoire

Et l’augmentation de Rs 1,2 million à Rs 1,5 million des subventions annoncée par le ministre des Finances ? «Peanuts», rétorque un propriétaire d’autobus. Cependant, du côté du gouvernement, on promet, COP26 oblige sûrement, de revoir cette subvention qui pourrait aller jusqu’à 30 % de la valeur du bus électrique, avec un maximum de Rs 3,5 millions par bus. «Si c’est vrai, répond un opérateur, ce serait intéressant.» Mais en attendant que le gouvernement confirme cette hausse de la subvention, les opérateurs, eux, ne pouvaient pas attendre…

On nous parle aussi d’un problème de ravitaillement pour ces bus électriques. Malgré les promesses du ministre du Transport terrestre, Alan Ganoo, les bornes de recharge ne sont pas encore installées. «Il est vrai que le bus peut avoir une autonomie de 175 km, mais si la batterie se décharge en route, comment on fait ?» se demande un propriétaire. Il dit aussi n’avoir reçu aucune information ni formation pour l’encourager à acheter le bus écologique. «Peut-être que les ministres étaient occupés avec la COP26 ?» s’interroge-t-il d’un ton moqueur.

Si l’on peut comprendre les raisons financières avancées par les opérateurs privés pour continuer pour l’instant avec les moteurs à explosion, on comprend mal pourquoi la CNT, qui est de toute façon largement subventionnée par l’État, ne fait pas un geste pour l’environnement.

Le bruit et la pollution des moteurs diesel des autobus se feront en tout cas entendre et sentir pendant des années encore, que ce soit pour les passagers et les autres citoyens.

Transport et Covid

Il est certain que beaucoup de voyageurs évitent le transport en commun à cause du Covid-19. Car la distanciation physique n’y est pas respectée. Pour ceux qui doivent quand même utiliser le car, ils doivent aussi, outre la promiscuité dangereuse, faire face à un environnement fermé car bien souvent les vitres ne sont pas ouvertes. «C’est un problème entre voyageurs», commente un opérateur. «Certains ont peur du froid ou de quelques gouttes de pluie. Les autres s’inquiètent de l’absence de la circulation d’air. Bien souvent, cela finit par des insultes et des bagarres.» C’est pourquoi le receveur préfère parfois ne pas obliger les passagers à ouvrir les vitres. Pour éviter à son tour d’être pris à partie.

Cars importés entièrement construits

Pourquoi les autobus ne sont plus assemblés à Maurice ? Réponse : les quelques ateliers qui subsistaient ont fermé depuis que même le gouvernement a vu que c’était plus profitable d’importer les autocars entièrement montés à l’étranger. Même si, parfois, les sièges ne sont pas confortables comme l’auraient fait les assembleurs locaux. «La Chine et l’Inde, par exemple, produisent déjà à moins cher. Quant aux bus japonais, plus performants et durables, ils ne sont plus à notre portée.» On nous promet en tout cas du côté de la CNT d’exiger des sièges plus confortables, d’autant que les embouteillages ne sont pas près de terminer.
Pollution inutile

Pourquoi des chauffeurs d’autobus de la CNT laissent-ils tourner le moteur même à l’arrêt dans les gares ? Un haut cadre de la compagnie reconnaît que c’est un gaspillage de fonds publics et que c’est de la pollution sonore et environnementale inutile. Il nous a promis de faire remonter l’information, pour la faire ensuite redescendre en guise de directive.